« Préservez les emplois de qualité chez Mondelez » était le slogan de la semaine de mobilisation internationale lancée par l’UITA à laquelle ont participé les travailleurs de Mondelez dans plusieurs pays de production de l’entreprise. Cette semaine d’action visait à protester contre les restructurations permanentes que subissent les travailleurs depuis plusieurs années.
La semaine du 27 au 31 mars 2017 a été marquée par l’appel de la fédération syndicale internationale, l’UITA (Union Internationale des Travailleurs de l’Alimentation), à une semaine d’action internationale pour la défense d’un emploi permanent et de qualité pour les employés de Mondelez. Depuis sa création, résultant de la scission de Kraft food Inc. en 2012, le groupe agroalimentaire Mondelez s’est livré à des compressions budgétaires, n’hésitant pas à licencier des travailleurs, supprimer des emplois ou délocaliser des entreprises dans l’unique but de générer du profit pour ses actionnaires. Ces derniers font d’ailleurs forte pression sur l’actuelle présidente du groupe agroalimentaire, Irène Rosenfeld, pour l’inciter à une restructuration en profondeur du groupe en vue d’en améliorer la profitabilité [1] . Dans une dizaine de pays [2] , les travailleurs de la firme se sont mobilisés à l’appel lancé par l’UITA dont l’objectif était de dénoncer les pratiques de « machine financière agressive » auxquelles se livre la multinationale
Multinationale
Entreprise, généralement assez grande, qui opère et qui a des activités productives et commerciales dans plusieurs pays. Elle est composée habituellement d’une maison mère, où se trouve le siège social, et plusieurs filiales étrangères.
(en anglais : multinational)
américaine et son attitude envers ses travailleurs.
L’appel de l’UITA fait suite à une série de discussions préalables au sein de sa plateforme Mondelez. L’idée remonte à la conférence de Chicago qui s’est déroulée du 20 au 22 septembre 2016 où une délégation européenne Mondelez restreinte était présente. Jan Rens, coordinateur de la fédération syndicale européenne auprès du Comité d’Entreprises Européens pour Mondelez et, membre de la plateforme européenne de l’UITA Mondelez explique, « C’est là qu’a émergé l’idée d’une semaine d’action internationale. Nous estimions qu’il était temps de faire progresser les choses en allant au-delà d’un simple relai d’information ou de faire du networking […]. Nous avons alors discuté des contours que devait prendre cette action. Et chaque pays et chaque site étant libres de s’investir ou non. En février, il y a eu une réunion de feedback au cours de laquelle j’ai exposé aux sites belges et au site néerlandais ce qui avait été discuté au sein du groupe de travail Mondelez de l’UITA. […] C’était la première fois qu’il y avait une proposition concrète. Etant donné que nous devions décider de l’étendue, nous nous sommes réunis en délégation restreinte : un syndicat par site et plusieurs directeurs syndicaux » [3] .
L’action des « Mondelez » en Belgique
C’est dans ce cadre que s’inscrivent les trois piquets de grèves de 24h organisés le 27 mars devant les sites belges du groupe à Rhisnes, Malines et Herentals. Les syndicats FGTB, CSC, CGSLB, CNE et,- SETCa se sont réunis ce jour-là en front commun pour la première fois revendiquant une sécurité de l’emploi et dénonçant l’intensification des cadences pesant sur les travailleurs. De nouvelles tâches administratives viennent en effet s’ajouter aux tâches de production. Certains délégués syndicaux de Mondelez à Namur expliquent : « sur les quatre sites c’est pratiquement la même chose : on fait des restructurations permanentes sur deux ou trois ans, 40 ou 50 personnes sont licenciées et après ça recommence. Modifications et suppressions d’emplois,-ou bien les postes sont transférés dans d’autres pays. Il y a beaucoup d’externalisation
Externalisation
Politique d’une firme consistant à sortir de son ou de ses unités de production traditionnelles des ateliers ou départements spécifiques. Cela peut se passer par filialisation ou par vente de ce segment à une autre entreprise.
