Les PME (petites et moyennes entreprises) sont présentées comme un pilier de nos économies. Il faut dès lors les soutenir, leur permettre de se développer, les aider à se financer, diminuer leurs charges … Ce discours, présenté comme une vérité d’évidence, est tenu à tous les niveaux : Elio Di Rupo dans son discours de politique générale pour 2013 ; François Hollande et son "plan d’épargne en action" dédié au PME ; la commission européenne, la BEI, ou le FMI
FMI
Fonds Monétaire International : Institution intergouvernementale, créée en 1944 à la conférence de Bretton Woods et chargée initialement de surveiller l’évolution des comptes extérieurs des pays pour éviter qu’ils ne dévaluent (dans un système de taux de change fixes). Avec le changement de système (taux de change flexibles) et la crise économique, le FMI s’est petit à petit changé en prêteur en dernier ressort des États endettés et en sauveur des réserves des banques centrales. Il a commencé à intervenir essentiellement dans les pays du Tiers-monde pour leur imposer des plans d’ajustement structurel extrêmement sévères, impliquant généralement une dévaluation drastique de la monnaie, une réduction des dépenses publiques notamment dans les domaines de l’enseignement et de la santé, des baisses de salaire et d’allocations en tous genres. Le FMI compte 188 États membres. Mais chaque gouvernement a un droit de vote selon son apport de capital, comme dans une société par actions. Les décisions sont prises à une majorité de 85% et Washington dispose d’une part d’environ 17%, ce qui lui donne de facto un droit de veto. Selon un accord datant de l’après-guerre, le secrétaire général du FMI est automatiquement un Européen.
(En anglais : International Monetary Fund, IMF)
. Partout, le discours qui prévaut est celui du soutien nécessaire aux PME.
Il est pourtant très difficile de se faire une idée claire de la part que représentent les PME dans l’emploi ou dans la valeur ajoutée
Valeur ajoutée
Différence entre le chiffre d’affaires d’une entreprise et les coûts des biens et des services qui ont été nécessaires pour réaliser ce chiffre d’affaires (et qui forment le chiffre d’affaires d’une autre firme) ; la somme des valeurs ajoutées de toutes les sociétés, administrations et organisations constitue le produit intérieur brut.
(en anglais : added value)
et plus encore, de leur marge de manœuvre par rapport aux grands donneurs d’ordre internationaux. En effet, la définition d’une PME varie selon les critères utilisés. Les résultats ne sont donc pas toujours comparables, tout dépend des indicateurs retenus. Tout discours sur les PME est par conséquent sujet à caution.
On peut ainsi montrer que les PME représentent 99% des entreprises pour vanter leur rôle clef dans le développement économique d’un territoire. A l’inverse, il est tout aussi aisé de "prouver" qu’elles ne comptent que pour 35% du total de l’emploi salarié en Belgique. Les deux chiffres sont évidemment corrects, tout dépend de celui ou ceux qu’on choisit. C’est un peu l’histoire du verre à moitié plein ou à moitié vide.
La représentation qu’on se fait communément de la PME est celle de la petite entreprise de quelques salariés qui produit des biens industriels ou de la start-up dans le domaine des nouvelles technologies. Les statistiques englobent en général d’autres types de petites entreprises comme des sous-traitants ou des franchisés.
Les franchises sont comptabilisées comme des PME (du fait du nombre de salariés qu’elles emploient) mais pourraient très bien être considérées comme faisant partie de l’"entreprise mère". La relation franchiseur-franchisée est en effet assez particulière et dépend du contenu du contrat entre les deux parties. Le franchisé conserve son autonomie juridique et financière mais est susceptible d’être soumis à des contraintes concernant la gestion du personnel, la fixation des prix, la gestion de la marque, les approvisionnements...
De même, dans le total des PME, on compte un certain nombre de sous-traitants qui ne dépendent que d’un seul donneur d’ordre. La relation de sous-traitance
Sous-traitance
Segment amont de la filière de la production qui livre systématiquement à une même compagnie donneuse d’ordre et soumise à cette dernière en matière de détermination des prix, de la quantité et de la qualité fournie, ainsi que des délais de livraison.
