Mot en trois lettres, sigle fétiche de la presse financière, inusité dans la langage courant. Ce pourrait être sa définition dans une grille de mots croisés. Le FMI
FMI
Fonds Monétaire International : Institution intergouvernementale, créée en 1944 à la conférence de Bretton Woods et chargée initialement de surveiller l’évolution des comptes extérieurs des pays pour éviter qu’ils ne dévaluent (dans un système de taux de change fixes). Avec le changement de système (taux de change flexibles) et la crise économique, le FMI s’est petit à petit changé en prêteur en dernier ressort des États endettés et en sauveur des réserves des banques centrales. Il a commencé à intervenir essentiellement dans les pays du Tiers-monde pour leur imposer des plans d’ajustement structurel extrêmement sévères, impliquant généralement une dévaluation drastique de la monnaie, une réduction des dépenses publiques notamment dans les domaines de l’enseignement et de la santé, des baisses de salaire et d’allocations en tous genres. Le FMI compte 188 États membres. Mais chaque gouvernement a un droit de vote selon son apport de capital, comme dans une société par actions. Les décisions sont prises à une majorité de 85% et Washington dispose d’une part d’environ 17%, ce qui lui donne de facto un droit de veto. Selon un accord datant de l’après-guerre, le secrétaire général du FMI est automatiquement un Européen.
(En anglais : International Monetary Fund, IMF)
alias Fonds
Fonds
(de placement, d’investissement, d’épargne…) : société financière qui récolte l’épargne de ménages pour l’investir ou le placer dans des produits financiers plus ou moins précis, parfois définis à l’avance. Il existe des fonds de pension, des fonds de placement, des fonds de fonds qui sont proposés à tout un chacun. En revanche, les hedge funds (fonds spéculatifs) et les private equity funds sont réservés à une riche clientèle.
(en anglais : fund)
monétaire international – siège : New York – ne figure pas exactement parmi nos objets familiers.
Alors, pour faire court, portrait photomaton. Né en 1947 à l’entame d’une guerre froide qui ne cessera de le caractériser, le FMI a pour mission principale, à l’instar de la Banque mondiale
Banque mondiale
Institution intergouvernementale créée à la conférence de Bretton Woods (1944) pour aider à la reconstruction des pays dévastés par la deuxième guerre mondiale. Forte du capital souscrit par ses membres, la Banque mondiale a désormais pour objectif de financer des projets de développement au sein des pays moins avancés en jouant le rôle d’intermédiaire entre ceux-ci et les pays détenteurs de capitaux. Elle se compose de trois institutions : la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD), l’Association internationale pour le développement (AID) et la Société financière internationale (SFI). La Banque mondiale n’agit que lorsque le FMI est parvenu à imposer ses orientations politiques et économiques aux pays demandeurs.
(En anglais : World Bank)
, d’être le gendarme de l’économie de marché
Marché
Lieu parfois fictif où se rencontrent une offre (pour vendre) et une demande (pour acheter) pour un bien, un service, un actif, un titre, une monnaie, etc. ; un marché financier porte sur l’achat et la vente de titres ou d’actifs financiers.
(en anglais : market)
et d’en promouvoir l’extension mondiale.
Le Vatican de la dérégulation
Dérégulation
Action gouvernementale consistant à supprimer des législations réglementaires, permettant aux pouvoirs publics d’exercer un contrôle, une surveillance des activités d’un secteur, d’un segment, voire de toute une économie.
(en anglais : deregulation).
Illustrons. A un moment où cette économie de marché exige la destruction des systèmes de sécurité sociale en Europe (et de la solidarité entre travailleurs qui les sous-tend), ce sont les rapports du FMI et de la Banque mondiale, rappelle Julien Duval son livre "Le mythe du trou de la sécu" (2007), qui y apportent une caution "scientifique" [1].
Ce n’est pas un exemple isolé. En 2003, dans son rapport annuel sur l’économie mondiale, le FMI juge qu’un haut taux de syndicalisation constitue en Europe un frein à la croissance
Croissance
Augmentation du produit intérieur brut (PIB) et de la production.
(en anglais : growth)
et à l’emploi, car il contribue à maintenir les "rigidités" du marché de l’emploi [2]. En 2004, le FMI en appelle aux dirigeants de l’Union européenne
Union Européenne
Ou UE : Organisation politique régionale issue du traité de Maastricht (Pays-Bas) en février 1992 et entré en vigueur en novembre 1993. Elle repose sur trois piliers : les fondements socio-économiques instituant les Communautés européennes et existant depuis 1957 ; les nouveaux dispositifs relatifs à la politique étrangère et de sécurité commune ; la coopération dans les domaines de la justice et des affaires intérieures. L’Union compte actuellement 27 membres : Allemagne, Belgique, France, Italie, Luxembourg, Pays-Bas (1957), Danemark, Irlande, Royaume-Uni (1973), Grèce (1981), Espagne, Portugal (1986), Autriche, Finlande, Suède (1995), Chypre, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Malte, Pologne, Slovaquie, Slovénie, Tchéquie (2004), Bulgarie, Roumanie (2007).
