Leçon d’économie amusante. Quoi de plus familier qu’une chope de bière ? On boit, on croit savoir ce qu’on vient d’avaler mais, soudain, magique : la brasserie a disparu ! En Grande-Bretagne, elles disparaissent au rythme de 40 par semaine et, donc, cela peut arriver à tout le monde. Un jour, on se rend comme d’habitude au café et, pffft, il n’est plus là. C’est que la bière est d’abord une marchandise Marchandise Tout bien ou service qui peut être acheté et vendu (sur un marché).
(en anglais : commodity ou good)
et, là, aujourd’hui, elle ne repose plus sur des bases très solides. Le secteur, comme on dit dans le jargon, s’est consolidé. Les gros ont avalé les petits puis les gros se sont avalés entre eux. Interbrew, le basseur belge devenu belgo-brésilien (Inbev) et puis américano-belgo-brésilien (Anheuser-Busch Inbev, ABI ABI Accord Bilatéral d’Investissement : Convention passée entre deux gouvernements pour définir les droits et obligations des deux États à l’égard des investissements étrangers, en général dans un sens facilitant l’implantation étrangère et le libre commerce.
(En anglais : bilateral investment treaty)
pour les intimes) enveloppe de ses tentacules 26% du marché Marché Lieu parfois fictif où se rencontrent une offre (pour vendre) et une demande (pour acheter) pour un bien, un service, un actif, un titre, une monnaie, etc. ; un marché financier porte sur l’achat et la vente de titres ou d’actifs financiers.
(en anglais : market)
mondial, et c’est 50% pour le trio de tête, AIB, Heineken et SABMiller. C’est voir grand et gras. Pour que cela fonctionne, pour en faire une affaire rentable, avec la bière, il faut jouer sur la quantité. C’est que le prix de la chope, pour parler le sabir des économistes, n’est pas très élastique. Les gens ne vont pas la payer à prix d’or. Donc, il faut se rattraper sur la quantité, vendre beaucoup. C’est possible grâce à la consolidation, cela réduit les coûts de production et cela permet de produire beaucoup plus très vite. Sauf qu’il y a un problème, il y a goulet d’étranglement : les brasseries. Le garçon de café ne pourra jamais égaler les gains de productivité Productivité Rapport entre la quantité produite et les ressources utilisées pour ce faire. En général, on calcule a priori une productivité du travail, qui est le rapport entre soit de la quantité produite, soit de la valeur ajoutée réelle (hors inflation) et le nombre de personnes nécessaires pour cette production (ou le nombre d’heures de travail prestées). Par ailleurs, on calcule aussi une productivité du capital ou une productivité globale des facteurs (travail et capital ensemble, sans que cela soit spécifique à l’un ou à l’autre). Mais c’est très confus pour savoir ce que cela veut dire concrètement. Pour les marxistes, par contre, on distingue la productivité du travail, qui est hausse de la production à travers des moyens techniques (machines plus performantes, meilleure organisation du travail, etc.), et l’intensification du travail, qui exige une dépense de force humaine supplémentaire (accélération des rythmes de travail, suppression des temps morts, etc.).
(en anglais : productivity)
obtenus dans l’industrie. Servir dix ou vingt clients, ça va, deux cents, il y a comme une impossibilité physique. On ne peut pas automatiser. Il y a choc entre deux économies. Donc, les brasseries disparaissent. D’une certaine manière, on peut dire que le système mord sa propre queue. Les brasseurs peuvent difficilement se passer des brasseries. L’an dernier, les ventes d’Inbev ont stagné. Croissance Croissance Augmentation du produit intérieur brut (PIB) et de la production.
(en anglais : growth)
zéro. Inbev vit des heures difficiles. Avaler l’Américain Anheuser-Busch lui a coûté en juillet 2008 cinquante-deux milliards de dollars et, pour réduire son endettement, ABI cherche actuellement à en gagner sept... en revendant d’autres brasseries, dans les pays de l’Est. C’est comme ça l’économie, un jeu de Monopoly. En mai 2009, ABI a vendu pour 1,8 milliard Oriental, sa brasserie en Corée du Sud. Il a trouvé preneur auprès du fonds Fonds (de placement, d’investissement, d’épargne…) : société financière qui récolte l’épargne de ménages pour l’investir ou le placer dans des produits financiers plus ou moins précis, parfois définis à l’avance. Il existe des fonds de pension, des fonds de placement, des fonds de fonds qui sont proposés à tout un chacun. En revanche, les hedge funds (fonds spéculatifs) et les private equity funds sont réservés à une riche clientèle.
(en anglais : fund)
spéculatif Kohlberg Kravis Roberts. La crise, ce n’est pas pour tout le monde. De l’argent facile, renflouages publics aidant, voilà qui ne manque pas.


Source : Financial Times des 15 et 16 juin 2009.