(en anglais : subcontracting)
repose sur un contrat entre deux entreprises distinctes. L’entreprise "donneuse d’ordre" confie ainsi à l’entreprise sous-traitante ou "preneuse d’ordre" la réalisation d’un bien ou d’un service
Service
Fourniture d’un bien immatériel, avantage ou satisfaction d’un besoin, fourni par un prestataire (entreprise ou l’État) au public. Il s’oppose au terme de bien, qui désigne un produit matériel échangeable.
(en anglais : service)
. Deux des caractéristiques principales de la relation de sous-traitance sont : de soumettre le contrat de travail au contrat commercial signé entre les deux parties et, par là, de limiter, parfois drastiquement, la marge de manœuvre de l’entreprise preneuse d’ordre dans sa gestion.
On sait par exemple que les PME sous-traitantes sont particulièrement présentes dans certains secteurs comme l’industrie automobile. Malheureusement, comme l’affirme Jan Buelens [1] : "Une autre constatation frappante [est que] celui qui se met à la recherche de chiffres concernant le volume de la sous-traitance dans la vie économique belge risque bien de rentrer bredouille. Il n’y a pour ainsi dire pas de chiffres disponibles concernant le volume de la sous-traitance."
Tentons tout de même de nous faire une idée de la place des PME en Europe et en Belgique au regard des statistiques qui sont à notre disposition.
L’Europe organise la fragmentation
Commençons par l’Europe. Depuis 2002, les données sont récoltées via les États membres par Eurostat, l’organisme européen des statistiques, sur une base volontaire. Ceci explique que certaines données ne soient pas disponibles pour toutes les années ou pour tous les pays. En outre, chaque État membre peut utiliser des classifications différentes.
Le "Small Business Act" a été adopté en juin 2008 puis réexaminé en février 2011. Il s’agit d’une série de principes qui ont pour but "de refléter la volonté de la commission européenne de reconnaitre le rôle essentiel joué par les PME dans l’UE
UE
Ou Union Européenne : Organisation politique régionale issue du traité de Maastricht (Pays-Bas) en février 1992 et entré en vigueur en novembre 1993. Elle repose sur trois piliers : les fondements socio-économiques instituant les Communautés européennes et existant depuis 1957 ; les nouveaux dispositifs relatifs à la politique étrangère et de sécurité commune ; la coopération dans les domaines de la justice et des affaires intérieures. L’Union compte actuellement 27 membres : Allemagne, Belgique, France, Italie, Luxembourg, Pays-Bas (1957), Danemark, Irlande, Royaume-Uni (1973), Grèce (1981), Espagne, Portugal (1986), Autriche, Finlande, Suède (1995), Chypre, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Malte, Pologne, Slovaquie, Slovénie, Tchéquie (2004), Bulgarie, Roumanie (2007).
(En anglais : European Union)
". Il comporte 10 principes (entreprenariat – comprendre développer l’esprit d’entreprise, marchés publics, financements, innovation…) eux-mêmes divisés en mesures et recommandations à destination des États membres. La Wallonie publie ainsi un rapport annuel sur la mise en œuvre du Small business act [2].
Les mesures du Small business act sont censées s’appliquer à tous les membres de l’Union européenne
Union Européenne
Ou UE : Organisation politique régionale issue du traité de Maastricht (Pays-Bas) en février 1992 et entré en vigueur en novembre 1993. Elle repose sur trois piliers : les fondements socio-économiques instituant les Communautés européennes et existant depuis 1957 ; les nouveaux dispositifs relatifs à la politique étrangère et de sécurité commune ; la coopération dans les domaines de la justice et des affaires intérieures. L’Union compte actuellement 27 membres : Allemagne, Belgique, France, Italie, Luxembourg, Pays-Bas (1957), Danemark, Irlande, Royaume-Uni (1973), Grèce (1981), Espagne, Portugal (1986), Autriche, Finlande, Suède (1995), Chypre, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Malte, Pologne, Slovaquie, Slovénie, Tchéquie (2004), Bulgarie, Roumanie (2007).
(En anglais : European Union)
. Elles ont notamment pour objet de réduire les charges administratives des PME (en facilitant les règles comptables), de faciliter l’accès au crédit ainsi qu’aux marchés, de libéraliser la création d’entreprises, de forcer les autorités publiques à régler leurs factures dans les 30 jours pour améliorer la trésorerie
Trésorerie
Ce qu’un acteur économique, souvent une entreprise, dispose comme actifs directement disponibles, c’est-à-dire dans ses caisses ou sous forme de comptes bancaires utilisables.
