Gresea Mirador
Groupe de Recherche pour une Stratégie économique alternative

Formations Gresea 2011-2012

Les chaînes d’approvisionnement mondialisées :
de l’usine au consommateur

 

Très longtemps accusées d’exploiter les pays du Sud en tant que bras commercial des puissances coloniales, les entreprises multinationales sont aujourd’hui considérées par beaucoup comme des acteurs de développement et de diffusion d’une croissance Croissance Augmentation du produit intérieur brut (PIB) et de la production.
(en anglais : growth)
économique mondiale.

Si leur poids grandissant dans les échanges commerciaux internationaux est là pour confirmer le rôle moteur de ces sociétés dans la mondialisation, les effets pervers de leur stratégie de production et de commercialisation sur les populations et les travailleurs du Sud comme du Nord relativisent parfois leur contribution au développement soutenable et au progrès social. S’il semble évident pour nous qu’il faut exiger une réglementation des activités des entreprises multinationales, cette revendication n’a de chance d’exister qu’avec le soutien d’un large public. Or, comment exiger de réglementer ce que l’on ne connaît pas ?

A partir de ce constat, le Gresea a décidé de travailler durant deux ans sur un programme de formations modulaires consacrées aux entreprises multinationales et leur impact sur le développement socioéconomique des Etats.

Présentation

La formation a pour objectif premier la compréhension de l’entreprise multinationale Multinationale Entreprise, généralement assez grande, qui opère et qui a des activités productives et commerciales dans plusieurs pays. Elle est composée habituellement d’une maison mère, où se trouve le siège social, et plusieurs filiales étrangères.
(en anglais : multinational)
. Qu’est-ce qu’une EMN ? Quelles sont ses frontières ? Comment est-elle organisée en interne ? Comment se finance-t-elle ? Comment rémunère-t-elle ses différents facteurs de production ? Quels sont les facteurs qui déterminent ses stratégies d’investissement Investissement Transaction consistant à acquérir des actifs fixes, des avoirs financiers ou des biens immatériels (une marque, un logo, des brevets…).
(en anglais : investment)
et d’implantation à travers le monde ?

Qu’il s’agisse d’élèves ou étudiants confrontés en permanence aux marques de vêtements ou d’objets électroniques en tout genre ou de délégués syndicaux travaillant directement ou indirectement (via un sous-traitant) pour une EMN, certaines de ces questions restent en partie sans réponses.

Progressivement, ces formations permettront de construire un manuel d’information et de formation qui sera publié dans le courant de l’année 2012. Accompagné d’un CD-Rom regroupant différentes présentations PowerPoint, ce manuel pourra ainsi être réutilisé dans le futur par les formateurs syndicaux ou les professeurs, sans devoir nécessairement recourir à la collaboration du Gresea. Bien évidemment, le Gresea s’engage à assurer, au-delà des deux années du projet, le suivi et l’appui des personnes désireuses de travailler sur ces multiples questions.

En pratique, plusieurs modules de formation d’une durée de deux heures existent d’ores et déjà. En voici, une présentation succincte. D’autres modules sont également en préparation.

