La Wallonie est terre de fer et d’acier. La sidérurgie en a fait une des zones les plus prospères du monde au XIXe et même dans la première moitié du XXe siècle. Elle a créé une des plus anciennes classes ouvrières qui a dû s’arracher pour produire dans des conditions souvent pénibles ces tonnes d’acier qui ont finalement enrichi une poignée de comtes, de vicomtes et de barons. Bref retour sur ce passé fait de gloire et de sang.
Analyse publiée dans le Gresea échos n°69 de mars 2012.
Qu’il est loin le temps où John Cockerill, industriel britannique, émigre avec son père William pour trouver fortune dans la province de Liège ! C’est en 1797. Il ne tombe pas dans un territoire inconnu. Les activités entrepreneuriales de la région doivent lui rappeler son Lancashire natal.
Alors que son père se focalise sur les machines textiles, il va développer ce qui est le premier haut fourneau à coke connu à Liège, en 1821. Ses installations prennent rapidement de l’ampleur avec les commandes passées par le royaume des Pays-Bas, puis avec l’approvisionnement en rails pour le chemin de fer naissant. Bien qu’il meure en 1840, sa société lui survit et devient en 1842 la Société Anonyme John Cockerill. Vers 1850, elle est considérée par beaucoup comme la plus grande usine du monde. La Belgique de l’époque se dresse comme la seconde puissance industrielle de la planète, après la Grande-Bretagne et la métallurgie joue un rôle clé dans cet essor.
Le pays suit les innovations technologiques et transforme ses fabriques de fer en installations sidérurgiques, produisant de l’acier. Mais les firmes wallonnes préfèrent les méthodes Thomas ou Siemens (plutôt que celles de l’inventeur du convertisseur, Henry Bessemer). Celles-ci, introduites dans les années 1860 et 1870, permettent d’employer le minerai plus phosphoreux de la Belgique, du nord de la France et de l’Allemagne, grâce à une injection d’oxygène plutôt que de l’air.
L’acier concentré
Un danger plus grave guette les entreprises belges. Les autres nations constituent des industries de plus en plus monopolisées. Il peut difficilement en être autrement. La sidérurgie est une industrie lourde. Les investissements pour construire des hauts fourneaux, des convertisseurs, des laminoirs coûtent très cher. Seul un petit nombre de capitalistes peut y consacrer les fonds
Fonds
(de placement, d’investissement, d’épargne…) : société financière qui récolte l’épargne de ménages pour l’investir ou le placer dans des produits financiers plus ou moins précis, parfois définis à l’avance. Il existe des fonds de pension, des fonds de placement, des fonds de fonds qui sont proposés à tout un chacun. En revanche, les hedge funds (fonds spéculatifs) et les private equity funds sont réservés à une riche clientèle.
(en anglais : fund)
nécessaires. Les autres sont impitoyablement éliminés de la concurrence.
En outre, à ce moment, le secteur est stratégique. Il approvisionne abondamment un autre domaine primordial de l’époque, celui qui permet le transport terrestre le plus rapide, les chemins de fer. Il est lié aussi à l’armement, qui est à la fois essentiel pour accorder aux États le statut de puissance et, de ce fait, connaît, lui aussi, une belle croissance
Croissance
Augmentation du produit intérieur brut (PIB) et de la production.
(en anglais : growth)
. Certes, les guerres en Europe sont moins nombreuses que lors des siècles précédents, même si le conflit franco-prussien de 1870 déchire les deux grands peuples de l’ancien empire de Charlemagne. En revanche, elles se multiplient sur le pourtour du continent, en Crimée, dans l’empire ottoman, dans les Balkans. Surtout elles se poursuivent avec la colonisation à la fin du XIXe et au début du XXe siècle. Ces facteurs créent des potentats à la tête de vastes conglomérats industriels, influant en coulisse sur le pouvoir politique.
En Lorraine, plusieurs familles, dont les de Wendel [1], mettent la main sur les plus grosses compagnies sidérurgiques. Elles sont à l’origine de Sacilor et de Sollac, qui s’intégreront à Usinor dans les années 80. De son côté, la famille Schneider crée les aciéries du Creusot (en Bourgogne) qui prospéreront jusqu’en 1960 et finiront par une faillite en 1983-1984.