(En anglais : European Union)
pour qu’ils œuvrent à "libéraliser le marché du travail et à allonger la durée du travail dans la zone euro" [3]. En 2007 ; lorsque Gordon Brown s’apprête à remplacer Anthony Blair à la tête du gouvernent britannique, le FMI l’enjoint de réduire les dépenses publiques [4]. Et, début 2008, c’est à nouveau le FMI qui monte aux barricades, aux côtés de l’OCDE
OCDE
Organisation de Coopération et de Développement Économiques : Association créée en 1960 pour continuer l’œuvre de l’Organisation européenne de coopération économique (OECE) chargée de suivre l’évolution du plan Marshall à partir de 1948, en élargissant le nombre de ses membres. A l’origine, l’OECE comprenait les pays européens de l’Ouest, les États-Unis et le Canada. On a voulu étendre ce groupe au Japon, à l’Australie, à la Nouvelle-Zélande. Aujourd’hui, l’OCDE compte 34 membres, considérés comme les pays les plus riches de la planète. Elle fonctionne comme un think tank d’obédience libérale, réalisant des études et analyses bien documentées en vue de promouvoir les idées du libre marché et de la libre concurrence.
(En anglais : Organisation for Economic Co-operation and Development, OECD)
, pour inviter lors d’une conférence de presse conjointe les chefs d’État européens à rendre "les marchés du travail plus flexibles" [5]. On peut multiplier. C’est une constante. Gendarme du marché libre. Le "Vatican" du capitalisme
Capitalisme
Système économique et sociétal fondé sur la possession des entreprises, des bureaux et des usines par des détenteurs de capitaux auxquels des salariés, ne possédant pas les moyens de subsistance, doivent vendre leur force de travail contre un salaire.
(en anglais : capitalism)
.
Il y a une alternative ? Au moment où Dominique Strauss-Kahn prenait la tête du FMI, usant de son passe-droit (poste réservé à un Européen), sept États latino-américains mettaient en place la Banco del Sur, une sorte d’anti-FMI. Cela commençait mal. D’autant que la Russie (qui lui avait opposé son propre candidat, un économiste "soviétique"), a appelé, en juin 2007, à la création d’une "nouvelle architecture financière mondiale" [6]– et qu’on a entendu un Jacques Sapir, fin connaisseur de la géopolitique s’il en est, affirmer que "la Russie redevient dans les faits une alternative crédible à l’Occident en matière de stratégie de développement économique et industriel" [7]. Sale temps pour le FMI. Des nouvelles alliances, de nouveaux rapports de forces se dessinent... Nouvelles alliances ? Voir "Coalitions d’États du Sud – Retour de l’esprit de Bandoung ?", 2007, une édition Syllepse-Cetri-Gresea. |
Et pas seulement en Europe, pas seulement dans les pays riches. Si le FMI a acquis une certaine "popularité", si son nom apparaît régulièrement dans la dénonciation des forums sociaux mondiaux, c’est en raison de son rôle dans le Tiers-monde.
Là, aussi, brossons à grands traits. Là, ce sont les programmes d’ajustements structurels, ces dispositifs par lesquels le FMI, en tant que prêteur mondial, a imposé aux États exsangues du Sud, en contrepartie des fonds avancés, des cures d’amaigrissement drastiques. Réduction des impôts, des dépenses publiques et des départements sociaux dans tous les domaines essentiels au bien-être des populations, santé, éducation, services publics, à privatiser, SVP.
C’est l’arme de la dette. Elle est redoutable et, peut-être, mal connue dans ses ressorts décisifs. Dans ses "Confessions d’un tueur à gages économique" [8], en effet, John Perkins laisse entendre, pour en avoir été un des agents, que l’endettement des pays du Sud est le résultat d’une politique délibérée de recolonisation, d’une guerre économique dont les rouages n’ont rien à envier aux pratiques mafieuses.
Les missions de Perkins en Indonésie, au Panama et en Colombie ? Sous couvert de société-écran et avec l’appui du FMI, tête de pont des intérêts
Intérêts
Revenus d’une obligation ou d’un crédit. Ils peuvent être fixes ou variables, mais toujours déterminés à l’avance.
(en anglais : interest)
des États-Unis : monter des projets de coopération clé sur porte qui ne visait qu’à une chose, endetter le pays cible, non en vue d’un remboursement illusoire, mais pour le rendre à jamais ligoté aux politiques impériales des États-Unis.
Le système est imparable. Enfin, presque. Car cela ne "marche" que si les pays ciblés restent des "clients" du FMI. Ils le sont de moins en moins.