(en anglais : cash)
des PME.
Selon Eurostat, 99,8% des entreprises en Europe sont des PME, dont 6,5% sont des petites entreprises (entre 10 et 49 salariés), 1,1% sont des moyennes entreprises (entre 50 et 250 salariés). Les grandes entreprises comptent pour 0,2% du total des entreprises (voir tableau 1). Les entreprises restantes (92,2%) sont des structures de moins de 10 salariés. En moyenne les PME européennes employaient 4,2 personnes en 2012 contre 4,3 en 2005.
Sur le territoire de l’Union européenne (’UE), on recensait en 2012 20,7 millions de PME, soit 98% des entreprises (dont 92,2% d’entreprises de moins de 10 salariés). Cela représente 67% de l’emploi privé salarié… mais seulement 58% du PIB
PIB
Produit intérieur brut : richesse marchande créée durant une période déterminée (souvent un an) sur un territoire précisé (généralement un pays ; mais, en additionnant le PIB de tous les pays, on obtient le PIB mondial).
(en anglais : Gross Domestic Product ou GDP)
de l’UE. 80% des nouveaux emplois crées en Europe seraient le fait des PME ces dernières années, mais il existe peu d’informations récentes sur le contenu de ces emplois (précaires ou durables) ou sur les taux de survie des petites entreprises en Europe après quelques années.
Tableau 1 : nombre d’entreprises, part dans l’emploi privé et dans la VA selon la taille de l’entreprise (estimation 2012)
Source : Ecorys (2012), “EU SME’s in 2012 : at the cross roads. Annual report on small medium-sized enterprises in the EU, 2011/2012”. European commission. [3]
Il faut d’ores et déjà faire remarquer que ces statistiques ne tiennent compte que de l’emploi privé salarié. Les indépendants sont au nombre de 32,5 millions en Europe. Ils ne sont cependant pas repris dans l’emploi ni dans la valeur ajoutée. Il en va de même pour le secteur public et l’associatif non marchand.
Les grandes entreprises (0,2% du total, pour mémoire) représentent à elles seules plus de 40% de la valeur ajoutée de l’ensemble des entreprises et un tiers de l’emploi privé salarié total.
La Belgique, pour sa part, se trouve dans la moyenne européenne. Comme partout en Europe, les PME y représentent, en nombre, l’essentiel des entreprises, mais pas en termes de valeur ajoutée ou d’emploi salarié privé.
Belgique, terre de PME ou d’indépendants ?
Lorsqu’on examine la part des PME dans le nombre d’entreprises et dans l’emploi salarié, on relève ainsi qu’à la fin 2011, selon les statistiques de l’ONSS, les employeurs occupant moins de 50 salariés (hors travailleurs indépendants et entreprises n’employant pas de salariés) étaient au nombre de :
- 28.280 à Bruxelles (soit 96,3% des entreprises) employant 146.058 personnes (soit 117.378 équivalents temps plein - ETP)
- 124.361 en Flandre (96,66% du total) employant 648.334 personnes (soit 519.696 ETP)
- 63.095 en Wallonie (97,52% du total) employant 311.752 personnes (soit 236.286 ETP)
Au total, 1.106.144 personnes travaillaient dans des entreprises de moins de 50 salariés fin 2011. Toujours selon l’ONSS, la Belgique compte à l’époque 3.412.280 travailleurs salariés (3.773.868 si l’on ajoute les salariés des pouvoirs publics locaux [4]), dont 2.677.881 dans le secteur privé (78,5%) et 734.399 dans le secteur public (21,5%) auxquels il convient d’ajouter les salariés assujettis à l’ONSSAPL (pouvoirs publics locaux – CPAS, employés communaux, police communale…).
La part de l’emploi des entreprises de moins de 50 salariés dans l’emploi privé salarié est donc de 40,45% et de 29,31 % de l’emploi total salarié (ONSSAPL inclus).
Tableau construit sur base des données ONSS et ONSSAPL.