Aux États-Unis, Andrew Carnegie utilise une technique encore plus efficace pour réaliser l’acier et rassemble sous son égide une part croissante de la production américaine qui devient la première du monde. Après plusieurs fusions, il vend en 1901 sa firme au financier Pierpont Morgan qui constitue alors la plus grande société sidérurgique de la planète, l’US Steel. C’est également la firme la plus importante, tous secteurs confondus, la première dont la capitalisation dépasse le milliard de dollars. Elle restera numéro un du secteur jusque dans les années 70, lorsqu’elle se fera dépasser par Nippon Steel.
La fortune des Krupp s’est réalisée au son du canon. Avec trois guerres menées contre la France (1870-1871, 1914-1918 et 1940-1945), la production d’armes était un secteur en pleine expansion, qui devait intéresser l’une des plus puissantes familles allemandes. En 1932, Gustav, le patriarche de l’époque finance la campagne d’Hitler pour accéder au pouvoir et pour le récompenser, celui-ci le nomme président de la Fédération industrielle allemande. Après 1945, les principales sociétés sidérurgiques allemandes sont démantelées pour être reconstituées rapidement au début des années 60. Trois grandes entités en sortent : Thyssen, Krupp et Hoesch. Cette dernière est reprise en 1991 par Krupp. Puis, les deux firmes restantes fusionnent en 1999.
Face à ces regroupements, les firmes belges ne peuvent rester en reste. Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, Cockerill absorbe les Aciéries d’Angleur-Athus, elles-mêmes issues d’un long processus de concentration. Dix ans plus tard, elles s’assemblent avec Ougrée-Marihaye. En 1966, c’est au tour de la Providence, établie à Charleroi, d’être reprise. En 1970, l’Espérance-Longdoz est, à son tour, intégrée. Il n’y a désormais plus qu’un seul réel producteur dans la région de Liège : Cockerill.
Parallèlement, dans l’autre grand bassin sidérurgique, un mécanisme identique est à l’œuvre. Après bien des péripéties, en 1955, est formée la société Hainaut-Sambre. De l’autre côté, les Forges Thy-le-Château, dont les origines remontent à 1763 dans la province de Namur (commune de Walcourt), s’étendent aussi à Charleroi. En 1966, la firme fusionne avec une société dans laquelle elle a pris des participations importantes, les Aciéries et Minières de la Sambre (AMS) pour former TMM (Thy Monceau Marcinelle). En 1979, la nouvelle entité reprend la Providence. Il y a alors trois grandes compagnies sidérurgiques dans la région : Hainaut-Sambre, TMM et la Fabrique de Fer (Fafer, qui appartient à la famille Boël).
Une affaire générale, une affaire de holdings
Ce qui favorise le regroupement entre firmes sidérurgiques est la participation des sociétés financières à la mode belge, à savoir les holdings. A commencer par la Société Générale, cette banque devenue holding
Holding
Société financière qui possède des participations dans diverses firmes aux activités différentes.
(en anglais : holding)
en 1935. Elle commence ses activités métallurgiques exactement un siècle plus tôt. Entre 1835 et 1838, elle entre dans le capital
Capital
Ensemble d’actifs et de richesses pouvant être utilisés pour produire de nouveaux biens ou services.
(en anglais : capital, mais aussi fund ou wealth)
de plusieurs firmes, notamment à Charleroi et à Liège.
Mais c’est dans l’Entre-deux-guerres que la Société Générale assoit son emprise sidérurgique. Déjà actionnaire
Actionnaire
Détenteur d’une action ou d’une part de capital au minimum. En fait, c’est un titre de propriété. L’actionnaire qui possède une majorité ou une quantité suffisante de parts de capital est en fait le véritable propriétaire de l’entreprise qui les émet.
(en anglais : shareholder)
dans les Aciéries d’Angleur qui fusionne avec les Hauts Fourneaux et Aciéries d’Athus en 1927, elle prend successivement des participations dans Hadir, une firme luxembourgeoise, en 1920, dans la Providence en 1924, dans Cockerill en 1927, dans l’Arbed en 1928. Il n’est donc pas étonnant de voir ces sociétés se reprendre ou fusionner : Angleur-Athus avec Cockerill, puis le même ensemble avec la Providence ; et au Luxembourg, où l’Arbed acquiert 50% du capital
Capital
de Hadir en 1965, puis l’absorbe en 1967. L’Arbed fonde une dépendance à Gand, Sidmar, en 1962.
