Carte d'identité

Secteur Agro-alimentaire
Naissance 2008
Siège central Leuven, Belgique
Chiffre d'affaires 54,9 milliards d’euros
Bénéfice net 6,4 millions d’euros
Production 567 millions d’hectolitres brassés en 2017
Effectifs 154.540 personnes
Site web http://www.ab-inbev.com
Président Michel Doukeris
Actionnaires principaux (janvier 2024): Inbev Stichting (38, 2%), Eugenue Patri Sebastien SA (7, 49%), Dodge & Cox (2, 56%), Autodétention (2%)
Marques Budweiser, Corona, Stella Artois, Beck’s, Leffe, Hoegaarden, Bud Light, Michelob Ultra, Skol, Brahma, Antarctica, Quilmes, Jupiler, Victoria, Modelo Especial, Klinskoye, Siberian Crown, Chernigivske, Harbin, Sedrin, Cass.
Comité d'entreprise européen oui

Ratios 2023

 
Marge opérationnelle % 23,52
Taux de profit % 8, 61
Taux de solvabilité % 109, 36
Taux de dividende % 43, 72
Part salariale % 28, 02
Taux de productivité (€) 161.044
Fonds roulement net (€) -22 milliards

Observatoire des Comptes

Bilan

Voir les données : Tableau

Télécharger les données : csv

Actionnariat du groupe 2024

Voir les données : Tableau

Télécharger les données : csv

Actionnariat et contours
du groupe en Wallonie


 Toutes les données

Télécharger les données


 Nombre de salariés dans le groupe AB InBev en Belgique en 2014 par site (en unités)

FirmeSiteEmploi
InBev Belgium Anderlecht 2590
Anheuser-Busch InBev Bruxelles 194
Cobrew Louvain 11
Abbaye de Leffe Dinant 7
GROUPE INBEV International 2802

Source : BNB, Centrale des bilans, 2014.

Historique

De l’artisanat à l’industrie

L’histoire de l’une des plus célèbres bières vendues par d’AB Inbev, la Stella Artois, commence dès 1717. Le maître-brasseur Sébastien Artois reprend un ancien bureau postal transformé en brasserie près de Leuven. L’établissement se dénomme d’ailleurs Den Hoorn, « le cor » en néerlandais, alors utilisé par les postiers. C’est pourquoi, encore aujourd’hui, un cor orne l’étiquette des célèbres bouteilles Stella. La brasserie se développe très rapidement à tel point qu’elle absorbe les brasseurs Fransche Kroon et Prins Karel. Au cours de l’époque napoléonienne, Artois devient même la plus grande brasserie de la région.

Boris Fronteddu*

En parallèle, dès le début du 19e siècle, l’entreprise Piedboeuf, implantée à Jupille, commercialise des chaudières et des cuves pour des brasseries belges et allemandes. L’entreprise croît rapidement et implante des filiales à Düsseldorf et Aix-la-Chapelle. Cependant, ce n’est qu’en 1853 que Piedboeuf décide de se lancer lui-même dans le brassage de la bière.

Au début du 20e siècle, le dirigeant de la brasserie Artois décède. Un premier évènement qui va précipiter l’entreprise dans une course effrénée à la croissance. En effet, avant de décéder, le propriétaire d’Artois s’était entendu avec des banquiers d’affaires pour qu’ils transforment sa brasserie en société anonyme et que soit placé à sa tête un brasseur averti. Le capital de l’entreprise, quant à lui, est entièrement dans les mains de ses filles, les sœurs Willems. Un capital qu’elles feront hériter de génération en génération.

Cependant, la Première Guerre mondiale va mettre un terme aux activités brassicoles des deux entreprises. La plupart des travailleurs sont réquisitionnés par l’armée et le matériel de brassage est saisi pour être utilisé dans l’industrie militaire.

À la fin de la guerre, côté liégeois, Albert Van Damme, un aristocrate d’Ostende, se marie avec la fille Piedboeuf. Cette union lui permet d’accéder au comité de direction de la brasserie. Une position qu’il utilise pour faire pression sur la stratégie industrielle du groupe. Il plaide pour que la brasserie Piedboeuf se tourne davantage sur les bières à basse fermentation, plus douces. Ce repositionnement industriel permet à Piedboeuf d’augmenter massivement ses ventes de bières. L’entreprise décide progressivement de se concentrer sur la production du breuvage houblonné et investit massivement dans la modernisation de ses outils de production.

En parallèle, Artois, lance une nouvelle bière pour le Noël de 1926 : la Stella. Une bière de type « pils », blonde et légère, à haute fermentation. C’est un succès immédiat.
Dix ans plus tard, Piedboeuf, érige la plus haute tour industrielle européenne pour brasser sa bière. Or, la Deuxième Guerre mondiale paralyse à nouveau la plupart des brasseries belges. L’approvisionnement est bloqué et les infrastructures sont réquisitionnées.