1er module
Définition, histoire et stratégie de développement

Dans un premier temps, il s’agit de montrer pourquoi, à l’heure actuelle, il n’existe toujours pas de définition véritablement institutionnalisée de l’entreprise multinationale. Cnuced CNUCED Conférence des Nations Unies pour le Commerce et le Développement : Institution des Nations unies créée en 1964, en vue de mieux prendre en compte les besoins et aspirations des peuples du Tiers-monde. La CNUCED édite un rapport annuel sur les investissements directs à l’étranger et les multinationales dans le monde, en anglais le World Investment Report.
(En anglais : United Nations Conference on Trade and Development, UNCTAD)
, Ocde OCDE Organisation de Coopération et de Développement Économiques : Association créée en 1960 pour continuer l’œuvre de l’Organisation européenne de coopération économique (OECE) chargée de suivre l’évolution du plan Marshall à partir de 1948, en élargissant le nombre de ses membres. A l’origine, l’OECE comprenait les pays européens de l’Ouest, les États-Unis et le Canada. On a voulu étendre ce groupe au Japon, à l’Australie, à la Nouvelle-Zélande. Aujourd’hui, l’OCDE compte 34 membres, considérés comme les pays les plus riches de la planète. Elle fonctionne comme un think tank d’obédience libérale, réalisant des études et analyses bien documentées en vue de promouvoir les idées du libre marché et de la libre concurrence.
(En anglais : Organisation for Economic Co-operation and Development, OECD)
, FMI FMI Fonds Monétaire International : Institution intergouvernementale, créée en 1944 à la conférence de Bretton Woods et chargée initialement de surveiller l’évolution des comptes extérieurs des pays pour éviter qu’ils ne dévaluent (dans un système de taux de change fixes). Avec le changement de système (taux de change flexibles) et la crise économique, le FMI s’est petit à petit changé en prêteur en dernier ressort des États endettés et en sauveur des réserves des banques centrales. Il a commencé à intervenir essentiellement dans les pays du Tiers-monde pour leur imposer des plans d’ajustement structurel extrêmement sévères, impliquant généralement une dévaluation drastique de la monnaie, une réduction des dépenses publiques notamment dans les domaines de l’enseignement et de la santé, des baisses de salaire et d’allocations en tous genres. Le FMI compte 188 États membres. Mais chaque gouvernement a un droit de vote selon son apport de capital, comme dans une société par actions. Les décisions sont prises à une majorité de 85% et Washington dispose d’une part d’environ 17%, ce qui lui donne de facto un droit de veto. Selon un accord datant de l’après-guerre, le secrétaire général du FMI est automatiquement un Européen.
(En anglais : International Monetary Fund, IMF)
, Banque mondiale Banque mondiale Institution intergouvernementale créée à la conférence de Bretton Woods (1944) pour aider à la reconstruction des pays dévastés par la deuxième guerre mondiale. Forte du capital souscrit par ses membres, la Banque mondiale a désormais pour objectif de financer des projets de développement au sein des pays moins avancés en jouant le rôle d’intermédiaire entre ceux-ci et les pays détenteurs de capitaux. Elle se compose de trois institutions : la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD), l’Association internationale pour le développement (AID) et la Société financière internationale (SFI). La Banque mondiale n’agit que lorsque le FMI est parvenu à imposer ses orientations politiques et économiques aux pays demandeurs.
(En anglais : World Bank)
, chaque organisation définit en interne ce qu’est une multinationale et souvent, de manière très opérationnelle et non chiffrée. A partir de ce constat, l’objectif de ce module est de définir de manière participative ce que pourrait être une définition satisfaisante de l’EMN.

Pour y arriver, une présentation historique de certaines caractéristiques transversales de l’EMN est tout d’abord présentée : statut juridique, organisation en réseau, intégration verticale Intégration verticale Stratégie d’une firme qui acquiert ou contrôle tout ou une partie des différents stades de production et de distribution d’un bien ou service particulier, pour éviter d’être dépendante des fournisseurs ou des clients.
(en anglais : vertical integration)
et/ou horizontale, financement de la production, stratégie de localisation et de développement (Investissement Direct Etranger et sous-traitance Sous-traitance Segment amont de la filière de la production qui livre systématiquement à une même compagnie donneuse d’ordre et soumise à cette dernière en matière de détermination des prix, de la quantité et de la qualité fournie, ainsi que des délais de livraison.
(en anglais : subcontracting)
internationale).

Ensuite, un jeu est également disponible. Il s’agit par petit groupe de reconstituer à partir d’un problème énoncé une chaîne d’approvisionnement Nord-Sud. Actuellement, ce problème est posé à partir d’une entreprise imaginaire « La crevaison » produisant des pneus en Europe à partir de plantation d’hévéas en Afrique. L’énoncé pourra être utilement modifié selon les intérêts Intérêts Revenus d’une obligation ou d’un crédit. Ils peuvent être fixes ou variables, mais toujours déterminés à l’avance.
(en anglais : interest)
du public. L’objectif de cette activité étant de dépasser la compréhension statique de l’entreprise (« les murs de l’usine ») pour introduire à des questionnements plus systémiques sur les frontières et la structuration de l’EMN.

