Carte d'identité

Secteur Énergie
Naissance 1991
Siège central Paris
Chiffre d'affaires 202,4 milliards d’euros
Bénéfice net 19,9 milliards d’euros
Production Exploration, développement et production de pétrole et de gaz naturel/ gaz naturel liquéfié (liquéfaction, transport et regazéification) et vente de gaz naturel/ raffinage, pétrochimie et chimie/ Trading/ Shipping/ Services / recherche (énergie solaire et biomasse)
Effectifs 102.579 personnes
Site web http://www.total.com
Président Patrick Pouyanné
Actionnaires principaux (février 2024): Amundi Asset Management (6, 43%), Autodétention (5, 69%), Total SA employee Stock Ownership (4, 86%)
Comité d'entreprise européen oui

Ratios 2023

 
Marge opérationnelle % 23,21
Taux de profit % 22, 1
Taux de solvabilité % 40, 67
Taux de dividende % 34, 95
Part salariale % 12, 71
Taux de productivité (€) 652.868
Fonds roulement net (€) -8, 3 milliards

Observatoire des Comptes

Bilan

Voir les données : Tableau

Télécharger les données : csv

Actionnariat du groupe 2024

Voir les données : Tableau

Télécharger les données : csv

Actionnariat et contours
du groupe en Wallonie


 Nombre de salariés dans le groupe Total en Belgique en 2014 par site (en unités)

Total Belgium Etterbeek 635
Total Oleofins Antwerp Anvers 528
Total Petrochemicals Feluy Seneffe 457
Total Raffinaderi jAntwerpen Anvers 1 257
Total Research & Technology Feluy Seneffe 429
Servauto Etterbeek 173
Motorway Service Service Fourniture d’un bien immatériel, avantage ou satisfaction d’un besoin, fourni par un prestataire (entreprise ou l’État) au public. Il s’oppose au terme de bien, qui désigne un produit matériel échangeable.
(en anglais : service)
Etterbeek 226
Etablissements Henri Humblet Etterbeek 3
Zeebrugge Bunkering Maatschappij Etterbeek 5
Proxifuel Etterbeek 60
Proxilog Etterbeek 17
Proxitrans Etterbeek 12
Proxifleet Etterbeek 14
Autopneu Service Etterbeek 9
Belmos Etterbeek 344
GROUPE TOTAL France 4 169

Source : BNB, Centrale des bilans, 2014.

Historique

Naissance d’une entreprise publique

Au cours de la Première Guerre mondiale, la France a cruellement souffert de sa dépendance énergétique (à l’époque, elle importait en grande partie son pétrole de Russie, des USA et de Roumanie). Entre 1914 et 1918, la France a de plus en plus de difficultés à se fournir en fioul. L’accès aux détroits est bloqué, la route de l’importation des pétroles russes et roumains est rendue inaccessible et l’armée allemande attaque les bateaux américains d’approvisionnement. C’est pourquoi, au lendemain de la guerre, le gouvernement français veut s’assurer un accès direct au pétrole.

Boris Fronteddu*

Cependant, une politique énergétique publique présupposait une compagnie énergétique publique. C’est dans ce cadre qu’en 1924, Raymond Poincaré, président du Conseil de la IIIe République, met en place la Compagnie française des pétroles (CFP). Il nomme l’industriel Ernest Mercier à sa tête. Pour diriger la CFP, il fallait impérativement être français et recevoir l’aval du gouvernement.

Parallèlement le gouvernement crée l’Office National des Combustibles Liquides (ONCL) pour centraliser les informations concernant la recherche, l’exploration et les avancées techniques concernant le pétrole. À cette époque, la CFP ne fait donc qu’importer le pétrole irakien des gisements de Kirkouk découvert par l’Iraq Petroleum Company (IPC) et le revend aux raffineries des grandes entreprises pétrolières étrangères opérant sur le territoire français.

La CFP est également actionnaire de compagnies pétrolières étrangères telles que l’Anglo-Persian Oil Company. Cependant, cette grande dépendance de la CFP envers les compagnies étrangères inquiète l’État français. C’est pourquoi, en 1928, le gouvernement hexagonal soumet l’importation des produits pétroliers bruts et raffinés au contrôle public. Cela lui permet d’établir des quotas en fonction de l’origine de la matière première de manière à ’éviter une trop grande dépendance envers un seul fournisseur. Dans le même temps, la CFP crée sa branche d’activités de raffinage avec la création de la filiale Compagnie Française de Raffinage (CFR). Perçue comme une menace par les filiales françaises des groupes pétroliers internationaux, la CFR n’était pas autorisée à raffiner plus de 25% des besoins de distribution français.