Au cours des années 50, les bières allemandes de type « pils » commencent à se vendre massivement dans les cafés belges. Constatant le coup d’avance d’Artois avec sa Stella, Albert Van Damme tente de se lancer sur ce marché en pleine expansion. La brasserie lance à cet effet la Jupiler « Urtyp ». L’entreprise décide de lui donner une consonance allemande pour faciliter son entrée sur le marché. En parallèle la brasserie liégeoise continue de se développer et enchaine les acquisitions dans l’ensemble du pays (Dinant, Malines, Charleroi…)

La même stratégie est adoptée par la brasserie Artois. Celle-ci acquiert successivement des dizaines de brasseries belges (à Alost, Forest, Merchtem, Mont-Saint-Guidert...). L’entreprise met la main sur des marques telles que Vieux Temps ou Leffe. Le groupe commence également à s’internationaliser notamment avec des acquisitions en France, aux Pays-Bas et s’introduit même sur le continent africain. De plus, Artois offre également un service de modernisation de brasseries sur demande.

En règle générale les brasseries, une fois acquises, sont fermées et leur production est délocalisée dans les centres de l’entreprise mère.

Au-delà du plat pays

Au milieu des années 60, Albert Van Damme lance les fûts « Jupiler 5 » [1], l’équivalent de celle actuellement vendue sur le marché. En deux ans, elle devient la deuxième bière la plus bue du pays, derrière la Stella. La croissance fulgurante des deux entreprises les mène à entrer dans une concurrence acharnée sur fond de course aux acquisitions. Dès le début de la décennie, Piedboeuf devient majoritaire dans le capital de Chaudfontaine Monopole. Sept ans plus tard, c’est au tour d’Artois d’acquérir des parts dans le capital de l’entreprise Spa Monopole.

Cependant, jusqu’au début des années 70, le secteur brassicole belge est peu tourné vers l’exportation (la Belgique n’exporte que 1,6 million d’hectolitres par an alors qu’elle en produit près de 14 millions). De plus, les exportations sont principalement cantonnées aux pays voisins et principalement la France. Or, un évènement va considérablement changer la donne. À la demande des pouvoirs publics, Piedboeuf et Artois reprennent conjointement une brasserie au bord de la faillite à Ghlin.

Ce premier rapprochement va permettre aux grandes familles qui détiennent respectivement Artois (de Spoelberch et Mévius) et Piedboeuf (Vandamme-Piedboeuf de Prêt Roose de Calesberg, Cornet d’Elzius et Speeckaert) de discuter de leurs stratégies industrielles. Il en résulte que, pour pouvoir acquérir une position forte sur le marché mondial et dépasser les limites du marché belge, les deux entreprises doivent se résigner à fusionner. Les familles organisent donc l’échange de parts entre Artois et Piedboeuf en vue de créer un actionnariat commun et de préparer la création du nouveau conglomérat.

Malgré ces premiers pas vers une intégration des deux entreprises, il faut attendre 1987 pour que la fusion entre les deux brasseurs soit réellement effective. L’opération donne naissance à Interbrew. Attention, il s’agit toujours d’une chasse gardée. En effet, pour entrer dans l’actionnariat du groupe, il faut absolument épouser un descendant de l’une des huit familles aristocratiques qui se partagent son capital.

Grâce aux nouveaux moyens dégagés par la fusion, le groupe se lance dans une large campagne d’acquisitions. Il s’empare de nombreuses brasseries belges dont Belle-Vue et Hoegaarden, mais surtout, de brasseries étrangères, une politique boostée par la chute du Mur de Berlin et l’ouverture du bloc soviétique. Ainsi, Interbrew implante des filiales en Hongrie, en Chine, en Ukraine, en Yougoslavie, en Russie et en Corée du Sud.

En Belgique, le groupe devient le leader incontesté du secteur avec un portfolio de 44 marques. Cependant, au niveau structurel, l’intégration des deux groupes connait des débuts difficiles. En effet, l’entreprise met en concurrence directe ses deux champions : Stella et Jupiler. Or, c’est la seconde qui l’emporte en Belgique. Stella est donc destinée à partir à la conquête de l’international. Une stratégie industrielle qui sera très rapidement couronnée de succès. Un an après la fusion, le groupe signe des accords pour brasser la bière louvaniste en Angleterre, au Canada, en Australie et en Suède. Elle est distribuée dans près de 80 pays. Très vite, le groupe réalise plus de la moitié de l’ensemble de ses ventes de bières à l’étranger. À l’inverse 70% de ses ventes en boissons non alcoolisées sont générées sur le territoire belge.
Cette croissance exponentielle mène la direction du groupe à projeter un plan industriel s’établissant sur trois priorités : renforcer leurs ventes en Belgique, continuer leur expansion européenne, pénétrer ou intensifier les ventes dans les grands pays industrialisés.

