Ce samedi 19 décembre 2015, la petite ville de Kellingley, en Grande-Bretagne, sera le théâtre d’une procession funèbre. Les 451 derniers mineurs de la dernière mine profonde de charbon du pays défileront avec leurs femmes et enfants, et anciens camarades "gueules noires", pour marquer d’une pierre noire, le cœur serré, la fermeture définitive de leur mine. Ils étaient 181.000 en 1983, ils n’étaient plus que 65.000 en 1990 – et, donc, plus qu’une grosse poignée aujourd’hui.
La presse financière n’a pas manqué de relever que l’actuel gouvernement Cameron (conservateur) s’est fait fort d’affirmer, sommet climatique de Paris oblige, que plus aucune centrale ne fonctionnera au charbon d’ici à… D’ici à quand ? D’ici à 2025 : la belle affaire ! Et les écolos du réseau Climate Action Network Europe, plus zozos qu’à leur tour, de se féliciter de la fermeture de Kellingley. C’est naturellement passer à côté du fait que l’électricité britannique fonctionne toujours à 25% avec du charbon… mais importé ! pour moitié presque (46%) de Russie [1]. Et que la mort du "Roi Charbon" signe aussi la mort d’une avant-garde syndicale d’une combativité rarement égalée. Là, pour y voir clair, il faut retourner aux années 1970, laisser de côté la presse et ouvrir le livre de Seumas Milne sur l’épopée "Arthur Scargill" [2], le leader syndical à abattre, littéralement, car une tentative d’assassinat ponctuera l’opération de liquidation.
À cela, prosaïquement, une bonne raison. Les mouvements de grève des mineurs, en 1972 (la plus grande depuis 1926) et en 1974, feront tomber le gouvernement d’Edward Heath, prédécesseur de Thatcher. Mieux, la grève épique des mineurs de la NUM (National Union of Mineworkers) de mars 1984 à mars 1985, contre la fermeture des mines, ne fera que réactiver en la rendant plus aiguë ce que Seumas Milne nomme la "panique de classe" qui s’était emparée de l’establishment au début des années 1970 devant la "résurgence de la militance dans le mouvement ouvrier et les défis couronnés de succès posés à la puissance mondiale états-unienne".
La vengeance est un plat qui se mange froid, dit-on. L’opération de destruction de Scargill et de son syndicat attendra cinq ans. Elle n’en sera que plus redoutable, au point que Milne la qualifiera d’opération « anti-subversive » d’une ambition jusque-là inégalée. Qu’on en juge : en 1990, dans sa guerre – il n’y a pas d’autre mot –, Thatcher enrôlera non seulement la presse (de Robert Maxwell, mais le reste embraiera), mais aussi les services secrets britanniques et états-uniens (dont la NSA, célèbre depuis les révélations de Snowden), mais encore les forces spéciales de police (la Special Branch), mais encore les cours et tribunaux, mais encore la Banque nationale d’Angleterre, ainsi que Price Waterhouse – sans compter le parti travailliste (Kinnock) et les appareils syndicaux nationaux (la TUC confédérative) et internationaux (la CISL, Confédération internationale des syndicaux libres, patronnée par les États-Unis, ancêtre de l’actuelle Confédération internationale des syndicats). C’est une véritable machine de guerre. Tous les dirigeants de la NUM sous écoute. Tous leurs transferts bancaires suivis à la trace. Là-dessus, un tsunami de boue médiatique pour ternir le syndicat et déshonorer Scargill au moyen de fausses accusations de corruption : quand l’argent "sale", inventé de toutes pièces, ne venait pas d’Union soviétique, c’était, pire, de la Libye. Mentez, mentez, il en restera toujours quelque chose.
De stèles, en réalité, il ne reste qu’un champ de ruines. Déjà en 1992, le ministre conservateur Hesseltine fermait 31 des 50 des mines qui subsistaient encore. Pour bien démolir un syndicat offensif, il faut démolir le tissu industriel qui lui fait fonction de mère nourricière. Les gouvernements conservateurs et travaillistes l’ont bien compris et s’y sont appliqués, jusqu’à couper les fonds destinés au développement de technologies propres du charbon, la dernière mesure en date en ce sens remontant à cette année, le gouvernement Cameron annulant son appel d’offres d’un milliard de livres (environ 1,4 milliard d’euros) en matière de capture et de stockage du carbone.
La fermeture de la dernière mine de Kellingley, et de toutes celles qui ont précédé, n’a rien à voir avec une politique "climatique de développement durable", encore moins avec une quelconque rationalité économique, que du contraire, la filière charbon était hautement "compétitive" et, pour citer Milne, sa destruction ne fut rien d’autre qu’un acte politique de "vandalisme national". Casser Scargill et son syndicat était à ce prix.
Que faire ? L’interrogation n’est pas neuve. Elle obéit au moment historique qui est le sien. Aujourd’hui, en fil rouge, une énième proclamation de la "mort annoncée" du Système (capitaliste) avec, depuis Seattle, 1999, mettons, voire Porto Alegre, 2001, une salutaire repolitisation des esprits. Elle trouve son expression la plus radicale, et binaire, dans l’opposition entre l’élite du 1% et la masse des 99%. La contestation est cependant plus que jamais désunie et fragmentée, c’est presque sa marque (...)
Dans son tour d’horizon des fondamentaux de l’économie occidentale, titré "Quatre raisons pour craindre que les bons temps touchent à leur fin", John Authers colore les perspectives pour le secteur des pensions d’assez sombres couleurs. Un jeune battant dans la trentaine qui commence à cotiser à un fonds de pension, dit-il, peut s’attendre à travailler sept années de plus pour obtenir la pension attendue. Un exemple parmi d’autres. Et conclut : "Le risque que beaucoup n’arriveront pas, devenus vieux, à (...)
La réduction du temps de travail : essai d’abécédaire - 18/05/2016
Retour de flamme (petit point d’actu). On ne mettra pas sur le compte du hasard que des projets de loi en France socialiste et en Belgique libérale (lois dites El Khomri et Peeters, respectivement, du nom de leur agent ministériel), se soient fait jour quasi de concert. Elles sont parfaitement en phase avec la ligne politique patronale "compétitive" de l’Union européenne, dont la préoccupation majeure, pour ne pas dire obsessionnelle, est de "réformer le marché du travail". Faire travailler plus (...)
La publication des résultats 2015 de Volkswagen n’a pas manqué de faire du bruit. Perte nette sèche de 1,6 milliards d’euros, soit quelque 64 milliards de nos anciens francs belges – et son premier déficit depuis 1993, sa plus grosse perte en 79 années d’existence. C’est comme on dit "suite et pas fin" de la saga du logiciel truqueur (installé sur 11 millions de véhicules, pour mémoire), dont les tracas judiciaires ont obligé le constructeur allemand à provisionner 16,2 milliards d’euros pour débours et (...)