2e module
Impact de l’entreprise multinationale sur la mondialisation

Dans cette deuxième partie, il s’agit de montrer tout d’abord que, contrairement à ce que l’on pourrait croire, les EMN ont bel et bien une nationalité. Nationalité qui a, au niveau des 200 plus grandes entreprises en termes de chiffre d’affaires considérablement évolué. Ensuite, nous tentons d’expliquer les mécanismes du commerce mondial. Il s’agit ici d’expliciter la situation d’oligopole due à la tendance globale à la concentration, et la substitution des entreprises au marché Marché Lieu parfois fictif où se rencontrent une offre (pour vendre) et une demande (pour acheter) pour un bien, un service, un actif, un titre, une monnaie, etc. ; un marché financier porte sur l’achat et la vente de titres ou d’actifs financiers.
(en anglais : market)
(l’internalisation croissante de certaines étapes de la production au sein des EMN), le commerce intra-firme et les prix de transfert Prix de transfert Établissement de prix entre filiales d’un même groupe, pouvant être sous-évalués ou surévalués en fonction de l’endroit où se situe l’unité : paradis fiscal ou région appliquant une fiscalité sévère.
(en anglais : transfer prices).
entre une maison-mère et sa filiale étrangère, qui ont comme effet pervers une mise sous pression des législations fiscales et sociales au Sud comme au Nord.
Enfin, sur base de quelques ratios comptables simples (marge bénéficiaire, rentabilité, solvabilité Solvabilité Rapport de long terme pour savoir si la firme peut structurellement supporter les charges financières qu’elle doit assurer de par son activité ; c’est sa capacité à rembourser les dettes qu’elle contracte.
(en anglais : solvency)
/endettement), nous proposons de mettre en perspective la richesse Richesse Mot confus qui peut désigner aussi bien le patrimoine (stock) que le Produit intérieur brut (PIB), la valeur ajoutée ou l’accumulation de marchandises produites (flux).
(en anglais : wealth)
créée par ces entreprises avec l’évolution de leur niveau d’emploi et sa répartition géographique.

Ce module peut être illustré par la projection d’un documentaire pédagogique d’une vingtaine de minutes réalisé en 2006 par le CNCD-11.11.11 ("Full option Option Contrat où un acquéreur possède le droit d’acheter (option dite « call ») ou de vendre (option dite « put ») un produit sous-jacent (titre, monnaie, matières premières, indice...) à un prix fixe à une date donnée, moyennant l’octroi une commission au vendeur. C’est un produit dérivé.
(en anglais : option).
"), qui illustre les enjeux du travail décent sur une chaîne d’approvisionnement automobile partant de la Belgique, passant par la Roumanie et atterrissant en Thaïlande.

3e module
Nouvelles formes d’organisation du travail et financiarisation Financiarisation Terme utilisé pour caractériser et dénoncer l’emprise croissante de la sphère financière (marchés financiers, sociétés financières...) sur le reste de l’économie. Cela se caractérise surtout par un endettement croissant de tous les acteurs économiques, un développement démesuré de la Bourse et des impératifs exigés aux entreprises par les marchés financiers en termes de rentabilité.
(en anglais : securitization ou financialization)
de l’EMN

Les années 1980 et 1990 ont vu le contrôle des multinationales changer de main passant de la "main visible des managers" à celle des acteurs de la finance. Il s’agit tout d’abord d’aborder de manière pédagogique les grands bouleversements politiques et économiques dus à la crise du modèle fordiste dans les années 70 (Baisse des gains de productivité Productivité Rapport entre la quantité produite et les ressources utilisées pour ce faire. En général, on calcule a priori une productivité du travail, qui est le rapport entre soit de la quantité produite, soit de la valeur ajoutée réelle (hors inflation) et le nombre de personnes nécessaires pour cette production (ou le nombre d’heures de travail prestées). Par ailleurs, on calcule aussi une productivité du capital ou une productivité globale des facteurs (travail et capital ensemble, sans que cela soit spécifique à l’un ou à l’autre). Mais c’est très confus pour savoir ce que cela veut dire concrètement. Pour les marxistes, par contre, on distingue la productivité du travail, qui est hausse de la production à travers des moyens techniques (machines plus performantes, meilleure organisation du travail, etc.), et l’intensification du travail, qui exige une dépense de force humaine supplémentaire (accélération des rythmes de travail, suppression des temps morts, etc.).
(en anglais : productivity)
, hausse des taux d’intérêt Taux d’intérêt Rapport de la rémunération d’un capital emprunté. Il consiste dans le ratio entre les intérêts et les fonds prêtés.
(en anglais : interest rate)
pour lutter contre l’inflation Inflation Terme devenu synonyme d’une augmentation globale de prix des biens et des services de consommation. Elle est poussée par une création monétaire qui dépasse ce que la production réelle est capable d’absorber.
(en anglais : inflation)
, désintermédiation de l’économie, décloisonnement des acteurs financiers, dérégulation Dérégulation Action gouvernementale consistant à supprimer des législations réglementaires, permettant aux pouvoirs publics d’exercer un contrôle, une surveillance des activités d’un secteur, d’un segment, voire de toute une économie.
(en anglais : deregulation).
et globalisation, crise de la dette au Sud et Consensus de Washington).