L’autre grand groupe actif dans le secteur est celui de la famille de Launoit [2]. Celle-ci s’articule autour de la Banque de Bruxelles, créée en 1874. Mais, en 1935, elle est obligée comme la Générale de scinder ses activités et de créer un holding spécifique, la Brufina. De même, la filiale sidérurgique, Ougrée-Marihaye, donne naissance à son propre holding, Cofinindus. En 1966, les intérêts
Intérêts
Revenus d’une obligation ou d’un crédit. Ils peuvent être fixes ou variables, mais toujours déterminés à l’avance.
(en anglais : interest)
sont partagés entre Cockerill, dont la famille détient environ 10% après la fusion
Fusion
Opération consistant à mettre ensemble deux firmes de sorte qu’elles n’en forment plus qu’une.
(en anglais : merger)
de 1955 tout comme la Générale, 25% de Thy-Marcinelle et environ 50% d’AMS, ainsi qu’une part minoritaire dans Sidmar. Le groupe est partie prenante de la concentration du secteur. Il fusionnera en 1972 avec le groupe de la famille Lambert pour former le Groupe Bruxelles-Lambert (et la BBL).
Tous les hommes ne sont pas Frère
Un troisième acteur va intervenir dans ce développement, celui qui va devenir le baron Albert Frère. Aujourd’hui considéré par beaucoup comme l’homme le plus puissant de Belgique et de France [3], il ne s’est pas fait tout seul comme une certaine tradition peut lui accorder.
A la fin des années 50, il hérite de l’entreprise familiale qui fabrique des clous dans la région de Charleroi. Il ne fait donc pas partie de l’establishment, mais ce n’est pas un citoyen ordinaire. Il dispose d’un capital de départ. Il va vite en profiter.
En fait, Albert Frère va employer la même méthode qu’un illustre prédécesseur, John Rockefeller : monopoliser un secteur aval pour faire pression sur la branche industrielle amont et racheter petit à petit les firmes présentes. D’abord, il va s’ingénier à concentrer la commercialisation de l’acier carolorégien dans les mains de sa société, les Établissements Frères Bourgeois. Ensuite, il prend progressivement des parts dans les firmes sidérurgiques de la région, en commençant par les Laminoirs du Ruau en 1954. Il va forger une alliance stratégique pour parvenir à ses fins, celle du holding Cobepa. Il s’agit de la filiale belge de la société financière française Paribas [4].
Le procédé de Frère est simple. Il demande une commission fixe sur chaque quantité d’acier vendu. Ainsi, il est peu affecté par les variations des ventes. Il empoche de toute façon son bénéfice. Et avec cet apport, il peut racheter des parts de firmes sidérurgiques, qui, elles, deviennent déficitaires. Tout cela sous le regard bienveillant de Cobepa, qui lui-même est actionnaire de la plus grande société métallurgique de Charleroi, Hainaut-Sambre. Bien vite, Albert Frère en est nommé administrateur, puis vice-président.
Rapidement, il devient incontournable, lorsque l’État belge décide de restructurer complètement la sidérurgie en reprenant à son compte les activités liégeoises et carolorégiennes. Les pouvoirs publics devront payer au prix fort son monopole sur la commercialisation : deux milliards de francs belges (soit environ 500 millions d’euros).
C’est grâce à ces fonds que le milliardaire va mener deux opérations au début des années 80 : la sortie de Cobepa du périmètre de la nationalisation
Nationalisation
Acte de prise en mains d’une entreprise, autrefois privée, par les pouvoirs publics ; cela peut se faire avec ou sans indemnisation des anciens actionnaires ; sans compensation, on appelle cela une expropriation.