(en anglais : outsourcing)
[4] (sous-traitance
Sous-traitance
Segment amont de la filière de la production qui livre systématiquement à une même compagnie donneuse d’ordre et soumise à cette dernière en matière de détermination des prix, de la quantité et de la qualité fournie, ainsi que des délais de livraison.
(en anglais : subcontracting)
). Le groupe Mondelez travaille beaucoup avec la société MBS (Mondelez Business Services) qui reprend l’externalisation de certains postes de travail et de fonctions. C’est vraiment ancré dans la politique actuelle du groupe » [5] .
Parmi les autres motifs de cette grève belge, le seuil de 3% d’économie imposé par la direction. « Il s’agit d’un seuil d’économie à atteindre chaque année par l’usine qui est destiné à être reversé aux actionnaires » confie Daniele Polese, délégué syndical FGTB sur le site de Mondelez Namur. D’après lui et les autres délégués, ce seuil est généralement atteint. Comment ? « En robotisant des coûts et en supprimant des emplois. C’est toujours le même schéma. Lors des réunions inter-sièges les collègues des autres sites nous relatent la même chose. Il y a aussi des délocalisations des chaînes de production dans des endroits ou la main-d’œuvre est nettement moins chère, comme les pays de l’Est. Pour l’instant c’est surtout la Pologne. On a eu le cas en 2015 quand le secteur Lunchable de Namur est parti vers son sous-traitant, des co-packers d’Europe de l’Est. Pourtant ce secteur était peu robotisé à Namur, l’usine était principalement manuelle, c’était du travail irrobotisable… Mais le coût de la main-d’œuvre est quatre fois moins cher en Europe de l’Est (8€ là bas et 32€ en Belgique) du coup ils ont trouvé un moyen de réduire les coûts » [6] . Cet exemple est loin d’être isolé selon les délégués. Il y a quatre ans, à Halles, trois produits phares belges ont également été délocalisés vers l’Europe de l’Est : Chocotoff, les Bouchées, et les Mignonettes.
Outre les restructurations qui menacent l’emploi des salariés de Mondelez, ceux-ci font également l’objet de pressions quotidiennes : produire un maximum avec un minimum de personnel ; réduction du personnel du service Ressources Humaines (des responsables de production se voient assigner des tâches relevant des RH) ; des restructurations camouflées consistant à licencier quatre ou cinq employés d’un service sans faire trop de remous. Comme le fait remarquer D. Polese « on ne va pas arrêter une usine pour 2 ou 3 personnes qui partent d’un service mais si on compte depuis le début ben il y a bien 50 personnes qui ont été licenciées… » [7] .
La délocalisation
Délocalisation
Transfert de production vers un autre pays. Certains distinguent la délocalisation au sens strict qui consiste à déplacer des usines ailleurs pour approvisionner l’ancien marché de consommation situé dans la contrée d’origine et la délocalisation au sens large qui généralise ce déplacement à tout transfert de production.
(en anglais : offshoring).
des chaînes de production fait partie des pressions pesant sur les travailleurs du site d’Herentals. La demande pour la marque de biscuits Oreo est tellement élevée que l’usine ne parvenait plus à assurer le tonnage nécessaire. En vue de remédier au sur-tonnage que connaissait l’usine d’Herentals, la direction européenne de Mondelez a décidé de produire également ces biscuits au Pérou. Les travailleurs d’Herentals craignent aujourd’hui que toute la production des biscuits Oreo ne soit délocalisée vers ce pays.