A titre de comparaison, l’INASTI (l’Institut national d’assurances sociales pour travailleurs indépendants) comptabilisait 969.896 indépendants [5] en 2011, en augmentation depuis plusieurs années, dont 670.316 pour qui c’était l’activité principale.
Il serait théoriquement possible de calculer la part de l’emploi des PME dans l’emploi total (privé, public et indépendant). Cela nécessiterait toutefois d’avoir accès à tous les fichiers de l’ONSS, de l’ONSSAPL et de l’INASTI afin de pouvoir éliminer les doubles comptages. Une personne salariée à mi-temps et exerçant parallèlement une activité indépendante pourrait ainsi, par exemple, être comptabilisée dans les fichiers de l’ONSS et de l’INASTI, et donc être comptée deux fois. N’ayant pas accès à l’ensemble de ces fichiers, il ne nous est pas possible d’effectuer ce calcul.
L’UCM (Union des Classes Moyennes) dans son "rapport PME Bruxelles" [6] pour 2012 comptabilise comme PME, à la différence de l’ONSS, les entreprises sans salariés. Selon cette méthode de calcul, le total des PME (entreprises individuelles incluses) est de 934.092 entreprises comptant entre zéro et 49 travailleurs en Belgique en 2011 [7]. Chiffre fantastique à bien y regarder puisque, en incluant les "PME" à zéro salarié, leur nombre bondit de quelque 216.000 à plus de 900.000 "établissements". On imagine qu’une bonne partie de ces entreprises n’est constituée que de "boîtes aux lettres" et de "night shops". En maniant ce critère, on arrive au résultat non moins interpellant que 87% des PME à Bruxelles et en Wallonie n’emploient pas de salariés (85% en Flandre). Ces chiffres sont en augmentation depuis plusieurs années…
Autre catégorie encore que celle des indépendants. Fin 2010, toujours selon l’UCM [8], 20,1% de l’emploi privé en Wallonie et 14,6% à Bruxelles était occupé par des indépendants. Tantôt on les ajoute, tantôt non. Et cela fait "bouger les lignes", on s’en doute. L’emploi des PME, stricto sensu, représentait quant à lui 42.9% de l’emploi privé en Wallonie et 35,4% à Bruxelles (la moyenne européenne étant de 67% hors indépendants). Si on additionne l’emploi des indépendants et celui des entreprises de moins de 50 salariés, "l’emploi PME" passe alors de 42,9% à 63% de l’emploi privé [9] en Wallonie et de 35,4% à 50% à Bruxelles.
La définition européenne, on l’a vu, considère comme PME toute entreprise de moins de 250 salariés. L’ONSS, quant à elle, propose des données pour les entreprises jusqu’à 200 salariés. On ne peut donc pas obtenir les statistiques selon le critère européen sur la base des données ONSS.
L’ONSS obtient les résultats suivants pour les entreprises de moins de 200 salariés (hors indépendants et entreprises individuelles) :
- 98,98% des entreprises à Bruxelles ont moins de 200 salariés, contre
- 99,24% en Flandre
- 99,53% en Wallonie
Au total, la part de l’emploi des entreprises de moins de 200 salariés dans l’emploi privé salarié est alors de 49,1% et de 35,6% de l’emploi total salarié (ONSSAPL inclus). Par conséquent, 50,9% des salariés du privé travaillent pour des entreprises de plus de 200 travailleurs.
Tableau construit sur base des données ONSS et ONSSAPL.
La part des PME dans la valeur ajoutée (VA) est un autre maquis méthodologique. La Banque nationale de Belgique publie chaque année un document intitulé "Résultats et situation financière des entreprises". L’édition 2011 [10] livre quelques informations sur la valeur ajoutée créée par les PME.
Montant (en millions d’euros) | Part (en %) | |
Valeur ajoutée des entreprises | 150.519 | 100 % |
Grandes entreprises | 118.818 | 78,9% |
PME | 31.701 | 21,1% |
Source : BNB, Résultats et situation financière des entreprises en 2011.
Au niveau régional, Bruxelles compte proportionnellement plus de très petites entreprises. 35% des entreprises à Bruxelles ont une VA inférieure à 10.000 euros contre seulement 23% en Flandre et 25% en Wallonie. Par ailleurs, les PME ne créent que 16% de la VA à Bruxelles contre 26% en Flandre et 27% en Wallonie.