(en anglais : nationalization)
et la prise de contrôle du groupe Bruxelles-Lambert. En mai 1981, François Mitterrand accède à la présidence française, à la tête d’une coalition de gauche. Dans son programme, la nationalisation des grandes entreprises financières dont Paribas et certaines multinationales industrielles. Pour l’éviter, la direction de Paribas organise la sortie de deux filiales étrangères de ce processus, celles qui sont les plus lucratives et porteuses d’activités : Paribas Suisse et Cobepa. Il suffit pour cela de réduire la part détenue par le holding central sous la barre des 50%. Dès lors, on vend des actions à de nouveaux investisseurs, dans les rangs desquels on retrouve des alliés traditionnels de la compagnie française, le canadien Paul Desmarais et le belge Albert Frère. Pour ce faire, ces deux hommes reprennent une firme tenue en veilleuse depuis de longues années, Pargesa. Ils en obtiennent le contrôle et c’est cette société qui va devenir l’actionnaire de référence de Paribas Suisse et de Cobepa.
Cette entreprise va se retrouver au centre de la seconde opération : la reprise du contrôle de ce qui est alors le second holding de la Belgique, le Groupe Bruxelles-Lambert. Celui-ci se retrouve en difficulté au début des années 80. Les familles possédantes ne peuvent plus assurer la pérennité de leurs avoirs. Elles cherchent un partenaire et elles le trouvent dans la personne d’Albert Frère.
Ainsi, le pensionnaire de Fontaine-l’Evêque va entrer dans le monde de la finance internationale, en abandonnant la sidérurgie à son sort, avec ses fermetures d’outils et ses pertes d’emploi abondantes. C’est une sorte de phénix moderne, sauf que sa mort et sa résurrection ne sont nullement sans conséquences sur la situation sociale de la région dans laquelle il vit.
La perte de la position monopolistique
Albert Frère n’est pas le seul à avoir tiré parti du déclin progressif de la production d’acier. Les holdings comme la Générale ou la Brufina, voire même ceux mis en place par la famille Boël, ont continué à s’enrichir, alors même que les entreprise sidérurgiques accumulaient des pertes.
Le début de la fin commence peu après la Seconde Guerre mondiale. Deux éléments vont intervenir pour expliquer cette détérioration : d’abord, la réduction de pouvoir du secteur par rapport aux branches clientes dans une société de consommation de masse ; ensuite, la concurrence nouvelle de matériaux améliorant la qualité et la solidité des équipements, voire les nouvelles méthodes permettant de réduire la quantité d’acier nécessaire.
Si au début du siècle US Steel est la plus grande compagnie du monde, si en 1932 Krupp peut choisir le chancelier allemand, il n’en est plus de même après la guerre. Le secteur phare est l’automobile. C’est le président de General Motors, Charles Wilson, qui est nommé secrétaire à la Défense en 1954. C’est lui qui avance cette phrase restée célèbre : « je pense que ce qui est bon pour le pays est bon pour General Motors et vice versa ».
Durant les années 60, GM pratique des prix qu’il fixe lui-même, avec une marge bénéficiaire plus ou moins constante. C’est la plus grande entreprise du monde. Elle impose ses conditions, notamment à ses fournisseurs sidérurgiques. Avec l’avènement des nouvelles méthodes de production venues de Toyota, la pression est encore plus forte, obligeant à une pression permanente sur les coûts, donc sur les prix des sous-traitants.
Cela entraîne des profits moins importants pour les firmes. On en voit un aperçu pour les États-Unis pour lesquels on dispose de données sur longue période.
Graphique. Évolution des bénéfices réels avant impôts dans la métallurgie américaine 1948-2008 (en milliards de dollars)
Source : Bureau of Economic Analysis, National Income and Product Accounts Tables, Corporate Profits Before Tax by Industry, Table 6.17. : http://www.bea.gov/iTable/iTable.cfm?ReqID=9&step=1.
Nous avons ajusté ces données pour tenir compte de l’inflation
Inflation
Terme devenu synonyme d’une augmentation globale de prix des biens et des services de consommation. Elle est poussée par une création monétaire qui dépasse ce que la production réelle est capable d’absorber.
(en anglais : inflation)
et de la dépréciation des produits [5]. D’où l’emploi du terme de bénéfices réels. Jusqu’en 1982, la tendance est à la baisse. C’est certainement le cas des firmes américaines en général, mais pas à ce point et pas depuis le début des années 50. Le secteur sidérurgique perd de cette façon sa position monopolistique, où il pouvait imposer ses prix. Au contraire, il devient de plus en plus dépendant du marché
Marché
Lieu parfois fictif où se rencontrent une offre (pour vendre) et une demande (pour acheter) pour un bien, un service, un actif, un titre, une monnaie, etc. ; un marché financier porte sur l’achat et la vente de titres ou d’actifs financiers.