Or, ce plan passe par une concentration massive de ses unités de production, un « redéploiement industriel ». Le groupe compte investir 375 millions d’euros dans cette refonte de son organisation industrielle.

Dès le début des années 90, les huit grandes familles qui se partageaient jusqu’ici le capital de l’entreprise signent un accord pour s’assurer une base de 40% du capital de l’entreprise.

« S’arrêter, c’est se faire manger »

Avec pour conséquence en 1989, l’annonce du licenciement de 1.067 travailleurs (sur 5.099 dans l’ensemble du Royaume). Le plan s’étale sur 5 à 6 ans et vise à concentrer la production belge en trois sites principaux : Leuven, Jupille, Hoegaarden et Anderlecht (brasserie Belle-Vue). Le groupe entend se préparer à la diminution de la consommation de la pils au profit des bières spéciales et veut intensifier ses activités internationales. De plus le groupe doit se préparer à la mise en place du marché unique en Union européenne en 1992 [2]. Ces nouvelles perspectives modifient considérablement la politique managériale. Le groupe entend intensifier sa position sur le marché des bières spéciales avec pour objectif de modifier le contenu de ses ventes, privilégiant les produits les plus profitables à la quantité vendue.

Ce plan donnera lieu à la plus longue grève jamais connue dans le secteur brassicole. Lancée dès le début du mois de novembre 1989, elle se poursuivra durant 3 semaines. Cependant, bien que ces actions ne permettent pas de peser sur la stratégie industrielle du groupe, la pression est telle que le groupe fait quelques concessions dans sa gestion sociale.

À cette époque, le marché brassicole belge subit de plein fouet le phénomène de concentration à l’œuvre dans toute l’Europe. Il est largement dominé par Interbrew (qui concentre, à lui seul, 70% du marché belge) et Alken-Maes. Cette saturation du marché au niveau national mène Interbrew à se tourner vers les marchés émergents. C’est pourquoi le groupe décide d’intensifier sa politique d’acquisitions agressives et s’implante en Amérique latine et en Asie. La stratégie d’Interbrew est d’acquérir des marques à fort ancrage local et de profiter de leur popularité régionale [3].

À la fin des années 90, le groupe investit massivement dans le marketing et le sponsoring dans le but de faire entrer ses marques dans la vie sociale et culturelle des pays où elle opère. C’est dans ce cadre que la bière Jupiler devient l’un des sponsors officiels de l’équipe nationale belge de football. La marque de bière va même jusqu’à donner son nom à la première division belge de football, qui devient la « Jupiler Pro League ». Cependant, malgré cette expansion fulgurante, il faut attendre 1995 pour qu’Interbrew ne devienne réellement une entreprise de classe mondiale. Le groupe marque le coup en s’emparant de la brasserie canadienne Labatt qui lui permet de se hisser au rang de quatrième plus grand groupe brassicole au monde.

Le nouveau millénaire est marqué par l’introduction en bourse d’Interbrew. Il s’agit d’un pas de plus en direction de son changement organisationnel désormais axé sur la rentabilité et la croissance. À ce propos, Jacques Thierry, président du conseil de l’entreprise, déclare au journal Le Soir : « Quand on a choisi la voie de la croissance, on n’a pas le choix, on doit suivre. L’immobilisme n’est pas une solution : s’arrêter, c’est se faire manger... » [4]. En tout, depuis 1991, le groupe aura réalisé trente acquisitions dans 14 pays.

Et en effet, le groupe n’a aucune envie de s’arrêter. Dès 2001, Interbrew acquiert le géant allemand Beck’s Bier pour 1,58 milliard de dollars.

En parallèle, Stella continue de s’introduire sur les marchés étrangers et est désormais vendue aux États-Unis.

La même année (2000), Interbrew lorgne sur le juteux marché de la bière britannique. Le groupe acquiert la division brasserie de l’entreprise Whitbread pour 651,4 millions d’euros en cash. Or, il ne s’agit que d’une première étape, simultanément Interbrew jette son grappin sur la célèbre brasserie anglaise Bass PLC [5]. Cependant, le ministre du Commerce d’Angleterre s’y oppose en vertu des règles de concurrence. Interbrew est alors contraint de céder la marque Carling, l’une des bières les plus vendues en Grande-Bretagne. Le groupe peut alors s’emparer de Bass pour 3,62 milliards d’euros et devient le deuxième plus grand groupe brassicole du monde. Ces deux acquisitions britanniques permettent à Interbrew de regrouper la production de ces deux brasseries en vue d’en réduire les coûts [6].