Ensuite, il s’agit d’expliquer comment ces évolutions de leur environnement socio-économique ont amené les EMN à s’adapter / évoluer vers le modèle actuel que certaines dénomment « l’entreprise financiarisée » et les conséquences sur l’organisation du travail sur le terrain (diffusion du toyotisme Toyotisme Système de production fondé après la Seconde Guerre mondiale dans les usines automobiles de Toyota, sous l’impulsion de l’ingénieur Taiichi Ohno. Il consiste essentiellement en plusieurs éléments : 1. autonomation, c’est-à-dire la capacité des machines à s’arrêter automatiquement dès qu’elles rencontrent un problème ; 2. qualité du premier coup ; 3. just-in-time ; 4. teamwork ; 5. management participatif ; 6. sous-traitance.
(en anglais : toyotism)
, responsabilisation du travailleur, flexibilité…).

Ce module est actuellement illustré par la projection d’un court passage du documentaire de France3 intitulé « La mise à mort du travail » qui montre le poids croissant des investisseurs institutionnels sur le monde industriel.

4e module
La Responsabilité Sociale et Environnementale des EMN

Face à la quasi-absence d’une régulation des EMN par le droit international, la société civile a choisi d’utiliser principalement l’image de marque des entreprises pour les contraindre à prendre en compte les externalités négatives de leurs activités au niveau social et environnemental. Non contraignante, cette RSE (Responsabilité sociale des entreprises), ou "soft law", se matérialise rapidement dans le foisonnement des codes de conduite et autres labels. Cette stratégie est illustrée à partir d’exemples concrets dans les pays en développement. La RSEE (Responsabilité sociale et environnementale des entreprises) a permis des avancées sociales importantes dans certains secteurs, mais elle a, également, eu des effets pervers qu’il ne faut pas gommer (privatisation des sources du droit international).

Enfin, il s’agit également d’informer les participants sur les évolutions et les propositions actuelles dans ce domaine : passage d’une « soft law » vers une « smart law » ; Global Compact et cadre Ruggie ou encore des initiatives très concrètes comme celles de la Campagne Vêtements Propres dans le textile.

5e module
La réponse syndicale à l’internationalisation des chaînes d’approvisionnement

Longtemps, les organisations syndicales au Nord comme au Sud ont mis en œuvre des réponses nationales ou locales à l’internationalisation de l’entreprise et les enjeux qui en découlent. Depuis deux décennies, un embryon de négociation collective supranationale est en germe. Quels sont là, les intérêts des acteurs (EMN et syndicats) ? Quels sont les lieux de négociation (Comité d’entreprise international, Comité d’entreprise européen) ? Quels sont les mécanismes (les Accords-cadres internationaux) et leurs effets attendus ou vérifiés ? Autant de questions auxquelles des réponses sont apportées durant ce module.

6e module
Entreprise multinationale, marché à terme et matières premières

« Sans pétrole nos véhicules ne roulent pas. Mais, sans matières premières, il n’y a tout simplement pas de véhicules ». Ces propos sont d’un patron sidérurgiste allemand. Autrement dit : les entreprises industrielles doivent aller au marché et trouver des matières premières. Sinon, pas d’activité, pas de production. Quelles sont les stratégies mises en place par les entreprises pour trouver les matières premières ? A quels autres acteurs ou difficultés sont-elles confrontées ? Comment essaient-elles de résoudre ces contraintes ? Autant de questions auxquelles ce module tentera de répondre.

Nous mettons également en évidence les rapports entre entreprises et matières premières, à travers des cas concrets comme ceux d’Arcelor ou de Nyrstar. Il s’agit d’identifier les acteurs de la chaîne d’approvisionnement : le producteur au début de la chaîne, l’intermédiaire (le marchand), le consommateur et le spéculateur. Nous abordons les contrats à terme, c’est-à-dire les mécanismes utilisés par les entreprises pour se protéger contre les risques. Enfin, le survol de ce champ d’actions des entreprises multinationales permettra de mettre en lumière le rôle primordial que les matières premières jouent dans la vie quotidienne de l’entreprise et de ses travailleurs.

D’autres modules seront proposés au fil du projet.

Formateurs : Erik Rydberg, Bruno Bauraind, Lise Blanmailland, Raf Custers et Henri Houben.


 

Gresea asbl
Groupe de Recherche pour une Stratégie économique alternative

11 Rue Royale, 1000 Bruxelles, Belgique

Tél.32.(0)2.219.70.76 - Fax 32.(0)2.219.64.86

Courriel : gresea skynet.be

Site : www.gresea.be