Malgré une participation massive à la grève du 27 mars, les travailleurs n’ont obtenu aucune réponse de la part du siège européen de Mondelez. Sarah Meyer, coordinatrice internationale Mondelez pour l’UITA en « Food Processing », considère que vu la stratégie managériale de la société mère basée à Lincolnshire, Illinois, aucune réaction ne doit être attendue. Toutefois, en Belgique la participation à la grève fut massive et le directeur de l’usine de Namur aurait déclaré aux délégués que seule la Belgique avait réagi à l’annonce de l’UITA. « Mais ça ce sont les dires de sa direction, nous n’avons pas de preuve. On voit que les autres ont fait quelque chose mais on ne sait pas déterminer l’ampleur de leur action » , poursuivent les délégués Mondelez Namur. « C’est plus l’image de la Belgique qui a dérangé le directeur du site de Namur au-delà de la grève elle-même » [8] . Pour Jan Rens, « par ce piquet de grève la Belgique a su une fois de plus démontrer sa force syndicale et c’était la première fois que tous les syndicats se sont mobilisés en front commun. Employés, cadres, travailleurs, toutes les succursales, francophones et néerlandophones ».
Aperçu de la mobilisation syndicale internationale
En France, la CFDT a également mené une grève le 31 mars à Besançon, ainsi qu’une action de protestation deux jours plus tôt à Paris. En Lituanie et en Pologne, des travailleurs ont pris des photos en guise de solidarité. Même si cette action semble dérisoire, il faut savoir que c’est une première pour les travailleurs en Pologne. La mobilisation syndicale internationale a ainsi pris des formes diverses selon les pays : aux Pays-Bas des travailleurs ont distribué des flyers alors que les syndicats n’ont pas adhéré à l’UITA ; en Autriche le syndicat Pro Ge a rédigé un communiqué de presse et a donné une formation à ses membres pour sensibiliser à l’action ; en Norvège a eu lieu un rassemblement solidaire où les travailleurs ont porté des t-shirts ; en Irlande et au Royaume-Uni, une pièce pédagogique a été jouée par rapport aux efforts de Mondelez. Quant au Pakistan l’action de protestation menée par le Cadbury Pakistan Progressive Employees Union s’est déclinée sur trois jours sous la forme de deux réunions et d’une action de protestation. Aux Etats-Unis les syndicats UFCW [9] et BCTGM [10] , à l’occasion de la conférence annuelle de l’UFCW le 29 mars 2017 à Kansas City, ont fait une veillée solidaire en soutien aux employés ayant perdu leurs postes [11] . Enfin, en Corée le syndicat KCTWU Dongsuh Foods Union Chapter a relayé l’information relative à la semaine d’action Mondelez auprès des travailleurs de Mondelez et ceux-ci ont montré leur solidarité en suspendant dans le hall une bannière en soutien à la semaine d’action internationale lancée par l’UITA.
Le slogan d’un « emploi de qualité » revendiqué par la fédération syndicale internationale a permis aux différents pays de donner la forme souhaitée à leurs actions respectives. Comme le relève Françys Wisniewski, deuxième représentant européen des travailleurs de Mondelez Belgique auprès du Comité d’Entreprises Européens, « un emploi de qualité au 21e siècle n’a pas la même signification en France, en Belgique, au Royaume-Uni, aux Etats-Unis, en Australie ou au Pakistan. Ceci dit il s’agit d’une notion assez large donnant la chance à tous de pourvoir, au fil du temps, à la cessation des restructurations de type uniquement boursière » [12] .
Tableau récapitulatif des principales actions menées par les différents syndicats lors de la semaine de mobilisation internationale :
Chaque pays a mené une action mais « celle menée par la Belgique était probablement celle qui a eu le plus d’impact » constatent ensemble Jan Rens et Sarah Meyer, coordinatrice Mondelez auprès de l’UITA. Deux raisons sont susceptibles d’expliquer l’ampleur de l’action menée en Belgique. D’abord, l’indemnité payée par les syndicats en cas de journée de grève peut inciter les travailleurs réticents à se joindre à la grève. Ensuite, l’exercice du droit de grève en Belgique, comparée à d’autres pays, est plus aisé à mettre en œuvre [13] . Même si le droit de grève n’a pas de base légale expresse en droit belge, sa reconnaissance découle de la jurisprudence, plus particulièrement de l’arrêt de principe De Bruyne de la Cour de Cassation du 21 décembre 1981 [14] . D’autres instruments fournissent également à la Belgique une base juridique au droit de grève notamment l’article 8 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et de façon plus indirecte l’article 6,4° de la Charte sociale européenne (droit d’engager des négociations collectives et de mener une action collective) ainsi que l’article 11 de la CEDH (liberté de réunion et d’association). En France, le droit de grève est un droit fondamental consacré à l’alinéa 7 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 [15] .