Cette croissance externe et cette volonté de concentration valent à Interbrew une augmentation de son chiffre d’affaires de plus de 1 milliard d’euros entre 2000 et 2001. Quant à son bénéfice net, il passe de 271 à 537 millions d’euros ! L’année suivante, le groupe acquiert 24% du capital de la brasserie chinoise Zhu Jiang avec qui il entretient des relations commerciales depuis 1993. Il s’agit du brasseur le plus rentable du pays [7], une avancée capitale dans l’infiltration d’Interbrew sur le territoire chinois qui est, désormais, le deuxième plus vaste marché brassicole mondial [8]. En ce qui concerne l’internationalisation de sa marque « phare », Stella, son volume de production a augmenté de 15,7% depuis 1987 [9].
Cependant, les économies d’échelle qui obsèdent la direction de l’entreprise mènent, à nouveau, à de violents conflits internes en Belgique. En effet, le groupe prévoit la suppression de quelques dépôts en faveur de la création de grands centres régionaux. Cette réorganisation doit mener à la suppression de 150 emplois. Malgré l’opposition farouche des syndicats, Interbrew refuse de changer de cap et ne fait subsister que 8 grands centres de distribution sur tout le plat pays. Cependant, un accord social est trouvé : les syndicats perçoivent des indemnités et les travailleurs transférés une prime de déménagement. Quant aux employés licenciés, ceux en âge sont poussés vers la prépension et les autres reçoivent une prime de départ.

Rien n’y résiste

En 2004, Interbrew réalise l’une des plus grandes opérations financières de son histoire. L’entreprise fusionne avec un autre géant du secteur brassicole : le groupe brésilien Companhia de Bebidas das Americas (Ambev). Il s’agit du 5e plus grand brasseur au monde. À ce titre, Ambev est également le leader incontesté dans l’ensemble de l’Amérique latine. La fusion des deux groupes donne naissance à Inbev et ses effectifs mondiaux atteignent les 70.000 employés. Ce nouveau géant possède près de 200 marques. Regroupées sous un même toit, Ambev concentrera ses activités sur le continent américain. Quant à Interbrew, il s’offre le reste du monde. Cette réorganisation mondiale devrait permettre d’économiser 280 millions d’euros par an en concentrant un maximum la production dans quelques grands centres névralgiques.

En ce qui concerne l’opération proprement dite, elle se chiffre à 9,2 milliards d’euros et s’est réalisée à travers un échange d’actions suivi d’une Offre publique d’achat (OPA) sur les dernières actions Ambev.

De plus, tout comme Interbrew, le groupe brésilien est contrôlé par de riches familles d’actionnaires réunies au sein du holding Braco Control Group. Cela permet au capital d’Inbev de rester principalement aux mains de « dynasties ». Quant au conseil d’administration, « la parité » est respectée. Il est composé de 4 Belges, 4 Brésiliens et 6 indépendants dont Jean-Luc Dehaene.

Dès sa création, Inbev prévoit un programme de « réduction des coûts » à hauteur de 300 millions d’euros sur trois ans. Le but est de rationaliser la production avec le slogan « from the biggest to the best ». Le plan passe par des restructurations en Belgique (la première depuis 1989). Pour « fluidifier » l’organisation interne : 45 travailleurs sont licenciés à Leuven et 232 postes sont supprimés au sein de 2.898 brasseries.

Pourtant, Inbev affiche déjà une croissance exponentielle et sa capacité de production annuelle atteint les 104 millions d’hectolitres. Cependant, un autre phénomène est en marche : la diminution de « l’influence belge » au sein de la direction du groupe. La prise de pouvoir par des cadres internationaux marque le passage à un management de plus en plus anglo-saxon, c’est-à-dire de plus en plus agressif, économiquement et socialement parlant. Ce tournant idéologique atteint son paroxysme en 2005 lorsque Carlos Brito (ancien cadre chez Shell, Daimler Benz et Brahma) est imposé par les Brésiliens en tant que nouveau PDG d’Inbev.

Un an plus tard, Inbev annonce, à nouveau, un plan de restructuration en Belgique qui se solde par le licenciement de 200 personnes et la suppression de 52 emplois sous-traitants. Cette décision s’explique par les délocalisations de certaines unités belges vers la Hongrie et la Tchéquie. Le groupe les justifie par le besoin d’investir massivement dans le marketing et, à ce titre, de « réduire un maximum les coûts ». L’annonce mène à des manifestations devant le siège social de Leuven et à des grèves dans les centres de production. Face à la pression, la direction décide de proposer un autre plan social. Celui-ci comprend une augmentation de la prime de départ et l’octroi de la prépension à 52 ans. En parallèle, Inbev s’engage à ramener le nombre total d’emplois supprimés à 360. Quant à la gestion actionnariale du groupe, les familles belges, attirées par l’augmentation de la valeur des titres qu’elles détiennent, en cèdent une partie et réduisent donc encore un peu plus leur influence.

