Carte d'identité
Secteur | Agro-alimentaire |
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Naissance | 2012 |
Siège central | Deerfield, Illinois, USA |
Chiffre d'affaires | 33,3 milliards d’euros |
Bénéfice net | 4,6 milliards d’euros |
Production | Biscuits, Confiseries, Snacks, Boissons, Fromages |
Effectifs | 91.000 personnes |
Site web | http://www.mondelezinternational.com |
Président | Dirk Van de Put |
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Actionnaires principaux | (janvier 2024): The Vanguard Group (17, 22%), State Street (4, 3%), Capital Group (4, 2%), T. Rowe Price Associates, Inc. (3, 89%) |
Marques | Alpen Gold, Barni, belVita, Bournvita, Bubbaloo, Cadbury, Chips Ahoy!, Clight, Club Social, Côte d’Or, Dentyne, Dirol, Freia, Gevalia, Grand Mère, Halls, Hollywood, Honey Maid, Jacobs, Kenco, Lacta, LU, Marabou, Mikado, Milka, Nabisco, Newtons, Nilla, Nutter Butter, Philadelphia, Oreo, Premium, Prince, Ritz, Royal, Sottilette, Sour Patch Kids, Stimorol, Stride, Tang, Tassimo, Tiger, Toblerone, Trakinas, Trident, Triscuit, Tuc, Wheat Thins. |
Comité d'entreprise européen | oui |
Ratios 2023 |
|
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Marge opérationnelle % | 15,28 |
Taux de profit % | 17, 9 |
Taux de solvabilité % | 59, 6 |
Taux de dividende % | 43, 56 |
Fonds roulement net (€) | -6, 6 millions d’euros |
Observatoire des Comptes
Nombre de salariés dans le groupe Mondelez International en Belgique en 2014 par site (en unités)
Firme | Site | Activité | Emploi |
---|---|---|---|
Mondelez Belgium | Malines | siège | 150 |
Mondelez Belgium Services | Malines | siège | 239 |
Mondelez Namur Production | Namur | fromage | 441 |
Mondelez Belgium Manufacturing Services | Herentals | biscuits | 1285 |
Mondelez Belgium Production | Hal | chocolat | 320 |
GROUPE MONDELEZ | Etats-Unis | 2435 |
Source : BNB, Centrale des bilans, 2014.
Historique
D’une échoppe mobile à une multinationale. C’est au début du XXe siècle que commence la longue et complexe histoire de ce qui deviendra, quelques décennies plus tard, l’une des plus grandes multinationales agroalimentaires au monde. James Kraft, jeune entrepreneur, vend du fromage à bord d’une petite échoppe mobile tirée par un cheval dans les faubourgs de Chicago. Très vite, quatre de ses frères le rejoignent. Ensemble, ils créent l’entreprise J.L. Kraft Bros & Co. en 1909. Dès le début, James Kraft mise tout sur les campagnes publicitaires. Il est d’ailleurs l’un des premiers à utiliser la couleur pour ses publicités dans les magazines nationaux.
Boris Fronteddu*
En vue de développer son réseau commercial et de booster ses ventes, l’entreprise déménage à New York [1]. Deux ans plus tard, en 1914, les frères prennent possession d’une entreprise de fromage à Stockton dans l’Illinois. L’entreprise fabrique près de 30 variétés de fromages différents et les vend sur l’ensemble du territoire américain. L’innovation majeure qu’apportent les frères Kraft se situe au niveau du conditionnement du produit. En effet, celui-ci est vendu en boîte et peut donc être conservé plus longtemps. Une invention que le groupe s’empressera de breveter [2].
En 1917, les États-Unis entrent en guerre. Un évènement qui va considérablement faire gonfler les capacités de production de l’entreprise. En effet, J.L. Kraft Bros & Co signe un contrat avec le gouvernement américain pour assurer l’approvisionnement des troupes : la longue conservation du fromage en boîte cadrait parfaitement avec les besoins de l’armée. Ce deal fait bondir le chiffre d’affaires de l’entreprise. En 6 ans, il augmente de 20 millions de dollars pour atteindre 22 millions en 1923.