Il faut signaler que ces données se basent sur la définition belge (voir annexe 2) sans inclure les critères relatifs au chiffre d’affaire et au bilan. Les PME sont ici les entreprises de moins de 50 salariés (hors indépendants et entreprises individuelles).
Eurostat propose également des données pour la Belgique par le biais d’une fiche technique publiée annuellement sur les avancées du "Small business act". Le tableau suivant est tiré de la version 2012 [11] de ce document.
Tableau 2 : Les PME en Belgique - données de base (tiré de : Commission européenne, SBA fiche technique 2012)
Là encore, quelques précautions sont à prendre avec ces statistiques. Les secteurs de l’industrie, de la construction, du commerce et des services sont repris… mais l’économie "non marchande" (santé, éducation), les activités agricoles et de pêche en sont exclues. Ceci a probablement pour effet de gonfler la part de la valeur ajoutée de PME puisque les secteurs à plus faible valeur ajoutée ont été retirés de l’échantillon.
Réflexions conclusives
Il est difficile de tirer des conclusions fermes quant à la place des PME dans l’économie, la compatibilité des statistiques disponibles ainsi que leur précision ne permettent bien souvent que des analyses superficielles (les données sont calculées soit selon les critères européens, soit selon les critères nationaux). Certains éléments semblent toutefois partagés quels que soient les modes de calcul et les définitions.
Au niveau européen comme au niveau national, les PME (entreprises de moins de 250 salariés) représentent plus de 98% du nombre total des entreprises, avec parmi ces PME, une prédominance des micro-entreprises (moins de 10 salariés).
Au niveau de l’emploi, les PME avec le critère de 250 salariés maximum (sous-traitants et franchisés inclus, indépendants exclus) représentent, de manière grossière entre la moitié et les deux tiers de l’emploi privé salarié.
Si l’on tient compte de l’emploi public, ces chiffres diminuent. Les PME (moins de 200 salariés) en Belgique représentent 35,6% de l’emploi salarié.
En incluant les indépendants, pour avoir un pourcentage de l’emploi total, ce chiffre diminuerait encore.
Concernant la part de la valeur ajoutée des PME, il est difficile de s’en faire une idée précise. Les chiffres dont nous disposons ne sont pas comparables car ils ne prennent pas en compte les mêmes secteurs ni les mêmes critères de taille. Nous savons que : les entreprises de moins de 50 salariés représentent un peu plus de 20% de la valeur ajoutée des entreprises belges (selon la BNB) et que les entreprises de moins de 250 salariés du secteur marchand représentent 61% de la valeur ajoutée du secteur marchand européen (selon Eurostat). Ajoutons que nous n’avons fait usage ici que des définitions publiques "institutionnelles" (Eurostat, ONSS, Banque nationale, etc.) et que, dans le privé, on en manie d’autres : autres besoins, autres méthodes. Le Financial Times du 26 juin 2013 renvoie ainsi, pour analyser le secteur, à une étude de GE Capital
Capital
Ensemble d’actifs et de richesses pouvant être utilisés pour produire de nouveaux biens ou services.
(en anglais : capital, mais aussi fund ou wealth)
et Warwick Business School qui utilise pour seul critère d’une entreprise de taille moyenne celui du chiffre d’affaires
Chiffre d’affaires
Montant total des ventes d’une firme sur les opérations concernant principalement les activités centrales de celle-ci (donc hors vente immobilière et financière pour des entreprises qui n’opèrent pas traditionnellement sur ces marchés).
(en anglais : revenues ou net sales)
(à l’inverse de l’ONSS qui ne comptabilise que le nombre de salariés).
Les PME sont indéniablement importantes dans nos économies, mais il semblerait que leur importance soit amplifiée dans les discours. En Belgique, environ la moitié des salariés du privé travaillent dans des entreprises de moins de 200 salariés, mais l’autre moitié travaillent dans des grandes entreprises. Et ceci ne tient pas compte des sous-traitants et des franchisés.
Pour encore relativiser le "discours PME", on pourrait aussi rappeler que plus de la moitié du commerce mondial est le fait des sociétés transnationales, et que sur les 100 entités – États ou entreprises - les plus puissantes économiquement (classées en fonction de leur PIB ou chiffre d’affaires) 41 sont de grandes entreprises [12].