À la même époque, le groupe continue son expansion internationale et acquiert les brasseries Fujian Sedrin Brewery en Chine et Lakeport au Canada.

En 2008, un nouveau conflit interne explose en Belgique entre la direction et les syndicats. L’objet de la discorde se situe au niveau de la gestion managériale belge. En effet, les plans de restructuration successifs ont accru l’insécurité au niveau de l’emploi, mené à l’utilisation excessive d’intérimaires et à une plus grande « flexibilisation » du travail (instabilité dans le langage commun). Ce bras de fer débouche sur une convention collective de travail pour garantir l’emploi jusque 2015.

Le monde entre ses mains

Quatre ans après la fusion entre Interbrew et Ambev, une autre gigantesque opération financière va faire trembler le secteur de l’agroalimentaire. En effet, Inbev s’empare du 4e plus grand brasseur mondial : l’américain Anheuser-Busch. Inbev avait d’abord avancé 65 milliards de dollars. Pour convaincre ses actionnaires de ne pas plier, Anheuser-Busch présente un plan de restructurations qui vise à éliminer 10% de ses effectifs. Inbev réitère alors son offre pour 33 milliards d’euros cash. Une juteuse proposition qui fait plier la compagnie américaine. La fusion s’opère et donne naissance à AB Inbev. Avec un chiffre d’affaires de 26,4 milliards d’euros, il s’agit du plus grand groupe brassicole au monde. Il détient, à lui seul, 25% du marché mondial avec une capacité de production de bière avoisinant les 460 millions d’hectolitres. Désormais, la multinationale emploie 120.000 personnes dans 30 pays.

Pour parvenir à racheter Anheuser-Busch, Inbev s’est endetté à hauteur de 29 milliards d’euros et a augmenté son capital en appliquant une décote de son action de 67%. En vue de garder la mainmise sur le capital du nouveau groupe, les grandes familles d’actionnaires belges et brésiliennes achètent l’équivalent de 4 milliards d’euros de ces actions artificiellement dévaluées.

Cependant, c’est le principal actionnaire d’Anheuser-Busch, le milliardaire états-unien Warren Buffet qui a le plus poussé pour organiser cette fusion. Il voit en cette opération une manière de réaliser des économies d’échelle pour contrer l’augmentation du prix des matières premières.

En effet, la fusion devrait générer 1,5 milliard de dollars d’économie par an. De plus, Anheuser-Busch sera dès lors en mesure de percer dans les marchés où Inbev est historiquement fort c’est-à-dire en Europe et dans les marchés émergents.

En parallèle, ce nouveau géant compte sur sa position dominante dans le secteur brassicole pour intensifier sa présence en Chine, l’un des marchés à plus forte croissance [10]. Cependant, les autorités de la concurrence chinoises ne l’entendent pas de cette oreille. Elles s’opposent à la fusion et contraignent le nouveau conglomérat à céder les parts qu’il détient dans Tsingtao (la bière la plus populaire en Chine) et bloquent ses participations dans la brasserie Zhu Jiang.

Or, ce ne sont pas les seuls à s’inquiéter de cette concentration brassicole. Depuis sa création il y a 150 ans, la brasserie Anheuser-Busch a toujours été indépendante. Véritable symbole de l’industrie américaine, l’entreprise avait lourdement dirigé son marketing sur le « patriotisme » américano-américain. De nombreux sénateurs s’indignent publiquement de ce rachat craignant qu’il ne donne au groupe une mainmise sur l’ensemble du secteur brassicole mondial. Parmi les plus fermement opposés à la fusion, le républicain John McCain qui compte en faire un argument de campagne électorale. Pas très crédible puisque son épouse détient entre 2,5 et 5 millions de dollars d’actions Anheuser-Busch. La fusion avec Inbev s’annonce donc être une très lucrative opération pour la famille McCain [11] [12]

Cependant, la fusion mène à de nouveaux conflits sociaux ainsi qu’à de nouveaux plans de restructuration. Tout d’abord, le groupe annonce l’octroi d’un bonus exceptionnel de 80 millions d’euros pour le PDG Carlos Brito et de 28 millions d’euros pour les administrateurs. En Belgique, l’annonce de telles primes après deux plans de restructuration successifs fait rugir les syndicats.

Outre Atlantique, Anheuser-Busch profite de la fusion pour tailler violemment dans ses effectifs. Après un premier plan de restructuration visant à pousser vers la retraite anticipée quelque 1000 employés, le groupe annonce le licenciement de 1.400 travailleurs (c’est-à-dire 6% des effectifs aux USA). Ces coupes dans l’emploi devraient permettre au groupe d’économiser 197 millions de dollars. Cela entre dans le cadre du plan d’économie d’1,5 milliard de dollars qui doit s’opérer dans l’ensemble d’AB Inbev [13]. Carlos Brito, le PDG du groupe déclare à ce sujet : « Dans toutes les entreprises, il y a 20% des personnes qui dirigent, 70% qui suivent et 10% qui ne font rien (…) Ces 10%, il faut s’en débarrasser… Ils ne sont jamais contents et se plaignent tout le temps. » [14]

En parallèle, Anheuser-Busch est éclaboussé par un scandale dévoilé par Greenpeace. Un rapport démontre que le groupe utilise secrètement du riz OGM expérimental pour le brassage de ses bières [15].