Cet apport de liquidités va servir au groupe pour acquérir d’autres fabriques de fromage concurrentes. Parallèlement, la compagnie commence à développer son réseau outre-Atlantique en y trouvant des relais pour écouler sa production. Ainsi, Kraft Bros & Co implante ses premières filiales à Londres et à Hambourg. Dans la foulée, l’entreprise est rebaptisée Kraft Cheese Company. Un nom que la compagnie ne conservera que quatre ans. En effet, dès 1928, elle fusionne avec la Phoenix Cheese Corporation qui possède, entre autres, la célèbre marque de fromage frais, Philadelphia.
La fusion donne naissance à la Kraft-Phoenix-Cheese Co. L’entreprise gagne considérablement en capacité de production. Elle contrôle 40% de l’ensemble de la production de fromage aux États-Unis et possède des activités au Canada, en Australie, en Angleterre et en Allemagne. Une force de frappe qui attire les convoitises. À peine deux ans après la fusion, l’entreprise est achetée par un géant de l’agroalimentaire américain, National Dairy Products Corporation (lui-même né de multiples fusions-acquisitions).
Cependant, sous la coupole de National Dairy Products, Kraft jouit d’une indépendance presque totale en matière de gestion.
Forte des fonds pourvus par son nouveau détenteur, l’entreprise lance toute une gamme de nouveaux produits et s’écarte de la production exclusive de fromage pour se diriger vers d’autres produits transformés comme les « Macaroni and cheese Dinner » ou encore la margarine Parkay... Pour soutenir leur lancement, l’entreprise va investir massivement dans les campagnes promotionnelles. L’exemple le plus marquant est sans doute celui du « Kraft Musical Revue ». Il s’agit d’une émission radiophonique de deux heures totalement sponsorisée par l’entreprise.
Au cours de la Deuxième Guerre mondiale, Kraft est à nouveau sollicité pour approvisionner les troupes états-uniennes et leurs alliés. En 1941, près de 2 tonnes de fromage étaient acheminées chaque semaine vers l’Angleterre. Soutenue par le gouvernement US, l’entreprise intensifie la recherche et le développement des méthodes de conservation.
Diversification … à outrance
Après la guerre, l’entreprise, est toujours une filiale de National Dairy Products et est rebaptisée Kraft Foods Company. Cependant, les produits Kraft connaissent un tel succès que National Dairy Products prend le nom de Kraftco Corporations. Quelques années plus tard, en 1976, le groupe change une nouvelle fois de nom et opte pour Kraft, Inc. Le but de la manœuvre est d’étendre un maximum le visuel de la marque Kraft qui était la plus vendue et la plus célèbre du groupe. La multinationale décide également de se concentrer sur les produits préparés, le fromage n’était plus qu’une partie mineure des ventes du groupe. Parallèlement, l’entreprise est réorganisée et se voit divisée en plusieurs entités, chacune étant responsable d’un marché ou du développement d’un produit spécifique.
En 1980, Kraft, Inc. fusionne avec l’entreprise américaine de produits chimiques, de plastiques et d’emballage Dart Industries, Inc. Cette dernière possède des marques telles que les batteries Duracell ou les ustensiles Tupperware. L’entreprise prend le nom de Dart & Kraft Inc. Cependant, malgré ces changements de girons successifs, Kraft conserve toujours une grande indépendance managériale.
Bien que le groupe poursuive sa politique de diversification via des acquisitions telles que le fabricant d’ustensiles culinaires Hobart pour 460 milliards dollars, Dart & Kraft Inc. assiste à un ralentissement des ventes. Celle-ci est en grande partie due à la crise économique des années 80.
Pour y faire face, l’entreprise décide de se séparer des marques qu’elle ne juge pas assez rentables. En particulier en Europe où certaines gammes de produits peinent à s’imposer sur un marché déjà saturé. Le but de la manœuvre est d’acquérir des produits en pleine croissance et d’accroitre les gammes de ses propres produits « phares ». C’est dans ce cadre que Kraft prend successivement possession de marques en pleine expansion telles que les bagels Lender et la fabrique de crème glacée Frusen Glädje. Pour soutenir l’arrivée de ses nouveaux produits sur le marché, le groupe investit massivement dans le marketing et les campagnes promotionnelles mondiales.
