(Extrait et traduit d’un message rédigé en thaï envoyé à TDSC via internet par les "Friends of the People, le 28 juillet 2000)

Traduit de l’anglais par le Gresea, la Déclaration de l’Assemblée des pauvres provient du site www.thai.to/aop/newaopdec.htm

Nous étions propriétaires de nos terres et nous avions des moyens d’existence autonomes basés sur la nature, la terre et les rivières.
Nous n’étions pas riches, mais nous n’avions jamais faim.
Quand les autorités ont érigé des barrages sur les terres que nous occupions et cultivions depuis des générations, nous avons protesté. Les autorités ont utilisé les moyens légaux pour nous expulser et nous ont offert des sommes dérisoires et des terres sans valeur à titre Titre Morceau de papier qui représente un avoir, soit de propriété (actions), soit de créance à long terme (obligations) ; le titre est échangeable sur un marché financier, comme une Bourse, à un cours boursier déterminé par l’offre et la demande ; il donne droit à un revenu (dividende ou intérêt).
(en anglais : financial security)
de compensation pour nous avoir déracinés.
C’est ainsi que nous sommes devenus pauvres ou pour être plus précis, c’est ainsi que les autorités et leur approche urbaine d’un développement fondé sur l’exploitation des ressources rurales nous ont appauvris. Les autorités nous ont enjoints de ne pas être égoïstes et de nous sacrifier pour le développement national.
Si le développement n’accorde pas une égale importance aux communautés rurales et aux communautés urbaines, s’il ne donne pas le droit aux communautés locales de gérer leurs ressources, s’il n’offre pas une autonomie d’existence durable à chaque communauté indigène, s’il entraîne au contraire la ruine de milliers de ménages et le pillage des ressources naturelles en échange de quelques mégawatts d’électricité, alors nous refusons de sacrifier nos ressources durables et l’avenir de nos enfants à un tel développement sans valeur.
Combien de fois l’Assemblée des pauvres n’a-t-elle pas campé en face du palais gouvernemental. Nous ne sommes pas venus revendiquer ce qui ne nous appartient pas. Nous sommes venus presser le gouvernement afin qu’on nous rende ce qui nous revient. Avons-nous tort d’exiger la restitution de ce qui nous a été volé ? L’Assemblée a-t-elle tort de demander au gouvernement de se conformer, en toute bonne foi si tant est qu’il y en ait, aux recommandations de la commission neutre qu’il a lui-même mise en place ?
Au lieu de faire preuve de compréhension, le gouvernement a accusé les membres de l’Assemblée de cupidité, d’avoir des exigences illégales, d’être des truands mercenaires, des immigrés laotiens fauteurs de troubles, des démolisseurs de barrages financés par des groupes étrangers.
Nous vous prions de croire que notre mode de vie rural est simplement basé sur une agriculture auto suffisante. Si les barrages n’avaient pas envahi nos terres et nos rivières, personne n’aurait su que nous existons, que ce soit en face du palais gouvernemental ou ailleurs.
Il est grotesque de prétendre, comme le fait le gouvernement, que nos revendications seraient illégales. Ce même gouvernement n’a-t-il pas annulé plusieurs lois et n’en n’a-t-il pas approuvé de nouvelles en faveur d’institutions financières et d’une poignée de personnes qui ont causé les crises économiques du pays et conduit l’ensemble de la population à supporter le fardeau de la dette ?
L’Assemblée est composée de pauvres vivant en marge de la société thaïlandaise. On nous a toujours traités de paresseux en plus de cupides. Quelle qu’ait été la puissance de nos protestations contre ces critiques injustes, nous étions déjà jugés comme d’éternels plaignants sociaux. Que dire alors des véritables coupables qui ont provoqué les crises sociales, économiques et politiques en toute impunité ?
Ces derniers jours, l’Assemblée a réfléchi à toutes ces choses en se posant la question : "Qu’est-ce qui importe le plus dans nos vies ?". Nous avons déjà perdu nos maisons et nos terres. Il ne nous reste plus que notre "dignité".
On peut nous ravir des biens matériels tels nos maisons, nos terres et nos ressources, mais jamais nous n’accepterons d’être méprisés. Bien que privés de richesses, nous ne laisserons personne nous enlever notre dignité humaine. Nous resterons fidèles au "dhamma" [1], à la vérité et à l’honnêteté.
Nous avons compris que pour conserver notre dignité, nous devons lutter pour la justice et l’honnêteté, non pour le gain personnel. Nous devons nous battre pour conserver la culture bien-aimée de notre région, nos rivières, nos montagnes, nos forêts, notre faune dans l’intérêt de notre descendance.
Nous faisons, de notre propre gré, la grève de la faim non pas pour nous torturer, mais pour contrôler nos esprits. Nous ne la faisons pas pour protester contre le gouvernement ou l’opinion publique. Nous jeûnons pour maintenir le "dhamma", pour communiquer la vérité sur les problèmes de pauvreté. Pour souligner que notre pauvreté n’est pas le fruit de la paresse personnelle de qui que ce soit.
La pauvreté naît et se répand dans tout le pays à cause d’un système de développement et de politiques économiques structurellement mal conçues. Il y a aujourd’hui un grand nombre de personnes qui ont faim. Notre triste sort n’est que le miroir d’une famine structurelle qui frappe des millions de gens dans ce pays.
Durant notre jeûne, nous enverrons des messages d’amour et de bons vœux au gouvernement et aux policiers de service Service Fourniture d’un bien immatériel, avantage ou satisfaction d’un besoin, fourni par un prestataire (entreprise ou l’État) au public. Il s’oppose au terme de bien, qui désigne un produit matériel échangeable.
(en anglais : service)
. Ils ne sont pas nos ennemis. Nos véritables ennemis sont les structures économiques et sociales injustes que nous, le gouvernement et tous les membres de la société thaïlandaise devons combattre ensemble.
Le gouvernement, s’il estime qu’il est encore le gouvernement du peuple, doit traiter les problèmes des pauvres avec une attention égale à celle qu’il accorde aux problèmes économiques. Si le gouvernement a assez de tripes pour modifier les lois, règlements et politiques structurelles afin de résoudre les problèmes du secteur privé, il doit être capable de faire de même pour les pauvres.
A eux seuls, le gouvernement et l’Assemblée ne peuvent pas, cependant, résoudre tous les problèmes de pauvreté. La sagesse de la société thaï doit être mobilisée pour trouver des solutions acceptables et équitables pour tous. Trouver les moyens de mettre un terme au pillage des ressources naturelles - la construction de barrages en est le symbole - ne peut concerner seulement les quelque mille membres de l’Assemblée des pauvres, mais doit servir d’exemple pour d’autres problèmes structurels affectant la société thaï.
N’oubliez pas que la société thaïlandaise a la forme d’une pyramide. Si la base de la pyramide, composée d’une masse de gens pauvres, n’est pas renforcée, son sommet ne tardera pas à basculer, quels que soient les efforts du gouvernement pour la faire apparaître comme majestueuse.
Cet effondrement n’aura pas lieu si le gouvernement et chaque membre de la société thaï laissent leur conscience sociale guider leur action Action Part de capital d’une entreprise. Le revenu en est le dividende. Pour les sociétés cotées en Bourse, l’action a également un cours qui dépend de l’offre et de la demande de cette action à ce moment-là et qui peut être différent de la valeur nominale au moment où l’action a été émise.
(en anglais : share ou equity)
.

Notes

[1Dhamma (sanskrit : dharma) : notion centrale tant de l’hindouisme que du bouddhisme qui, par approximation, signifie "rectitude, ordre cosmique, loi divine".