Un an après la fusion, le groupe se donne comme priorité la réduction de sa dette contractée par le rachat d’Anheuser Busch. C’est pourquoi, AB Inbev se lance dans une campagne de désinvestissement et cède des filiales en Corée du Sud et dans l’est de l’Europe. Ces opérations lui permettent de dégager une plus-value de 1.087 milliards d’euros. Des plus, les cessions vont de pair avec le licenciement de milliers de travailleurs. Quant aux quatre grandes familles d’actionnaires belges, la fusion se révèle être ultra-rentable.

En effet, leur patrimoine cumulé s’élevait, en 2012, à 25,68 milliards d’euros ce qui en fait les familles les plus riches du Royaume devant Albert Frère [16].

Les travailleurs paient la note

Cependant, au sein du géant AB Inbev, la Belgique ne représente plus que 1,3% de l’ensemble des ventes mondiales. C’est pourquoi les unités du plat pays sont intégrées à la division Benelux et France du groupe. De plus, les ventes tendent à stagner ou baisser en Europe, conséquence de la crise financière, mais également du changement des habitudes de consommation d’alcool. Pour y faire face, le groupe annonce un plan de restructuration dans toute l’Europe de l’Ouest. Celui-ci implique le licenciement de 800 travailleurs, dont 263, en Belgique [17]. Le syndicat européen European Federation of FoodAgriculture and Toursim Trade Union (EFFAT) demande la suspension du plan et compte mener des actions sur l’ensemble de l’Union européenne.

Pourtant, le chiffre d’affaires du groupe ne cesse de gonfler. Boosté par la coupe du monde de football en Afrique du Sud, il atteint 27.371 milliards d’euros en 2010. En parallèle, le groupe continue de s’implanter dans les marchés à forte croissance, principalement en Russie et en Chine. Des résultats qui permettent à AB Inbev d’offrir des récompenses très lucratives aux dirigeants et grands actionnaires qui ont réalisé de bonnes opérations boursières. Des « prouesses financières » à coupler avec le fait que le groupe profite toujours des intérêts notionnels. Ceux-ci lui ont permis de bénéficier d’une ristourne de 70 millions d’euros d’impôts en 2010. Au cours de la même année, le groupe a versé 785 millions d’euros de dividendes à ses actionnaires [18].

Cette gabegie de bonus et de primes alors que le groupe annonce un large plan de restructuration fait éclater de nouveaux conflits internes en Belgique. Des travailleurs séquestrent la direction à Liège et bloquent le site. Le site de Leuven est, lui aussi, mis à l’arrêt et les travailleurs empêchent AB Inbev d’approvisionner ses clients. Pourtant, rien n’y fait. La multinationale recourt à la justice : elle veut mettre au chômage temporaire les travailleurs en grève et cesser de payer leurs salaires. Le recours est finalement débouté par le tribunal liégeois. Entre temps, les syndicats ont organisé une autre grève à Jupille pour protester contre un licenciement abusif. À Hoegaarden aussi, la tension sociale monte d’un cran suite à la tentative d’AB Inbev de masquer des accidents de travail via des transferts de travailleurs. Finalement face à la pression insistante, la multinationale réduit son plan de restructuration en Belgique en favorisant les transferts et les prépensions [19].

En 2011, AB Inbev établit un « ruling » (c’est-à-dire un régime fiscal préférentiel) avec les autorités belges [20]. Via cet accord, AB Inbev a été en mesure d’établir une filiale, basée avenue Louise à Bruxelles, au sein d’une plateforme spécialisée dans la gestion de sociétés-écrans. L’entreprise aurait centralisé dans cette filiale « fantôme » 50 millions d’euros de bénéfice par an. Cependant trois ans après la mise en place du ruling, l’accord est contesté par le fisc belge [21].

Un an plus tard, Jean-Luc Dehaene quitte le conseil d’administration de l’entreprise et intègre le Parlement européen.

Or, de nombreuses ONG comme Friends of Earth Europe et Corporate Europe Observatory remettent son indépendance en cause. En effet, l’ancien homme fort du CD&V détient toujours 77.000 actions Inbev [22] et a perçu 3 millions d’euros de bonus de la part de l’entreprise !

La plateforme Alter-EU qui regroupe des membres de la société civile a envoyé une lettre à Martin Schulz pour signaler que Dehaene avait « omis » de mentionner ses participations dans l’entreprise lors de sa déclaration d’intérêts financiers [23].