Parallèlement, la CFP fait son entrée à la bourse de Paris. Son actionnariat est un mélange de public et de privé. Desmarais Frères, la plus grande compagnie française de distribution pétrolière à l’époque, en devient l’actionnaire majoritaire en détenant 14% du capital. De plus, pour pouvoir se développer, la CFP doit se résoudre à faire entrer dans son capital les grandes sociétés étrangères. Elle doit dès lors négocier ses plans de développement avec ces géants du pétrole qui contrôlent tous les stades de la chaîne de production : exploration, extraction, raffinage, transport et distribution.

En 1933, le groupe inaugure sa première raffinerie. Elle se situe à Gonfreville-l’Orcher en Normandie et dispose d’une capacité de 9 millions de tonnes de pétrole brut. À l’heure actuelle, il s’agit de la plus grande raffinerie du groupe avec une capacité de 15,9 millions de tonnes.

Peu après la création de la Raffinerie Normande, l’État français augmente sa part dans le capital de la CFP et contrôle 45% des voix de décisions. Un an plus tard, la firme publique crée sa deuxième filiale : la Compagnie Navale des Pétroles (CNP). Son but : gérer de manière indépendante le transport de la matière première. Cette nouvelle plateforme permet au groupe d’accélérer son internationalisation.

D’une part en acquérant des participations dans des compagnies de distributions implantées dans les colonies françaises. D’autre part en entreprenant des campagnes d’exploration en Russie, en Colombie ainsi que dans les colonies et protectorats français (Tunisie, Gabon et Madagascar) [1].

Au cours de la Deuxième Guerre mondiale, les activités de la CFP sont complètement paralysées. D’une part, l’armée allemande s’était emparée de ses intérêts européens et, d’autre part, les Anglais avaient gelé les parts qu’ils détenaient dans l’Irak Petroleum Company. La CFP est cependant contrainte de collaborer sous le régime de Vichy pour gérer la pénurie de pétrole et assurer l’approvisionnement de l’occupant. Or, certains cadres de la Compagnie refusent de suivre les ordres de l’armée allemande. Des actes de « désobéissance » qui vaudront au président de la CFP, Jules Mény, d’être déporté en août 1943.
Au lendemain de la guerre, la CFP donne naissance à une nouvelle filiale : la Compagnie française des pétroles en Afrique (CFDPA). Il s’agit de la première agence de distribution de la CFP [2]. Simultanément, la Compagnie étend également ses activités de distribution en Europe, mais aussi dans les colonies anglaises d’Afrique et en Australie. Cette dynamique est motivée par une période où les infrastructures routières et le développement technologique de l’automobile sont en constante évolution. [3]

La décennie 1960 sera celle de la recherche et du développement technologique pour l’entreprise. En vue d’étendre son influence sur l’ensemble de la chaîne de production, la CFP crée son pôle chimie. À la même époque, le groupe découvre les premiers gisements marins de pétrole au Gabon.

Charles de Gaulle commence cependant à se méfier de la CFP. Il ne voit pas d’un bon Å“il le partage du contrôle de la Compagnie entre le gouvernement français et les entreprises étrangères. C’est pourquoi il décide de favoriser la naissance d’une nouvelle compagnie nationale. Il organise la fusion du Bureau des Recherches du Pétrole (BRP) avec l’Union Générale des Pétroles (UGP, qui deviendra par la suite ERAP).

La fusion donne naissance à l’entreprise publique Elf -Erap en 1967. Contrairement à la CFP, ce groupe est contrôlé à 100% par l’État français. Une disposition qui permettra à l’exécutif français d’imposer le PDG d’Elf-Erap, Pierre Guillaumant, comme son principal délégué au Conseil d’Administration de la CFP [4].

Diversification et création de la marque « Total »

Au milieu des années 1970, la CFP se lance dans le secteur de l’énergie solaire et achète 60% de la firme américaine SunPower. Au cours de cette période, la Compagnie continue ses campagnes d’explorations internationales.

