Analysant les plans fabuleux de sauvetage de la Grèce concoctés par le leadership européen, Peter Spiegel faisait observer [Financial Times, 29 juin 2011] que la dette grecque est progressivement transformée intégralement en une dette publique
Dette publique
État d’endettement de l’ensemble des pouvoirs publics (Etat, régions, provinces, sécurité sociale si elle dépend de l’Etat...).
(en anglais : public debt ou government debt)
et que, "si cela continue, le secteur public deviendra le seul créancier de la Grèce". Les banques, on imagine, respirent. Mais cette socialisation des pertes privées a, logiquement, pour corollaire une privatisation non moins fabuleuse. Car ces largesses, il faut les financer. Comment ? En vendant tout. C’est ce que confirment les derniers chiffres. 2010, informe le Financial Times [27 juin 2011], a battu tous les records de privatisations au plan mondial. Montant total : 150 milliards d’euros : "Cette fièvre des privatisations signe un retour aux années 80" titre le journal, en ajoutant que 2011 semble suivre le même chemin avec, au 1er semestre, des recettes de près de 106 milliards d’euros déjà programmées. Voilà qui promet de mettre 2011 à niveau avec 2010, un seuil jamais atteint "depuis que les gouvernements ont commencé à larguer leur patrimoine
Patrimoine
Ensemble des avoirs d’un acteur économique. Il peut être brut (ensemble des actifs) ou net (total des actifs moins les dettes).
(en anglais : wealth)
, il y a de cela maintenant trois décennies". On privatise en Russie, on privatise en Pologne mais c’est naturellement du côté de l’Espagne, du Portugal et de la Grèce que les vagues de privatisation vont être spectaculaires. La Grèce, on le sait, est "invitée" (FMI
FMI
Fonds Monétaire International : Institution intergouvernementale, créée en 1944 à la conférence de Bretton Woods et chargée initialement de surveiller l’évolution des comptes extérieurs des pays pour éviter qu’ils ne dévaluent (dans un système de taux de change fixes). Avec le changement de système (taux de change flexibles) et la crise économique, le FMI s’est petit à petit changé en prêteur en dernier ressort des États endettés et en sauveur des réserves des banques centrales. Il a commencé à intervenir essentiellement dans les pays du Tiers-monde pour leur imposer des plans d’ajustement structurel extrêmement sévères, impliquant généralement une dévaluation drastique de la monnaie, une réduction des dépenses publiques notamment dans les domaines de l’enseignement et de la santé, des baisses de salaire et d’allocations en tous genres. Le FMI compte 188 États membres. Mais chaque gouvernement a un droit de vote selon son apport de capital, comme dans une société par actions. Les décisions sont prises à une majorité de 85% et Washington dispose d’une part d’environ 17%, ce qui lui donne de facto un droit de veto. Selon un accord datant de l’après-guerre, le secrétaire général du FMI est automatiquement un Européen.
(En anglais : International Monetary Fund, IMF)
& Co.) à privatiser pour un montant de 50 milliards d’euros dans les quatre années à venir. Après, il ne restera plus grand-chose. Depuis 1991, lit-on [Financial Times, 1er juillet 2011], la Grèce a notamment vendu en tout ou en partie ses télécommunications (8,3 milliards d’euros), ses activités portuaires au Pirée (3,4 milliards), sa banque nationale (2,2 milliards), sa banque de la Poste (1,4 milliards) – et la liste, "sauvetage" aidant, ne fera que s’allonger, Caisse d’épargne de la Poste, Société de distribution et de traitement de l’eau à Athènes, le métro, le crédit agricole, la société de production d’énergie, la société de construction d’hôpitaux, l’industrie aérospatiale, etc. Fabuleux, on l’avait dit. Les marchés peuvent respirer.