Carte d'identité

Secteurs Électroménager, Télécommunications
Naissance 1847
Siège central Munich
Chiffre d'affaires 77,8 milliards d'euros
Bénéfice net 8,5 milliards d'euros
Effectifs 320.000 personnes
Site web http://www.siemens.com/
Président Roland Busch
Actionnaires principaux (mars 2024): Autodétention (7, 18%), Famille Siemens (6, 86%), Qatar Investment Authority (2, 98%), Amundi Asset Management (1, 25%)
Comité d'entreprise européen oui

Ratios 2023

 
Marge opérationnelle % 12,41
Taux de profit % 16, 07
Taux de solvabilité % 50, 29
Taux de dividende % 39, 42
Part salariale % 68, 99
Taux de productivité (€) 133.597 euros
Fonds roulement net (€) 15, 7 millards d'euros

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* Les années fiscales de Siemens sont publiées de septembre à septembre

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Historique

Siemens, "little big man"

L’importance de Siemens saute aux yeux à la lecture du classement réalisé en 2011 par le Frankfurter Allgemeine Zeitung des 100 plus grosses entreprises européennes. Sur la base du chiffre d’affaires 2010, Siemens arrive en 14e position, et n°5 sur la scène allemande, derrière Volkswagen, les assurances Allianz, Daimler et E.On.

Erik Rydberg*

Un des fleurons de l’industrie allemande, de son ingénierie de pointe. Son histoire en témoigne. Fondé en 1847 par Werner Siemens, c’est en effet sur la base d’une invention dans le domaine de la télégraphie que l’entreprise entame son envol à Berlin dans ce qui n’était alors qu’un petit atelier : il ne comptait, un an plus tard, que dix employés – mais de l’ambition à revendre : construction, dès 1848, de la première ligne de télégraphe à longue distance en Europe (500 km, Berlin-Francfort), suivie, dans les années 1850, par un réseau en Russie. Innovation technique, encore, en 1866, lorsque Werner Siemens découvre le principe de la dynamo-électrique et, en 1881, installe en Grande-Bretagne un système d’alimentation de l’éclairage urbain par turbine hydraulique et alternateur à courant alternatif. C’est, au départ, son rayon d’action industriel : les motrices électriques et les ampoules à incandescence. Cette contribution au progrès des sciences appliquées vaudront à son auteur d’être anobli en 1888 : Werner pourra désormais lustrer sa carte de visite d’un "von Siemens"…

L’embryon d’un empire

Rien ne présage à ce moment l’extrême diversité (faite de fusions et acquisitions) qui caractérise Siemens aujourd’hui. Taper Siemens sur Google, c’est aussitôt se voir offrir le choix multiple suivant : vous cherchez Siemens "lave-vaisselle" ou Siemens "audiologie" ? À moins que ce ne soit Siemens "téléphone", Siemens "électroménager", Siemens "automation" ou Siemens "équipementier automobile" ? Et, là, Google oublie le principal morceau du gâteau qui assure à la marque ses marges bénéficiaires : les trains à grande vitesse, numéro trois mondial avec 214 rames en circulation dans le monde en 2010, derrière Alstom (611 rames) et Hitachi-Kawasaki (345 rames) [1].

Là, c’est brûler les étapes. En 1897, Siemens vient juste de franchir le cas de sa constitution en société anonyme et, dans la première décennie du 20e siècle, il en est toujours à poser des câbles téléphoniques, entre la France et la Grande-Bretagne, notamment. Mais, déjà, Siemens "renifle" ailleurs. En 1919, au sortir de la Grande Guerre, il s’associe avec huit fabricants d’ampoules électriques pour former la société Osram, dont il détiendra 40% [2]. Dans les années 20, il s’invite dans le secteur de l’électroménager, tout en gardant la haute main sur les projets d’ingénierie pharaoniques, telle l’électrification d’un pays entier, l’Irlande, en 1925 – pour ensuite, années trente, s’introduire dans le marché plus que lucratif de la mécanisation des soins de santé en produisant des appareils de photographie aux rayons X.