Un droit de grève à géométrie variable
Si le droit de grève existe dans la plupart des pays qui se sont mobilisés lors de la semaine d’action, l’exercice de ce droit diffère en fonction des pays, ce qui explique mieux pourquoi la France et la Belgique ont été les seuls pays à mener une grève. En effet, dans certains pays la mise en œuvre du droit de grève est rendue plus difficile car, soit elle est assortie d’une série de conditions préalables à sa mise en œuvre, soit la législation la permet mais dans les faits son exercice est rendu quasi impossible. Ce qui est le cas au Pakistan, classé dans le Rapport de la Confédération syndicale Internationale (CSI) au niveau 5 sur une échelle de 1 à 5 (5 étant le niveau où les droits ne sont pas garantis) [16] , où le droit de grève n’est pas interdit [17] mais il demeure toutefois limité et beaucoup de grévistes sont souvent arrêtés [18] . Aux Pays-Bas, les actions collectives sont légales mais ne doivent intervenir qu’en dernier ressort (les grèves de solidarité sont par exemple considérées comme illégales) [19] . En Pologne et en Lituanie, des limitations ou interdictions de certains types de grèves sont fréquentes. A ce titre, la législation polonaise requiert un quorum de vote de 50% (en entreprise et selon les secteurs) avant que les syndicats ne puissent être convoqués [20] . Quant à la Lituanie, des restrictions particulièrement importantes sont apportées à l’exercice du droit de grève parmi lesquelles l’article 76 du Code du travail qui limite la portée des grèves : celles-ci ne peuvent intervenir que lorsqu’un conflit collectif-ou une décision y afférent- n’est pas réglé et un préavis doit obligatoirement être publié 7 jours (voir 14 jours selon les secteurs) avant que l’action collective ne puisse débuter [21] . Au Royaume-Uni et en Irlande la situation est quelque peu particulière. Toute une série de formalités préalables doivent être respectées au Royaume-Uni pour que les syndicats puissent bénéficier de l’immunité règlementaire sachant qu’il n’existe pas de droit fondamental de grève et que les tribunaux anglais ont une interprétation stricte des cas dans lesquels une grève est légale [22] . Les grèves étant potentiellement illégales en Irlande, il faut que les syndicats respectent une série de formalités préalables à la grève pour pouvoir bénéficier de l’immunité [23] . Aux Etats-Unis, la législation apporte une série de restrictions au droit de grève (sont notamment proscrites les grèves de solidarité et les grèves partielles). La capacité des travailleurs à organiser des piquets de grèves, des protestations ou des grèves secondaires est également limitée par la loi nationale sur les relations de travail (NLRA) [24] . Enfin, en Corée les grèves ne concernant pas directement les conditions de travail ne sont pas légales [25] .
Ainsi, la divergence du cadre législatif entourant l’exercice du droit de grève dans les pays de production de Mondelez constitue une piste d’explication quant aux différentes formes et intensités des actions : celles-ci se sont déroulées dans les limites des ressources syndicales nationales et de l’étendue du droit de grève. Notons que la dimension politique est également un facteur susceptible d’expliquer certaines divergences nationales en matière d’actions syndicales mais cela nécessiterait de faire l’objet d’une étude à part entière.
Des restructurations permanentes, une politique d’actionnaires activistes ?
Ces mobilisations expriment la réaction des travailleurs à la politique de restructurations permanentes de la multinationale. Les pratiques de compression des coûts font partie intégrante de la gestion du groupe dont le but est de maximiser les profits pour les actionnaires activistes . Ces décisions de restructurations proviennent de ces actionnaires activistes [26], Paul Ackman et Nelson Pelts, « ils sont minoritaires en terme de capital
Capital
Ensemble d’actifs et de richesses pouvant être utilisés pour produire de nouveaux biens ou services.