Pourtant, cette nouvelle stratégie industrielle ne suffira pas à relancer suffisamment les ventes du groupe. Ces résultats mitigés mèneront à la dissolution du conglomérat Dart & Kraft Inc. Cependant, devenu un véritable géant de l’agroalimentaire, Kraft en sort gagnant.
En effet, l’entreprise conserve toutes les marques acquises au cours des six années passées sous la bannière Dart & Kraft. En outre, le groupe y gagne les batteries Duracell (qu’il revendra en 1988 afin de se focaliser sur le marché de l’agroalimentaire).
Sous le giron d’un cigarettier
Le parcours de Kraft en tant qu’entreprise indépendante sera de courte durée. En 1988, la multinationale du tabac Philip Morris jette son dévolu sur l’entreprise. Le fabricant de cigarettes avance, dans un premier temps, 11,2 milliards de dollars. Kraft rejette l’offre. Philip Morris augmente alors considérablement sa proposition : 13,1 milliards de dollars. Kraft cède et se voit donc absorbé par le cigarettier. Cette acquisition est un véritable tour de force réalisé par Philip Morris. Elle générera un chiffre d’affaires de plus de 15 milliards de dollars. De plus, elle propulse Philip Morris au rang de premier fabricant de biens de consommation au monde devant Unilever [3].
Le but de Philip Morris est de concentrer General Foods, un autre géant américain de l’agroalimentaire, et Kraft, nouvellement acquis. En effet, trois ans auparavant, le cigarettier avait déjà réalisé une spectaculaire entrée dans le monde de l’agroalimentaire en achetant la General Foods (hot-dogs Oscar Meyer, café Sanka,…) pour 5,6 milliards de dollars. La concentration de ces deux leaders de l’alimentaire donne naissance à Kraft General Foods. Cette réunion des centres de décisions et de production permettra à Kraft General d’économiser 400 millions de dollars. Il s’agit de la plus grande entreprise agroalimentaire des États-Unis et de l’une des plus puissantes du monde. Les bénéfices de Kraft General Foods augmentent de près de 40% au cours des deux premières années.
Au début des années 90, Kraft General Foods renforce considérablement son emprise sur le marché européen via l’acquisition de la compagnie suisse Suchard Jacobs pour 4,2 milliards de dollars. Il s’agit du leader européen sur le marché du café et des confiseries. Le groupe met alors la main sur des marques en plein essor telles que les barres chocolatées Milka, Toblerone et Côte d’Or ou encore les cafés Carte Noire et Grand-mère.
Grâce aux larges financements débloqués par Philip Morris et via sa nouvelle filiale Suchard Jacobs, Kraft General Foods se lance dans une vaste campagne d’acquisitions. La multinationale profite, de plus, de l’ouverture de nouveaux marchés, conséquence de la chute du Mur de Berlin. Son acquisition la plus notable durant cette période est celle de Freia Marabou, le plus grand confiseur de Scandinavie.
Cependant, la croissance européenne du groupe s’accompagne d’une stagnation du chiffre d’affaires sur le marché américain. Les campagnes préventives contre les dangers sanitaires d’une alimentation trop grasse et trop salée ralentissent sensiblement les ventes du groupe. En conséquence, le groupe supprime 300 produits et rabote le salaire de près de 1000 employés.
Pour réorganiser sa structure mondiale, il met en place une subdivision « Marketing Services ».
Le but de cette cellule est de coordonner les activités mondiales pour redéfinir sa stratégie globale. Un an plus tard, le groupe supprime 14 000 emplois et ferme 40 sites de production.
En 1993, le groupe concentre ses plus importantes filiales européennes en une entité unique : Kraft Jacobs Suchard A.G. Il réalise la même opération pour ses activités nord-américaines et les regroupe sous la coupole Kraft Foods Inc. Cette dernière devient la plus puissante filiale agroalimentaire du groupe Philip Morris.
Dans le même temps, le groupe vend sa ligne de production de crèmes glacées à Unilever pour 215 millions de dollars et sa marque de légumes surgelés BirdsEye à la compagnie Dean Foods pour 140 millions de dollars.
Cependant, les résultats de Kraft General Foods ne sont toujours pas aussi spectaculaires que le voudraient ses actionnaires.