À la même époque, Friends of Earth Europe publie un rapport sur les activités de lobbying d’AB-Inbev auprès des institutions européennes. Le rapport indique que l’entreprise fait partie du puissant lobby « Brewers of Europe ». Celui-ci dispose de son propre « département scientifique » chargé de publier des études pour soutenir les positions du secteur brassicole. Le lobby est également étroitement lié avec la plateforme European Parliament Beer Club qui organise des rencontres informelles avec plus de 200 parlementaires européens deux fois par an. Le rapport pointe également les nombreux réseaux dans lesquels est intégré AB-Inbev (think tanks, groupes de pression…). Autant d’organismes à travers lesquels il promeut l’ « autorégulation » du secteur. Ces limites « volontaires » empêchent les pouvoirs publics de prendre de réelles mesures contre les campagnes marketing des producteurs d’alcool [24].

En parallèle, AB-Inbev est le plus gros contributeur européen à la campagne présidentielle états-unienne. Le groupe débourse 502.000 euros, subventionnant à la fois le parti républicain et le parti démocrate [25].

Optimisation fiscale et philanthropie

En 2013, l’entreprise réalise une nouvelle acquisition de poids. Il détient désormais 100 % du brasseur mexicain Grupo Modelo (producteur de Corona) pour 20,1 milliards de dollars. Peu auparavant, la compagnie mexicaine avait été éclaboussée par un scandale de grande ampleur. Sept de ses employés décèdent alors qu’ils transportaient des dispositifs de nettoyage et de maintenance. L’entreprise se refuse à donner plus de détails [26].

De plus, AB-Inbev se heurte à nouveau aux lois antitrusts. Les autorités de la concurrence US s’opposent à cette nouvelle acquisition, car elle donnerait trop de pouvoir au groupe en vue de faire pression sur les prix à la vente [27]. Pour contourner ces barrières, le groupe vend les parts que Grupo Modelo détient dans Crown ainsi que la brasserie Piedras Negras. Le tout pour 2,9 milliards de dollars. Des mesures que les autorités de la concurrence américaine jugent insuffisantes. L’administration Obama a d’ailleurs déposé une plainte au Tribunal de Washington [28].

La même année, aux États-Unis, un rapport publié par la libraire nationale des Instituts de la santé, questionne les activités « philanthropiques » d’AB Inbev. L’organisation relève que les activités bénévoles des grands producteurs d’alcool s’articulent autour de deux axes : l’action sociale et le sponsoring d’évènements artistiques ou culturels. D’après le rapport, il s’agit principalement d’une stratégie industrielle pour pénétrer dans de nouveaux marchés et s’imposer comme un pilier de la vie sociale et communautaire. D’ailleurs la plupart des activités « philanthropiques » menées par de grandes compagnies d’alcool visent principalement les marchés émergents à fort potentiel de croissance avec une population très jeune.

À ce sujet, le rapport met en cause la donation d’AB Inbev à une association d’enfants de travailleurs migrants en Chine. En effet, au même moment, l’entreprise avait déclaré vouloir intensifier sa présence dans le pays [29].

En 2014, l’entreprise détient 5 des 10 bières les plus vendues au monde et dispose de 17 marques dont les ventes annuelles avoisinent les 1 milliard de dollars. De plus, en vue d’intensifier sa présence en Asie, le groupe rachète la brasserie sud-coréenne Oriental Brewery Co Ltd. (le plus grand producteur du pays) pour 5,8 milliards de dollars. Celle-là même qu’il a vendue 1,8 milliard de dollars quelques années plus tôt pour réduire sa dette suite à sa fusion avec Anheuser Busch [30].

En parallèle, le scandale des rulings fiscaux luxembourgeois (« Luxleaks ») éclabousse la famille d’actionnaires belges de Spoelberch.

Ceux-ci, grâce à leurs holdings luxembourgeois, ont implanté des succursales en Irlande et au Gibraltar pour pouvoir encaisser leurs dividendes en échappant à l’impôt [31].

« Encore 100 ans de bénéfices »

Malgré les scandales à répétition, un évènement va considérablement faire gonfler les ventes du groupe : la Coupe du monde de football au Brésil. En étant le sponsor brassicole exclusif de l’évènement, la multinationale a augmenté son bénéfice net de 11,7%. Or, depuis 2003, le Brésil bannit les boissons alcoolisées des stades pour éviter les échauffourées. Mais c’était sans compter sur les pratiques d’ « intimidation » [32] de la Fifa et d’AB Inbev auprès des pouvoirs publics brésiliens. À l’aide de menaces et de lobbying agressif, ils obtiennent une suspension de la loi pour la période 2013-2014. De plus, seuls les produits AB Inbev peuvent être vendus dans les stades. Pour siroter le breuvage d’un concurrent, prière de se tenir éloigné de la compétition [33]. Cette exclusivité totale a d’ailleurs permis à Budweiser d’augmenter ses ventes de 5,9% au cours de l’année.