La Seconde Guerre mondiale ? Siemens passe à travers, en grande partie grâce au know-how militaire allemand : ses installations bénéficieront des programmes de travail forcé mis en œuvre dans les territoires conquis. Cela lui vaudra quelques ennuis ultérieurement. [3]

Le rêve d’une industrie informatique européenne

Les Trente Glorieuses qui suivent le seront également pour Siemens. Au début des années cinquante, construction de centrales électriques en Argentine, en Égypte et en Inde. Au tournant des années soixante, percée dans l’automation qui lui vaudra de paraître un des champions de la machine-outil. À la décennie suivante, début des années septante, l’informatique européenne donnait encore l’illusion d’une cathédrale et Siemens sera, en 1972, à la tête du projet mort-né visant à rivaliser avec les États-Unis dans ce domaine : le consortium Unidata, porté sur les fonts baptismaux par Siemens et censé accoucher d’une grande industrie informatique européenne à l’instar d’Airbus sera coulé corps et biens par Valéry Giscard en 1975.

Las ! Une de perdue, dix de retrouvées. Car la "multinationalisation" de l’économie sera un train que Siemens prendra sans problème en marche. Expansion en Chine, par exemple, où, peu après le tournant néolibéral, le fer de lance de l’industrie allemande disposera bientôt de 64 usines et de 36.000 travailleurs (2005), faisant de lui le premier employeur étranger du pays. Ceci, bien sûr, couplé avec les effets "yo-yo" de l’économie-casino caractérisant ce que d’aucuns appellent les Trente Piteuses : la valse des rachats d’entreprise (grossir le chiffre d’affaires en élaguant le "bois mort" : économies d’échelle et synergies) suivie à même rythme du mouvement inverse, externalisations, spin-offs, défaisances en tous genre (toujours pour revenir au sacrosaint "cœur du métier") ne peut que donner le tournis. Le filon rayon X ? Revendu en 1997. La téléphonie mobile, idem, 2005. L’équipementerie automobile, itou, à Continental, 2007. La liste est longue.

Marque de fabrique : l’innovation sociale

Ce qui retiendra sans doute plus l’attention est la capacité d’innovation sociale de Siemens. Avec quelques autres poids-lourds allemands (dont Bosch), bientôt suivis par leurs confrères admiratifs des pays voisins, Siemens figurera au peloton de tête des entreprises qui, sous menace de délocalisation, contraindront leurs travailleurs d’accepter un allongement de la durée du travail sans compensation financière : un retour au modèle éprouvé de la plus-value absolue, obtenue en faisant travailler plus pour moins (l’extraction de la plus-value relative, elle, consiste pour mémoire à faire travailler plus intensément, mais l’un et l’autre se combinent sans peine).

Siemens, ainsi, fera passer en 2004 la semaine de travail de 35 à 40 heures, le choix étant, en cas de refus, que les deux usines allemandes de GSM passent armes et bagages en Hongrie. 40 heures payées 35, c’est un joli coup, pour chaque heure de travail, Siemens paye 12,5% en moins, d’un trait de baguette magique, et c’est sans compter la pénibilité accrue d’une semaine alourdie de cinq heures devant les machines. Mais, bon prince, la chose lui ayant été accordée par convention collective, Siemens s’est fait fort de garantir le volume d’emploi pendant… deux ans. Pas question de demander plus, la gourmandise, comme chacun sait, est un vilain défaut.

Rebelotte en 2005 où, sous la menace d’une délocalisation de la production de composants électroniques pour l’automobile en République tchèque, le syndicat IG Metall acceptera que Siemens limite la casse (le nombre d’emplois supprimés) en échange de réductions de salaire et d’un retour aux 40 heures semaine [4].