Se débarrasser des moins bonnes, acheter les meilleures
À partir de la moitié des années 90, Kraft General se lance donc dans une nouvelle campagne de désinvestissement en vue de rationaliser sa production. Le groupe continue de céder les marques qu’il ne juge pas assez rentables ou qui ne cadrent plus avec sa volonté de recentrer sa production sur ses produits « phares ». Dans le même temps, le groupe acquiert de nouvelles marques prometteuses comme, par exemple, une filiale de la chaîne de fast-food américaine Taco Bell. Une stratégie qui portera ses fruits puisque la marge bénéficiaire du groupe (ce que l’entreprise gagne sur chaque produit vendu) aura augmenté de 12% en trois ans. Le groupe réalise également un juteux contrat avec la chaîne américaine de café Starbucks Coffee. Kraft General commercialise les graines de café de la chaîne pour l’usage industriel et en assure la distribution.
Cependant, la pression des autorités publiques et des associations de consommateurs se fait de plus en plus pressante. Ils accusent les géants de l’agroalimentaire dont Kraft est le plus puissant symbole aux États-Unis d’être responsables de l’augmentation fulgurante de l’obésité dans le pays. Le groupe se défendra en pratiquant un lobbying intense et en lançant de vastes campagnes de « contre-information ». À titre d’exemple, la plateforme « Guest Choice Network », créée en 1995 est financée à hauteur de 600.000 dollars par Philip Morris. L’organisation s’attaquait « aux radicaux de l’alimentation » et s’employait à déconstruire les « mythes de l’obésité » [4]. Kraft General comprend la nécessité de pénétrer le marché avec des produits qui se positionnent comme « sains ». Il acquiert donc successivement Balance Bar Energy et les hamburgers végétariens à base de soja Boca Burger.
À la même époque, Philip Morris achète la compagnie agroalimentaire Nabisco Holdings, (ancienne filiale du cigarettier R.J. Reynolds Tobacco) pour 14,1 milliards de dollars. Philip Morris couple Nabisco et Kraft General qui met dès lors la main sur des marques telles que Ritz ou Oreo.
En 2001, Philip Morris met en vente 16,1% des parts du capital de Kraft Foods et garde le reste. Il s’agit de l’une des plus grandes entrées en bourse de l’histoire des États-Unis.
Philip Morris en tirera près de 9 milliards de dollars qu’il utilisera pour régler la dette de Nabisco nouvellement acquis. Dans le même temps, le groupe continue sa campagne de désinvestissement en se débarrassant de plusieurs marques jugées « secondaires » acquises au cours de nombreuses fusions acquisitions [5].
Concernant sa stratégie industrielle en ce début de millénaire, Kraft General se concentre sur quatre axes principaux : se focaliser sur les secteurs en croissance, accroître sa présence au sein des pays émergents, accroître sa présence dans le secteur du « prêt-à-manger » et accroître sa marge bénéficiaire [6].
À la même époque, Kraft General ainsi que d’autres grands fabricants de produits chocolatés comme Mars, Hershey, Nestlé et Barry-Callebaut font face à de vives critiques de la part de la société civile concernant les conditions de travail particulièrement difficiles dans les exploitations de cacao. Sous la pression médiatique, ils signent le protocole « Harkin-Engel » qui engage ses signataires à éliminer les « pires formes » de travail infantile dans les plantations cacaoyères d’ici 2005. Or, force est de constater que malgré ces « engagements », le problème persiste et s’est même aggravé [7]. D’après les chiffres de l’Organisation Internationale du Travail (OIT), 820.000 enfants travaillaient dans les exploitations de cacao en 2009. Parmi ceux-ci, 260.000 étaient toujours soumis à un travail forcé [8].
Ruée sur les champions européens
Sous la pression des actionnaires, Philip Morris (Altria Group [9]), décide, en 2007, de se séparer de Kraft pour se concentrer uniquement sur la fabrication de cigarettes. Le groupe se défait de l’ensemble de ses parts dans Kraft pour les céder à ses actionnaires. Ainsi, pour chaque action Altria, les actionnaires reçoivent 0,7 action Kraft. Cette décision devrait permettre aux deux groupes « d’augmenter leur capacité d’endettement respective » [10].