Mais la fin de la décennie va également valoir à la CFP d’être au centre d’une large polémique. En 1977, l’ONU déclare un embargo contre le régime d’apartheid d’Afrique du Sud. Implanté dans le pays depuis 1956, le groupe y avait développé 700 stations-service et y exploitait entre autres des mines de charbon. Dès le début, la CFP collabore avec le pouvoir politique en place et fournit en fioul l’armée sud-africaine. En dépit de l’embargo, le groupe continuera d’approvisionner le régime sud-africain, jusqu’à sa chute, via des oléoducs secrets. Le groupe sera pointé du doigt par l’ensemble des associations antiapartheid [5].

Cette polémique sur son ingérence dans la politique des pays dans lesquels elle opère n’altère pas la volonté expansionniste de l’entreprise. En 1982, la CFP opère le premier forage en profondeur (à 1 714 mètres) en Méditerranée. Entre-temps, le groupe continue de diversifier ses activités avec des prises de participation dans des firmes de chimie et d’énergie autres que pétrolières.

Conséquence de son internationalisation grandissante, le groupe change sa dénomination. Il s’appelle désormais « Total-CFP ». Le nom « Total » dispose d’une qualité principale : sa prononciation et sa signification sont similaires dans la majorité des langues. Quelques années plus tard, le groupe se détachera complètement de son ancien patronyme, « CFP » [6].

Dans le courant des années 80, Total ouvre sa première station essence en France. L’acte est symbolique. Il intronise définitivement le groupe comme une puissante firme française transnationale.

Naissance d’un magnat du pétrole

Depuis le milieu des années 1980, le vent des privatisations souffle sur l’Hexagone. Tout d’abord en 1992, le Parlement français vote une loi qui met fin aux quotas en matière d’importation pétrolière et donc, au privilège des firmes françaises [7].

L’année qui suit marque un tournant dans l’histoire de Total : sous l’impulsion d’Edouard Balladur, alors Premier ministre, le groupe est définitivement privatisé.

L’État français se défait également d’une large part de ses actions dans l’entreprise Elf. Ces deux évènements vont permettre au groupe de jouer une série de fusions-acquisitions qui lui vaudront sa consécration au rang de cinquième plus grand groupe pétrolier du monde.

À la fin des années 1990, Total veut grandir et s’imposer comme l’un des leaders mondiaux du marché. L’entreprise se tourne alors vers la Belgique et plus précisément vers le groupe pétrolier PetroFina. Au début du mois de juillet 1999, Total lance une Offre Publique d’Echange (OPE) sur le groupe belge, c’est-à-dire une proposition d’échange. L’entreprise française propose aux actionnaires de la firme belge d’échanger leurs actions Petrofina avec des actions Total.

L’opération est un succès. Total acquiert de cette manière l’ensemble des actions de Petrofina détenues par le public. La fusion a été encouragée par le baron belge Albert Frère [8]. Son groupe, GBL, était actionnaire majoritaire de Petrofina [9]. Cependant, ce dernier avait imposé des conditions à la fusion des deux entreprises. L’une d’entre elles était le maintien de centres de décisions à Bruxelles (pour les activités de pétrochimie, de raffinage et de production). Au terme de cette union, l’homme d’affaires wallon détient 9% du capital du nouveau-né : Total-Fina [10]. Le groupe est propulsé à la position de 5e plus gros groupe pétrolier mondial. Il est également le premier groupe pétrolier français, juste devant Elf [11].

Mais Total ne compte pas en rester là. Quelques mois plus tard, Total lance une OPE surprise sur Elf d’une valeur de 42,3 milliards d’euros. 3 actions Elf pour 4 actions Total Fina [12]. Philippe Jaffré, président d’Elf, est pris au dépourvu. Il dénonce une OPE « hostile » de la part de Total Fina. L’État français, quant à lui, détient toujours une « golden share » (c’est-à-dire un droit de véto au sein du conseil d’administration) dans Elf. Ce qui lui permet de s’opposer à toute fusion acquisition indésirable. Cependant, l’absorption d’Elf par une multinationale française est perçue comme un moindre mal par les pouvoirs publics [13]. Le 22 mars 2000, le groupe prend le nom de Total-Fina-Elf et devient la 4e plus grosse entreprise mondiale du secteur en termes de volume des ventes. Huit ans plus tard, le groupe génère le plus gros chiffre d’affaires jamais réalisé par une entreprise française [14].

Cependant, ce tour de force sera entaché par trois polémiques successives qui terniront sévèrement l’image du groupe.