(en anglais : capital, mais aussi fund ou wealth)
mais très virulents et sont animés par un seul objectif : le rendement de leur investissement
Investissement
Transaction consistant à acquérir des actifs fixes, des avoirs financiers ou des biens immatériels (une marque, un logo, des brevets…).
(en anglais : investment)
à très court terme. Ils n’ont pas un projet industriel et certainement pas un projet social. » selon Francys Wisniewski. En effet, ce genre d’actionnaire
Actionnaire
Détenteur d’une action ou d’une part de capital au minimum. En fait, c’est un titre de propriété. L’actionnaire qui possède une majorité ou une quantité suffisante de parts de capital est en fait le véritable propriétaire de l’entreprise qui les émet.
(en anglais : shareholder)
ont un poids et un rôle qui ne peut être négligé : ils sont mus par la volonté de provoquer un changement dans la stratégie, la structure financière de la société ou de modifier la composition du Conseil d’administration. Souvent perçus comme des requins de la finance, Paul Ackman et Nelson Peltz préconisent le recours à des restructurations permanentes [27] pour adapter le périmètre de l’entreprise à leur exigence de rendement financier.
Dans la lignée de sa politique de restructuration permanente, Mondelez s’oriente –du moins sur ses sites belges- vers une prolifération des contrats précaires. Mais selon les délégués rencontrés à Namur « notre force syndicale pour l’instant ça a été de refuser l’intérim sur les postes opératoires ». Malheureusement ceci n’est pas le cas à Herentals où le nombre de contrats précaires ne cesse d’augmenter. « Leur volonté [au sein de la direction Mondelez] est de privilégier les contrats saisonniers (contrats d’un mois, deux ou trois semaines pour un tonnage spécifique). A Namur entre octobre et juin 2016, il y a eu 40 personnes au chômage économique [28] par jour sur le site. La politique de Mondelez s’oriente vers une diminution des contrats à durée indéterminée qu’ils souhaitent à terme remplacer par des contrats précaires ».
La stratégie de la direction de Mondelez, dénoncée par les syndicats, consiste à restructurer par petites touches l’entreprise afin de limiter les conséquences négatives pour son image et la mobilisation des salariés. Comme le montre le graphique sur Mirador, entre 2011 et 2015, Mondelez a supprimé 27 000 emplois [29] . D’ailleurs rien que durant l’année fiscale 2016, Mondelez a supprimé 9.000 emplois sur l’ensemble des usines du groupe [30] (dont 2000 ont été supprimés rien qu’en France) [31] . La multinationale compte réaliser, via son programme de restructuration, 3,5 milliards de dollars de bénéfices d’ici 2018 [32] . Sur la même période, la marge opérationnelle et le taux de profit
Taux de profit
Rapport entre le bénéfice et le capital investi ; il y a différentes manières de le calculer (bénéfice net par rapport aux fonds propres de l’entreprise ; bénéfice d’exploitation sur les actifs fixes ; et les marxistes estiment le rapport entre la plus-value créée et le capital investi).
(en anglais : profit rate).
(voir tableau Mirador) ont triplé [33] . La marge opérationnelle « indique ce que la société gagne en moyenne sur chaque produit vendu » [34] . Elle est passée de 9,47 à 30,02%. Quant au taux de profit, indiquant le rapport entre le capital
Capital
investi et le bénéfice, il a bondi de 7,16 à 25,39% [35] . Pourquoi couper dans l’emploi si la marge opérationnelle et le taux de profits augmentent ? Rien qu’au second semestre de l’année 2016, la société a généré un bénéfice de 464 millions de dollars [36] .