Peu après la séparation avec Philip Morris, Kraft acquiert la ligne de biscuiterie de la multinationale française Danone (dont les biscuits Lu) pour 7 milliards de dollars [11]. Le groupe prend ainsi possession de la plus grande fabrique de biscuits d’Europe située à Herentals en Flandre.
Cependant, le ralentissement économique global causé par la crise économique de 2008 mène le groupe à lancer un nouveau plan de restructuration à hauteur de 3,1 milliards dollars. À terme, il conduira à la suppression de 19.000 emplois et à la fermeture de 36 filiales.
Un an plus tard, Kraft tente l’une des acquisitions les plus importantes de son histoire. Le groupe lorgne sur le géant britannique de la confiserie : Cadbury (Carambar, Hollywood chewing-gum, Dairy Milk, …)
Il lance une OPA [12] hostile sur Cadbury pour 11,7 milliards d’euros. La direction de Cadbury rejette l’offre de Kraft qu’elle estime « sous-évaluée ». De plus, Kraft n’est pas seul à vouloir prendre possession du « chocolatier de la Couronne ».
Nestlé et Hershey (qui s’était lié avec Ferrero pour l’occasion) sont également sur le coup. Pour se débarrasser de la concurrence, Kraft propose à Nestlé de lui vendre sa marque de pizzas surgelées « Digiorno » pour 3,7 milliards de dollars s’il renonce à lancer une OPA sur Cadbury. Nestlé accepte l’offre et Kraft devient le candidat principal à l’acquisition de Cadbury. De là, Kraft peut ainsi gonfler le montant de son OPA à 13,6 milliards d’euros. En 2010, la direction de l’entreprise anglaise cède de manière unanime. Cette offre permet, d’une part, à Cadbury de pénétrer sur le marché américain, et, d’autre part, à Kraft de consolider sa présence dans les marchés émergents que Cadbury a depuis longtemps conquis (principalement le Brésil, l’Inde, la Chine, la Russie et le Mexique) [13].
Les syndicats avaient manifesté leurs craintes quant à l’effet négatif que pourrait avoir une telle concentration de la production sur l’emploi. En effet, quelques jours après l’absorption du confiseur britannique par Kraft, le groupe annonce la fermeture de l’usine de Somerdale, près de Bristol. Cadbury délocalise le site en Pologne, dans un complexe pour lequel il a investi 113 millions d’euros [14].
À la même époque, Kraft signe un contrat préférentiel avec le géant du cacao suisse Barry-Callebaut. Ce dernier assurera, en grande majorité, l’approvisionnement mondial de Kraft en cacao (environ 80.000 tonnes annuelles). Kraft concentre donc près de 6% des ventes du producteur suisse. Un deal qui lui permet d’harmoniser ses sources d’approvisionnement pour ses nombreux produits chocolatés [15].
Coupez la poire en deux
Avec l’acquisition récente de Cadbury, la direction générale de Kraft annonce une réorganisation mondiale de la structure de l’entreprise. Devenu trop grand et trop diversifié, le groupe craint de ne pas avoir suffisamment de marge de manœuvre pour opérer des changements de politique industrielle coordonnés.
C’est pourquoi, deux ans après l’acquisition de Cadbury et sous la pression des actionnaires, Kraft est scindée en deux entreprises distinctes. Une entreprise prend le nom de Kraft Foods Group. Celle-ci regroupe tous les produits vendus en Amérique du Nord. L’autre se nomme Mondelez et englobe tous les produits snacks et confiseries commercialisés hors Amérique du Nord. Les deux entreprises sont cotées séparément en bourse. La capitalisation boursière de Mondelez représente, à elle seule, 36 milliards de dollars contre 18,4 milliards pour Kraft Foods Group.
Mondelez est donc la plus grosse structure née de cette séparation puisque 65% des activités du groupe se situent en dehors des frontières nord-américaines. Les actionnaires du groupe percevront un titre Kraft Foods Group et trois titres Mondelez [16].
La scission s’accompagne d’une vague de licenciements : 1.600 postes seront supprimés aux États-Unis. Le secteur de la vente sera le plus touché puisque 40% des effectifs passent à la trappe.