Il est également bon de se souvenir que les PME ne sont pas dans l’obligation légale d’avoir une représentation syndicale en leur sein : la perspective de la voir imposée avait "stupéfait" l’UCM [13] en 2012.
Les salariés des PME qui sont dans la sous-traitance n’ont pas les mêmes conditions que les travailleurs des grandes entreprises qui disposent de conventions de travail plus avantageuses car les délégations syndicales y sont présentes et en mesure de négocier. L’exemple de la fermeture de l’usine Ford à Genk illustre ceci. Les "plans sociaux", déjà douloureux pour les employés de Ford, ont été encore plus durs à avaler pour les employés des entreprises sous-traitantes [14] qui n’ont eu droit qu’à très peu de formes de compensations (primes, reclassement…).
Donc oui, il faut sans doute aider les PME – encore faudrait-il savoir de quelles PME on parle (une micro entreprise, un sous-traitant n’ayant qu’un seul donneur d’ordre ou un franchisé d’une enseigne de grande distribution) - qui représentent une part non négligeable de l’emploi et de la valeur ajoutée mais il ne faudrait pas que celles-ci deviennent un paravent pour des plus grands groupes afin de pouvoir sous-traiter une partie de leur travail à des conditions moins avantageuses pour les travailleurs et ainsi outrepasser les législations sociales ou fiscales.
En France par exemple, les PME ont bénéficié d’une mesure leur accordant un crédit d’impôt pour l’exercice 2013 en raison de la morosité du climat économique. Le médiateur interentreprises français affirmait récemment avoir reçu "une dizaine de dossiers en médiation, mais surtout beaucoup de témoignages de PME qui font l’objet de pression sans oser dénoncer nommément leurs donneurs d’ordre" [15]. Ce sont ici de grandes entreprises qui font pression sur leurs sous-traitants (dans la santé, l’énergie, l’automobile…) afin qu’ils répercutent sur leur prix de vente les avantages fiscaux temporaires qu’ils viennent d’obtenir. Alors que ce sont ces mêmes grandes entreprises qui bénéficient le plus des aides de l’État et de taux d’imposition réels inférieurs.
De manière générale, des précautions sont à prendre avec nombre de statistiques relayées dans les médias et par la classe politique (chômage, aide publique au développement
Aide publique au développement
ou ADP : Total des prêts préférentiels (à des taux inférieurs à ceux du marché) et des dons budgétisés par les pouvoirs publics des États dits développés en faveur de pays du Tiers-monde. Théoriquement, ces flux financiers devraient être orientés vers la mise en place de projets concrets et durables, comme des infrastructures essentielles, des actions de lutte contre la faim, en faveur de la santé, de l’éducation, etc. Mais souvent il s’agit d’un moyen détourné pour les anciennes métropoles coloniales de conserver les liens commerciaux avec leurs dépendances, en les obligeant à s’approvisionner auprès des firmes métropolitaines. Selon les Nations unies, l’APD devrait représenter au moins 0,7% du PIB de chaque nation industrialisée. Mais seuls les pays scandinaves respectent cette norme.
(En anglais : official development assistance, ODA)
, délinquance…). Les méthodes et les critères retenus pour les calculs étant variables, les interprétations qui en découlent le sont tout autant.
Concernant la démographie des entreprises, outre les statistiques sur la part dans l’emploi ou la valeur ajoutée, l’analyse économique sur le rôle des PME gagnerait à disposer de données sur les liens que les entreprises entretiennent entre elles (franchise, sous-traitance, joint-venture…), domaine toujours largement lacunaire en Belgique et en Europe.
En effet, face aux discours qui font des PME le levier du développement économique et de l’emploi dans nos pays, l’observateur se doit d’appliquer une double grille d’analyse. S’agit-il d’aider au développement de ce type d’entreprises car elles permettent l’innovation, le dynamisme de l’économie et la création d’emplois de qualité ? Ou bien, s’agit-il d’exacerber la fragmentation des collectifs de travail par la sous-traitance et de se débarrasser des capacités de résistance des travailleurs ?
ANNEXES, ci-jointes à droite