Même si elle satisfait ses actionnaires par la distribution de dividendes et attire les investisseurs grâce à ses manœuvres de restructurations stratégiques pour gonfler son capital, il n’en demeure pas moins que Mondelez a aussi un niveau de dette important et incarne le modèle d’une société dont les activités d’acquisition sont financées par emprunt. La société privilégie alors les solutions à court-terme (faisant certes croître les marges) pourtant cette posture instable fragilise tant les travailleurs que la société elle-même qui n’est pas protégée contre les fluctuations du marché
Marché
Lieu parfois fictif où se rencontrent une offre (pour vendre) et une demande (pour acheter) pour un bien, un service, un actif, un titre, une monnaie, etc. ; un marché financier porte sur l’achat et la vente de titres ou d’actifs financiers.
(en anglais : market)
(modification des taux d’intérêt
Taux d’intérêt
Rapport de la rémunération d’un capital emprunté. Il consiste dans le ratio entre les intérêts et les fonds prêtés.
(en anglais : interest rate)
ou hausse soudaine des prix des matières premières) [37] .
Les restructurations permanentes effectuées par Mondelez apparaissent comme une « modalité récurrente de gestion » pour reprendre les termes de T. CARABELLI [38] . Ces opérations font partie de sa stratégie commerciale visant à rentabiliser au mieux les bénéfices du groupe alimentaire. Ce mode de rentabilité attirant pour les investisseurs paraît difficilement justifiable quant à sa légitimité sociale aux yeux de certains, tout comme Francys Wisniewski qui comprend « que les entreprises s’organisent pour développer leurs chiffres d’affaires mais le profit pour le profit au détriment de la population ça me semble être un petit peu d’un point de vue social « un crime contre l’humanité » [39] .
L’absence de réponse concrète de la part de la direction de Mondelez par rapport aux multiples actions menées entre le 27 et le 31 mars n’a rien d’étonnant pour Jan Rens qui affirme que « C’est une lutte que nous mènerons à long terme. L’UITA pense que des progrès sont possibles car on a déjà constaté des évolutions positives dans des entreprises similaires [à Mondelez] » [40] . C’est actuellement dans cette optique que les différentes instances et collectivités sociales sont engagées et elles ne cesseront pas de si tôt d’après les représentants interrogés.
Par ailleurs, le Comité d’Entreprise Européen (CEE
CEE
Communauté Économique Européenne : Organisation économique régionale fondée au départ par six États avec la signature du traité de Rome en 1957. Le point fondamental est de créer un marché intérieur intégré, basé sur trois libertés de circulation (personnes, marchandises, capital). Avec l’Acte unique de 1986 sera ajoutée une quatrième liberté, celle des services. Les droits de douane seront supprimés entre les pays membres et des tarifs communs instaurés aux frontières du bloc commercial. La CEE se transforme en Union européenne avec le traité de Maastricht de 1992.
(En anglais : European Economic Community, EEC)
) [41] , où siègent par ailleurs Jan Rens et Françys Wisniewski, est d’avis que le forcing doit provenir de l’Europe. Une première étape en ce sens consisterait en l’obtention du plus grand nombre de contrats à durée indéterminée possibles confie Jan Rens. Si l’on peut éventuellement admettre que le recours aux pressions indirectes (du même type que les actions menées lors de la semaine de mobilisation) peut avoir un effet sur la direction Mondelez dans la durée, ce serait une erreur de se contenter de cette seule option. Face à une multinationale de cette taille, il est utile d’établir un contre poids à dimension plus communautaire. Les restructurations permanentes semblent être aujourd’hui une pratique qui a imprégné la stratégie commerciale de nombreuses entreprises et le problème semble se situer plus au niveau de la réponse qu’on est en mesure d’y apporter. En ce sens l’existence d’une enceinte de négociation européenne juridiquement encadrée au sein du Comité d’Entreprise Européen fait peut-être défaut. Ceci renvoie notamment au débat existant depuis quelques années dans le CEE au sein duquel certains préconisent l’instauration d’un espace européen de négociation.
Pour citer cet article :
Darya Garegani, "Restructurations permanentes chez Mondelez", Gresea, juin 2017. Texte disponible à l’adresse :
http://www.gresea.be/spip.php?article1616