Cette division devrait permettre au groupe de mieux spécialiser sa gestion et son management en fonction du marché qu’il vise. Il donne également l’opportunité aux actionnaires de choisir entre le marché à forte croissance de Mondelez et le marché plus stable, mais à croissance quasi nulle des activités nord-américaines.
Dès sa création en tant qu’entreprise indépendante, Mondelez se focalise sur un objectif principal : poursuivre sa conquête des marchés émergents (qui représentent déjà 44% de ses ventes) [17]. Une stratégie qui porte ses fruits, en grande partie grâce aux réseaux acquis via Cadbury, et permet au groupe de réaliser une augmentation de 10% de son chiffre d’affaires en seulement deux ans.
Mise en place du nouveau géant : restructurations et licenciements
Cependant, les dividendes ne sont pas à la hauteur des espérances des actionnaires. En réponse, Mondelez lance un plan de rationalisation de sa production. Le groupe supprime 4.000 emplois et ferme des filiales dans le domaine de l’approvisionnement, du service client et de la logistique [18]. Pourtant, la même année, le groupe réalise un chiffre d’affaires de 25 milliards d’euros.
En 2013, pour la première fois depuis la scission de Kraft en deux entités distinctes, les ventes mondiales ralentissent. C’est pourquoi, sous la pression de l’actionnaire activiste Nelson Peltz, Mondelez annonce un nouveau plan de restructuration à hauteur de 3,5 milliards de dollars. Celui-ci devrait s’étendre jusqu’à 2018. Cette annonce fait bondir la valeur de l’action Mondelez de 8,2% pour atteindre son niveau le plus haut depuis la séparation avec Kraft [19]. La restructuration devrait permettre à Mondelez de réduire ses coûts de 1,5 milliard de dollars d’ici la date butoir du plan. En parallèle, le même actionnaire, Nelson Peltz, fait également pression pour mener Mondelez à fusionner avec un autre géant de l’agroalimentaire : Pepsico (détenteur de marques comme les chips Lay’s ou le soda Pepsi) dont il est également actionnaire [20].
Pour atténuer l’effet du ralentissement des ventes de ses snacks et sucreries, Mondelez mise sur le café. L’entreprise crée donc un nouveau conglomérat en fusionnant sa division de café (Jacobs, Carte Noire, Tassimo,…) avec l’entreprise Douwe Egberts Master Blenders (qui détient des marques telles que Senseo, l’Or, Douwe Edgberts,…). Ce nouveau géant prend le nom de Jacobs Douwe Egberts et génère un chiffre d’affaires annuel de plus de 7 milliards de dollars. Au terme de la fusion, Mondelez possède 49% des parts du nouveau conglomérat basé aux Pays-Bas. La stratégie de Mondelez est de continuer à racheter des parts dans la nouvelle compagnie afin d’être en mesure, à terme, de dépasser le leader mondial du café : Nestlé [21].
Concernant ce début d’année 2015, Mondelez et Kraft se retrouvent, à nouveau, sous le feu des critiques. Les deux groupes sont poursuivis par l’agence de contrôle des marchés financiers américains (la Commodity Futures Trading Commission) pour avoir manipulé le cours du blé. En effet, les deux entreprises ont acheté l’équivalent de 90 millions de dollars de blé (soit six mois d’approvisionnement) sans avoir l’intention de l’utiliser ni de se le faire livrer. Le but de ce tour de passe-passe est d’attendre que les prix grimpent pour ensuite revendre massivement le stock accumulé.
En inondant le marché d’offres, les prix baissent alors brutalement. L’organisme de contrôle réclame une amende de 16 millions de dollars au groupe soit le triple des bénéfices engrangés par les deux entreprises grâce à cette opération [22]. Dans le même temps, Mondelez et Kraft ont été épinglés par l’ONG européenne Corporate Europe Observatory pour pratiquer un lobby intense auprès des instances européennes en vue de faciliter l’entrée sur le Vieux Continent des OGM non approuvés par l’Agence sanitaire européenne. En effet, par le biais du groupe de pression Food and Drink Europe, les deux entreprises jouent un rôle très actif pour faire avancer les négociations concernant le « Traité Transatlantique » visant à établir un vaste espace de libre-échange entre les États-Unis et l’Union européenne [23].