(en anglais : market)
et réalise quelques années mirobolantes (record de profit en 1974), à côté de nombreuses années de déprime.
Un capital financier déjà parasite
Les holdings vont devoir adapter leur stratégie à partir de ce changement de situation. Albert Frère va mettre au point la perception d’une commission fixe. Les autres groupes disposent d’autres avantages. En effet, ils sont également possesseurs d’entreprises qui livrent des services indispensables aux firmes industrielles dont la sidérurgie.
Ainsi, la Société Générale a tout un arsenal de banques, dont la principale est, bien entendu, la Générale de Banque. Elle est liée aux trois grandes compagnies d’assurances du pays (les AG, la Royale Belge et Assubel). Enfin, à travers sa filiale Tractionel, elle est un acteur fondamental dans la production et la distribution de l’électricité, un domaine dans lequel les pouvoirs publics ne sont guère présents au contraire de pays voisins [6].
Mais le groupe de Launoit n’est pas en reste. Il contrôle une banque, la Banque de Bruxelles (bientôt la BBL). Il est actionnaire dans L’Urbaine et dans Assubel, côté assurances, et participe dans l’autre grande société faîtière de l’électricité de l’époque, à savoir Electrobel.
Et Cobepa est lui-même à la tête d’un groupe assez semblable : une banque : la Banque de Paris et des Pays-Bas (Belgique) ; une participation minoritaire dans Assubel ; c’est le premier actionnaire d’Electrobel.
De cette façon, les holdings peuvent demander des prix fort élevés pour ces services rendus, alors que l’entreprise sidérurgique fait peut-être des pertes. En fait le schéma fonctionne à peu près comme suit.
La société financière contrôle banque, assurance, électricité et firme sidérurgique. Mais, confrontée à une concurrence internationale de plus en plus rude et ayant perdu sa position dominante dans l’industrie, cette dernière se trouve de plus en plus à la peine pour dégager une rentabilité acceptable. Dès lors, le holding se permet de tirer une croix sur les bénéfices que cette entreprise peut récolter. Au contraire, par des prix adaptés, il peut transférer des revenus à ses autres filiales monopolisant des secteurs échappant encore à la pression étrangère (la banque, l’assurance et la production d’électricité). Ce sont ces dernières qui donnent des dividendes au groupe financier.
Bien sûr, une telle stratégie ne peut durer qu’un temps. La compagnie métallurgique gaspille ses fonds à alimenter des sociétés plutôt parasitaires, au lieu de les consacrer à l’investissement
Investissement
Transaction consistant à acquérir des actifs fixes, des avoirs financiers ou des biens immatériels (une marque, un logo, des brevets…).
(en anglais : investment)
ou au perfectionnement de l’outil. Leader planétaire en 1850, Cockerill n’est plus en 1970 qu’une entreprise moyenne, un peu petite pour rivaliser avec les Thyssen, Krupp, Usinor, British Steel et bientôt les japonais, puis les autres rivaux asiatiques. Ses bénéfices sont globalement faibles.
Conclusions
C’est dans ces conditions qu’éclate la crise fin 1973. Au centre du processus industriel, la production d’acier est fortement perturbée en 1974 et 1975. Si elle augmente encore légèrement en 1974, elle chute de 8,5% en 1975.
La récession
Récession
Crise économique, c’est-à-dire baisse du produit intérieur brut durant plusieurs mois au moins.
(en anglais : recession ou crisis)
révèle les carences du secteur. Beaucoup de firmes sont en difficultés. Trop d’investissements dans certains cas, trop de concurrence et surtout trop peu de profits. Les prix s’effondrent. La situation est telle que la Commission européenne, par l’intermédiaire du vicomte Etienne Davignon, chargé de l’industrie, doit intervenir. Elle négociera les fermetures programmées d’outils, de sorte à affaiblir la concurrence et maintenir les prix (et donc les bénéfices). Mais, dans la plupart des cas, dont la Belgique, ces années 70 seront celles de la reprise en main par l’État de ce secteur que le privé n’arrive plus à rentabiliser.