En 2007, Siemens est condamné à une amende de 397 millions d’euros pour une entente illicite avec d’autres équipementiers électriques (appels d’offre truqués, entente sur les prix, répartition des marchés) [5]. La sanction est confirmée en appel en 2012 pour Siemens et neuf autres entreprises [6]. Des faits de corruption impliquant le fabricant allemand avaient également été mis en lumière en 2007 [7].

L’autre "système", déjà évoqué, est celui des économies d’échelle, en général vanté sous le terme de "synergie" par les capitaines d’industrie lorsqu’ils mettent en avant les avantages d’une mise de fond dans l’achat d’une autre entreprise, voire une fusion avec celle-ci. Ce sera le cas lorsque, en 2006, Siemens et Nokia vont faire rouler sous même capot leurs activités d’équipements de réseaux sous le nom de Nokia Siemens Networks, faisant du combinat le numéro 3 mondial du marché des infrastructures téléphoniques, et numéro 2 mondial pour les infrastructures de téléphonie mobile, avec un chiffre d’affaires combiné de 15,8 milliards d’euros. Voilà donc qui extrêmement avantageux, non seulement pour les boursicoteurs mais aussi pour la plus-value résultante : la "synergie" se traduira par une réduction de personnel de l’ordre de 10 à 15% - sur un total de 60.000 travailleurs, faites le compte, ce n’est pas rien… [8]

Début 2015, Siemens disait envisager la suppression de 7.800 emplois [9]. L’information sera suivie, deux mois plus tard, par un démenti. Il fallait lire 12.300 emplois. La nouvelle tombait au même moment qu’on apprenait que le bénéfice net de Siemens avait, au deuxième trimestre, plus que triplé [10]. Sans commentaire.

*Chercheur Gresea

Rydberg, Erik, "Siemens", Gresea, juillet 2015, texte disponible à l’adresse : http://www.mirador-multinationales.be/secteurs/mixte/article/siemens


[1Ajoutons, pour le plaisir, les 305 automotrices Desiro vendues au RER à la SNCB en 2008 (1.425 millions d’euros, le service public a du bon.) Deutsche Bahn est également un bon client : http://www.histoire-image.org/site/oeuvre/analyse.php?i=1217

[2Osram sera l’un des protagonistes du cartel Phoebus (1924-1934) qui réunira quelques-uns des plus grands producteurs de lampes incandescantes de la période à l’instar de Philips ou General Electric. Le cartel a permis à ses protagonistes de se répartir le marché – chaque entreprise étant prioritaire sur son prorpre territoire tandis que les importations sont limitées par des quotas. Le cartel Phoebus sera épinglé en Grande Bretagne dans un rapport de la « Monopole and restrictive practices commission » - une commission parlementaire chargée de veiller et prévenir la formation de trusts ou de cartels (https://www.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/235313/0287.pdf) - pour s’être entendu sur les prix. Le cartel est également à l’origine de la limitation de la durée de vie des ampoules à 1.000 heures pendant les années vingt. Cette limitation de la durée de vie des ampoules est présentée dans le documentaire « The Light Bulb Conspiracy » (« Prêt à jeter », Dannoritzer, 2010, www.youtube.com/watch?v=5eSoBBapXCg) comme l’un des premiers exemples d’une pratique d’obsolescence programmée.

[4Ce cas ainsi que le précédent a été rapporté par l’excellent site d’information socio-économique 6com.

[7Gresea, « Les milliards corrupteurs de Siemens », (Belwatch, Janvier 2008). http://www.gresea.be/spip.php?article794

[8C’est puisé à même source.

[10La machine à profit fonctionne souvent avec une pincée de corruption : Siemens l’a appris à ses dépens lorsqu’il a été pris sur le fait en Grèce, cfr. http://eblanademocraticmove.blogspot.ie/2015/05/why-austerity-makes-corruption-worse-in.html

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