*Chercheur Gresea
Fronteddu, Boris, "Mondelez", Gresea, juin 2015, texte disponible à l’adresse : http://www.mirador-multinationales.be/secteurs/agro-alimentaire/article/mondelez-kraft
[1] La Libre du 12/08/2012, http://www.lalibre.be/economie/actualite/kraft-foods-a-bati-son-empire-sur-le-fromage-51b8ef61e4b0de6db9c78e01
[2] Massachusetts Institute of Technology, http://web.mit.edu/allanmc/www/kraftfoods.pdf
[3] Los Angeles Times du 30/10/1988, http://articles.latimes.com/1988-10-31/news/mn-339_1_philip-morris
[4] Reuters, Special report : How Washington went soft on childhood obesity, 27/04/2012, http://www.reuters.com/article/2012/04/27/us-usa-foodlobby-idUSBRE83Q0ED20120427
[5] Reference for business, A company history : Kraft Foods, http://www.referenceforbusiness.com/history2/50/Kraft-Foods-Inc.html
[6] Siegert L., Sustainable development approach in the food and beverage industry. À comparison between Nestlé and Kraft Foods Inc., pp. 4-5, 2014
[7] CNN, Chocolate industry responds, 17/01/2012 http://thecnnfreedomproject.blogs.cnn.com/2012/01/17/chocolate-industry-response/
[8] Déclaration de Berne, Chocolat : un arrière-gout d’exploitation, 2012, http://cms.unige.ch/isdd/IMG/pdf/Fiche_consommation_chocolat_1.pdf
[9] Philip Morris est rebaptisé Altria Group en 2003.
[10] La Tribune du 01/02/2007, http://www.latribune.fr/archives/2007/IDA3616EA0E98EB1F6C125727400615534/altria-se-separe-le-30-mars-de-sa-filiale-alimentaire-kraft.html
[11] Encyclopaedia Britannica, Kraft Foods Inc., 2014, http://www.britannica.com/EBchecked/topic/323132/Kraft-Foods-Inc
[12] Offre publique d’achat
[13] Wall Street Journal du 04/08/2011, http://blogs.wsj.com/deals/2011/08/04/the-long-strange-history-of-kraft-foods/
[14] Belwatch GRESEA, Fait du prince : Kraft avale Cadbury, 03/02/2010, http://www.gresea.be/spip.php?article182
[15] L’Expansion du 26/01/2010,http://lexpansion.lexpress.fr/actualite-economique/kraft-cadbury-le-yankee-et-la-chocolaterie_844489.html
[16] Usine Nouvelle du 16/08/2012,http://www.usinenouvelle.com/article/le-conseil-d-administration-de-kraft-foods-valide-la-scission.N180285
[17] The Economist du 15/12/2012,http://www.economist.com/news/special-report/21568064-food-companies-play-ambivalent-part-fight-against-flab-food-thought
[18] Chicago Tribune du 07/05/2014,http://articles.chicagotribune.com/2014-05-07/business/chi-mondelez-job-cuts-20140507_1_trian-fund-management-d-e-master-new-company
[19] Chicago Tribune du 08/05/2012,http://articles.chicagotribune.com/2014-05-08/business/ct-mondelez-restructuring-0508-biz-20140508_1_d-e-master-blenders-ceo-irene-rosenfeld-coffee-business
[20] Le Monde du 07/05/2014,http://www.lemonde.fr/economie/article/2014/05/07/les-biscuits-lu-ebranles-par-la-creation-du-numero-un-mondial-du-cafe_4412945_3234.html
[21] Chicago Tribune du 07/05/2014,http://articles.chicagotribune.com/2014-05-07/business/chi-mondelez-earnings-20140507_1_d-e-master-blenders-coffee-company-coffee-business
[22] Usine Nouvelle du 02/04/2015,http://www.usinenouvelle.com/article/le-fabricant-des-biscuits-oreo-accuse-de-manipulation-des-cours-du-ble.N322820
[23] Corporate Europe Observatory, 22/05/2013, http://corporateeurope.org/trade/2013/05/open-door-gmos-take-action-eu-us-free-trade-agreement
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