Tout d’abord, en 1999, le navire pétrolier, baptisé Erika et affrété par Total, coule au large des côtes bretonnes. Le bateau libère 10 000 tonnes de pétrole dans l’eau. La marée noire finira par atteindre le littoral souillant 400 kilomètres de plage. Bilan : 20 000 oiseaux décimés et 250 000 tonnes de déchets ont été engloutis par les fonds marins. Pour le carnage, Total sera condamné par la Cour de cassation française à payer 375 000 euros d’amende en 2012 [15].

Ensuite, en 2002, la justice française ouvre une enquête sur le groupe. Total est éclaboussé par un scandale international. Le groupe est poursuivi pour corruption d’agents publics, de complicité et recel de trafic d’influence. Ce scandale entre dans le cadre du programme de l’ONU « pétrole contre nourriture » établi en 1996. Celui-ci avait pour but de réduire l’impact, sur la population civile, de l’embargo qui frappait l’Irak depuis six ans. L’ONU autorisait Saddam Hussein à vendre du pétrole en faible quantité. En échange, l’ONU faisait parvenir des vivres et des biens humanitaires en Irak. Total est soupçonné d’avoir contourné l’embargo en achetant plus cher du pétrole illégal à des tiers, de manière à garantir son approvisionnement. Christophe de Margerie, le Président du groupe, est, lui aussi, poursuivi en justice pour complicité d’abus de biens sociaux. Ils seront finalement relaxés par le Tribunal correctionnel de Paris en 2013. Quelques jours plus tard, le parquet fera appel concernant la relaxe du groupe, il ne contestera pas en revanche, celle de son PDG [16].

Et enfin, toujours en 2002, huit ouvriers birmans portent plainte contre Total. Ils accusent le groupe d’avoir travaillé sans rémunération et sous contrainte de l’armée birmane. Quatre ans plus tard, la justice française reconnait la véracité des accusations, mais conclut à un non-lieu, car les faits imputés ne sont pas sanctionnés par le droit français. Le groupe s’est alors engagé à verser 100 000 euros aux huit plaignants en échange du retrait de leur plainte. L’entreprise a également créé un fonds humanitaire de 5,2 millions d’euros en Birmanie. Un accord "avantageux", car il permet à Total d’exploiter le gisement gazier sous-marin de Yadana [17].

Quelles perspectives d’avenir ?

Depuis 2009, Total espère s’imposer comme un acteur incontournable dans la production de gaz de schiste. Dans ce cadre, il crée une coentreprise avec le leader mondial du secteur, Chesapeake, dans le but de lancer plus de 400 sites de production au Texas. Toujours en collaboration avec Chesapeake, Total a également acquis 25% des parts dans des gisements gaziers de l’Ohio.
Quant à l’Europe, Total a décroché des permis d’exploration pour des ressources gazières de schiste au Danemark et en Pologne [18].

De plus, depuis 2011, le groupe a également pris des parts dans des permis d’exploitation en Argentine, en Chine et en Australie.
Parallèlement, le groupe veut contrer la concurrence des stations-service des grandes marques de distribution. Le groupe crée à cet effet « Total Access » qui englobe 600 stations low-cost partout en France [19].

La chute du prix du baril pousse le groupe à se tourner vers de nouvelles exploitations gazières et pétrolières. Ainsi depuis janvier 2015 outre les récentes explorations des bassins gaziers, Total intensifie ses activités en mer du Nord, le long des côtes écossaises et norvégiennes. Malgré des coûts plus élevés, la multinationale table sur une remontée du prix du baril, le temps que l’extraction de la matière première soit effective. En même temps, le PDG du groupe a annoncé une réduction drastique des investissements, en particulier dans le secteur des raffineries, et un éventuel gel des embauches.

*Chercheur Gresea

Fronteddu, Boris, "Total", Gresea, mai 2015, texte disponible à l’adresse : http://www.mirador-multinationales.be/secteurs/energie/article/total


[1A Comparative History of National Oil Companies, p. 97-100, Beltran A., 2010

[2Celle-ci sera rebaptisée Total outre-mer en 1991.

[3La Sorbonne, Thèse de doctorat d’Histoire économique, 2007-2010, http://www.jbnoe.fr/IMG/pdf/JB_Noe_-These_Partie_3.pdf

[4Alternatives Economiques n°295. « De la CFP à Total, une entreprise sous contrôle de l’État ». Octobre 2010

[7Alternatives Economiques n°295. « De la CFP à Total, une entreprise sous contrôle de l’État ». Octobre 2010

[9L’acquisition de PetroFina par Total lui permet, encore aujourd’hui, d’être l’un des actionnaires majoritaires de Total.

Ligne du temps