Arroseur arrosé…
Depuis 2006, le FMI est dit "en crise". L’Argentine, le Venezuela, la Brésil, la Russie ont claqué la porte. Ils ont remboursé. Le stock
Stock
Sous sa forme économique, c’est l’ensemble des avoirs (moins les dettes) d’un acteur économique à un moment donné (par exemple, le 31 décembre 2007). Ce qui sort ou qui entre durant deux dates est un flux. Le stock dans son sens économique s’oppose donc au flux. Sous son interprétation comptable, le stock est l’ensemble des marchandises achetées qui n’ont pas encore été produites ou dont la fabrication n’a pas été achevée lors de la clôture du bilan ou encore qui ont été réalisées mais pas encore vendues.
(en anglais : stock ou inventory pour la notion comptable).
de prêts du FMI a fondu de 81 milliards, en 2004, à 12 milliards en 2007, dont 75% pour la seule Turquie, un pays qui n’ignore pas que les pieds du colosse sont désormais en argile : son budget 2008 – une première – fait fi de la tutelle du FMI. [9] La confirmation est venue début 2008. Le ministre de l’Economie Mehmet Simesk a jugé que la Turquie n’avait plus besoin des lignes de crédit du FMI, lui faisant ainsi perdre un de ses derniers "clients", avec le Pakistan et le Congo-Kinshasa [10].
C’est gênant. A double titre. Comme toute banque, le FMI vit de ses clients, c’est-à-dire des intérêts qu’il prélève sur ses prêts. Ceux-ci se réduisant comme peau de chagrin, le FMI voit donc ses comptes s’enfoncer dans le rouge et, en décembre 2007, s’est trouvé dans l’inconfortable situation de devoir annoncer une réduction de 15% de son personnel [11]. Pour une institution qui s’est fait une spécialité de faire la leçon aux pays endettés, c’est pour le moins ironique.
Un malheur n’arrive pas seul. Ayant perdu sa fonction de prêteur mondial, le FMI n’est pas loin d’avoir aussi perdu sa raison d’être. Partout, des voix s’interrogent : le FMI a-t-il encore sa place sur la scène internationale ? Ici et là, pour tout corser, d’aucuns remettent en cause sa "légitimité". Le FMI est, pour mémoire, une institution financière sous contrôle des États-Unis (17% des voix) et de l’Europe (32%), de quoi faire rire jaune en Chine (3,7%)...
Même recyclé, un gendarme reste un gendarme
Donc, on – lire : États-Unis et Europe – réfléchit à lui confier un nouveau rôle.
On songe, par exemple, à lui confier un rôle consistant à gendarmer les désordres et "déséquilibres" monétaires mondiaux. Le FMI s’y est essayé, en enjoignant la Chine de réévaluer sa monnaie
Monnaie
À l’origine une marchandise qui servait d’équivalent universel à l’échange des autres marchandises. Progressivement la monnaie est devenue une représentation de cette marchandise d’origine (or, argent, métaux précieux...) et peut même ne plus y être directement liée comme aujourd’hui. La monnaie se compose des billets de banques et des pièces, appelés monnaie fiduciaire, et de comptes bancaires, intitulés monnaie scripturale. Aux États-Unis et en Europe, les billets et les pièces ne représentent plus que 10% de la monnaie en circulation. Donc 90% de la monnaie est créée par des banques privées à travers les opérations de crédit.
(en anglais : currency)
, jugée sous-évaluée par les États-Unis.
C’est naturellement continuer à jouer au garçon de courses de Washington et Pékin ne s’est pas laissé impressionner. Comparée à la monnaie japonaise, de l’avis général [12] jugée sous-évaluée par rapport au dollar à hauteur de 15%, la chinoise, avec une sous-évaluation médiane de 1%, fait d’évidence l’objet d’une pression politique plutôt sélective.
On a aussi pensé lui confier la mission, non moins politique, de gendarmer les "fonds souverains", soit ces banques d’investissements et d’entraide créées par des pays du Sud pour loger leurs immenses réserves d’actifs, quelque 2.200 milliards de dollars à ce jour [13]– qui ont fait du FMI, prêteur en dernier ressort, un machin inutile, superflu et dépassé.
Là, aussi, on s’en doute, le projet paraît voué à l’échec. Le problème du FMI, en un mot comme en cent, est que, sans fonds propres
Fonds propres
Ensemble des fonds représentant ce que l’entreprise possède en propre. Il s’agit essentiellement du capital décomposé en parts de capital (ou en actions) en valeur nominale, d’une part, et des bénéfices réservés accumulés au fil des années d’autre part.
(en anglais : shareholders’ equity)
pour s’imposer, personne n’a besoin de lui, ni de ses "bons conseils". Il est devenu, comme on disait avant, un tigre en papier.