2015 est marqué par une nouvelle perte décisive de l’influence belge au sein de la multinationale. En effet, le dernier belge au comité de direction de Stella Artois prend la porte.

Le groupe est maintenant totalement aux mains de hauts cadres internationaux signant encore un peu plus la diminution des intérêts belges au cœur du management de l’entreprise [34]. Restent les 4 représentants au conseil d’administration d’AB Inbev en vis-à-vis avec les quatre Brésiliens. Ceux-ci étant déjà depuis des années acquis à la cause de Carlos Brito et à sa gestion à l’anglo-saxonne.

Le contraire serait étonnant, le groupe vient d’annoncer un vaste plan de rachats d’actions (une opération très lucrative pour les actionnaires puisqu’elle vise à faire monter artificiellement la valeur des titres) [35]. Pourtant, plusieurs travailleurs au siège central de Leuven font état de « tensions et de conflits internes », la gestion d’équipe s’apparentant à du « lavage de cerveau » [36].

Et demain ? Ab Inbev n’a pas l’intention de s’arrêter là. Le groupe aurait des vues sur SABMiller (le deuxième brasseur mondial), sur l’entreprise de spiritueux Diageo et même sur Coca-Cola ou encore Pepsico. Un appétit pour la croissance qui semble insatiable alors que le PDG du groupe a, dans une lettre aux actionnaires, promis « encore 100 ans de bénéfices ».

*Chercheur Gresea

Fronteddu, Boris, "De l’artisanat à l’industrie", Gresea, juin 2015, texte disponible à l’adresse : http://www.mirador-multinationales.be/secteurs/agro-alimentaire/article/anheuser-busch-inbev


[2Arcq Etienne, Le conflit Interbrew, Le Courrier hebdomadaire du Crisp, 1990, http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=CRIS_1272_0001&DocId=5753&hits=15687+15686+

[3Boiardi P. et Sleuwaegen L., The international expansion path of Bekaert, AB-Inbev and Belgacom, Flanders DC, 2010,
http://www.flandersdc.be/sites/default/files/Flanders%20DC%20Study%20-%20The%20international%20expansion%20path%20of%20Bekaert%20AB-Inbev%20and%20Belgacom.pdf

[5The Wall Street Journal du 26 mai 2000, consulté le 22/06/2015, http://www.wsj.com/articles/SB959286558852461765

[6The Wall Street Journal du 15 juin 2000, consulté le 15/06/2015, http://www.wsj.com/articles/SB960982909300652138

[11The Wall Street Journal du 14 juillet 2008, consulté le 19/06/2015, http://blogs.wsj.com/washwire/2008/07/14/mccains-to-profit-on-anheuser-inbev-deal/

[13Industry Week du 8 décembre 2008, consulté le 19/06/2015, http://www.industryweek.com/companies-amp-executives/ab-inbev-cut-1400-us-jobs

[14The Financial Times du 16/06/2015, AB-Inbev’s hard-nosed kings of beer, p. 12

[15Greenpeace, Anheuser-Busch using experimental genetically-engineerd (GE) rice to brew Budweiser, 2007, http://www.greenpeace.org/international/en/press/rele2ases/anheuser-busch-using-experimen/

[17Beverage Daily du 11 janvier 2010, consulté le 18/06/2015, http://www.beveragedaily.com/Markets/AB-InBev-cuts-800-European-jobs-workers-block-Belgium-gates

[18CNE, les intérêts notionnels, http://www.cne-gnc.be/index.php?c=1193

[19Capron Michel, Trois conflits dans des groupes multinationaux : AB Inbev, Carrefour, Brink’s, Courrier hebdomadaire du Crisp, 2011

[20Via la Commission de ruling belge

[24Friends of Earth Europe, AB Inbev a key voice in the alcohol debate, 2012, http://www.foeeurope.org/sites/default/files/alcohol_lobby_briefing_dec2012.pdf

[26The Financial Times du 8 avril 2013, consulté le 17/06/2015, http://www.ft.com/cms/s/0/0e3ccf5c-9fec-11e2-968b-00144feabdc0.html

[27Trends-tendances du 7 février 2013, consulté le 17/06/2015, ttp ://trends.levif.be/economie/entreprises/l-eldorado-mexicain-est-loin-d-etre-gagne-pour-ab-inbev/article-normal-213973.html

[29Yoon Sungwon et Lam Tai-Hing, The illusion of righteousness : corporate social responsibility practices of the alcohol industry, BMC Public Health, 2013, http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3706248/

[32Selon les mots du British Medical Journal

[36The Financial Times du 16/06/2015, AB Inbev’s hard nosed kings of beer, p. 12

Ligne du temps