Carte d'identité
Secteur | Distribution |
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Naissance | 1887, fusion en 2015 avec Delhaize |
Siège central | Amsterdam |
Chiffre d'affaires | 88,6 milliards d’euros |
Bénéfice net | 1,9 milliard d’euros |
Effectifs | 402.000 personnes |
Site web | http://www.aholddelhaize.com |
Président | Frans Muller |
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Actionnaires principaux | (mai 2024): Norges Bank (2, 97%), Koninklijke Ahold Delhaize N.V. (1, 72%), State Street (1, 16%), AEGON Investment Management (1, 13%) |
Comité d'entreprise européen | oui |
Ratios 2023 |
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Marge opérationnelle % | 3,21 |
Taux de profit % | 12, 7 |
Taux de solvabilité % | 99, 51 |
Taux de dividende % | 55, 71 |
Part salariale % | 65, 81 |
Taux de productivité (€) | 48.669 |
Fonds roulement net (€) | -4, 15 milliards |
Observatoire des Comptes
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Historique
Ahold : du "super mart" au trucage des comptes
Le 27 mai 1887, Albert Heijn ouvre une petite épicerie à Oostzaan, au nord d’Amsterdam aux Pays-Bas. Un second magasin voit le jour en 1895 à Purmerend. Ce dernier dispose d’un assortiment d’environ 120 articles. En 1899, Albert Heijn déménage à Zaandam avec femme et enfants, il y achète une maison et un entrepôt. La société exploite des magasins à Oostzaan, Purmerend, Alkmaar, La Haye et une boutique de cigares à Amsterdam.
Philippe Van Holsbeke*
Trois ans plus tard, la société compte plus de 10 magasins. Albert Heijn commence sa transformation, de l’épicerie vers le « grand magasin ». La société continuera de s’étendre à travers le pays tout au long de ce début de 20éme siècle. Les nombreuses ouvertures s’accompagneront de la construction en 1913 d’une usine de production de bonbons, de gâteaux et de pâtisseries. La Première Guerre mondiale ralentira quelque peu l’expansion de l’entreprise en raison du contrôle de l’approvisionnement alimentaire par le gouvernement. Seuls quatre nouveaux magasins seront ouverts durant cette période.
Le 29 avril 1920, l’entreprise devient une société anonyme (SA). Albert Heijn en est le président. La société compte environ 75 magasins affiliés. Les premiers magasins franchisés ouvrent dès 1927, augmentant le nombre de points de vente à 107 magasins. Entretemps, la société s’est également pourvue d’une chocolaterie et d’un entrepôt pour l’embouteillage des vins transportés en tonneaux par bateau sur le « Zaan ».
Pour son 50e anniversaire, en 1937, Albert Heijn continue son expansion et termine l’année avec 206 succursales. L’année suivante l’entreprise modernise et agrandit les dépôts et usines de la société.
Durant la Seconde Guerre mondiale, la firme doit à nouveau faire face au rationnement, plusieurs magasins seront détruits dans les bombardements. La fin de la guerre coïncide avec la mort du fondateur de la société.
Le libre service
Albert Heijn décède le 13 novembre 1945. La S.A. Albert Heijn entre en bourse en 1948 et devient la première chaîne d’épicerie du pays. Jusque-là, la société était détenue à 100% par la famille Heijn. Dans la foulée, l’entreprise fait l’acquisition des établissements laitiers Vami (NV Vereenigde Amsterdamsche Melkinrichtingen).
La même année, à l’occasion d’une réunion du conseil d’administration la formule du magasin en libre-service est envisagée. A l’époque, c’est une révolution. Les clients sont désormais invités à se servir eux-mêmes. Il s’agit là d’un bouleversement au niveau de l’organisation du travail, du rapport à la clientèle et à la consommation. La direction décide d’attendre le résultat d’un voyage d’études, sur ce type de magasin, effectué par un des dirigeants de l’entreprise aux Etats-Unis. C’est finalement en 1952 qu’Albert Heijn ouvre son premier magasin en libre-service sur Orange Street à Schiedam. Ce nouveau concept s’étendra aux autres magasins de la chaine dans les années suivantes et aura comme effet l’agrandissement des points de vente pour passer de l’épicerie au supermarché. Le premier supermarché Albert Heijn ouvre ses portes à Rotterdam le 25 mai 1955 et, comme l’avait suggéré le fondateur de la société, est appelé « Super Mart » afin d’évoquer l’idée de l’accessibilité et de l’individualité.
Le centième magasin libre-service ouvre ses portes en 1959. Durant cette période, la société Albert Heijn fait encore l’acquisition d’une biscuiterie et de sociétés laitières, agrandit et multiplie ses dépôts, développe une stratégie de fidélisation de sa clientèle et de formation pour son personnel.
Vers la galaxie Ahold
Entre 1960 et 1970, Albert Heijn se réorganise en cédant quelques sociétés à d’autres groupes. De nouveaux concepts de magasin en partenariat avec d’autres entreprises voient également le jour, c’est le cas notamment avec Shell où les stations-service se voient adjointes d’un « Restoroute ». En partenariat avec Finemos, une entreprise d’investissement immobilier (NV Ahorn) voit également le jour en 1963. Cette même année Albert Heijn développe un réseau de magasins franchisés et une chaine de restaurant fast-food (Wimpy).
Le chiffre d’affaires annuel réalisé en 1970 par les 395 points de vente de l’entreprise Albert Heijn atteint 1 milliard de florins pour une part de marché de 12,7 %. Les sociétés d’exploitation sont maintenant déconnectées les unes des autres afin qu’elles ne constituent plus un risque les unes pour les autres (Albert Heijn Manufacturing NV, Albert Heijn boulangerie et de pâtisserie Industrie NV et NV Albert Heijn supermarché).
Entre 1970 et 1973, la diversification de l’entreprise continue avec notamment la création d’une agence de voyages (AH-Voyage), l’ouverture de magasins de boissons sous l’enseigne Gall & Gall et de cosmétiques sous l’enseigne Etos.
En 1973, suite à la suggestion de Gerrit Jan Heijn petit-fils du fondateur Albert Heijn et administrateur de l’entreprise, le groupe change de nom et devient Ahold (nom complet : Koninklijke Ahold N.V., Koninklijke signifie « royal » en néerlandais). Ahold est une entreprise dont l’activité est centrée sur la grande distribution et le commerce alimentaire. L’entreprise néerlandaise est basée à Amsterdam aux Pays-Bas. Un pays dont les frontières deviennent trop exiguës pour la firme.
C’est donc à l’international que son expansion se poursuit au milieu des années 1970 avec l’ouverture de supermarchés en Espagne et au Portugal et le rachat aux États-Unis du géant Carlisle en 1981. Cette expansion s’est poursuivie au fil des ans en Amérique latine, en Asie et dans les pays d’Europe centrale et orientale développant, par la même occasion, d’autres activités (services alimentaires, restaurants).
Entre 1990 et 2003, Ahold multiplie les acquisitions à un rythme frénétique (Fig 1), notamment aux Etats-Unis et en Espagne (Fig 2.). L’ambition du groupe est de faire concurrence aux géants mondiaux de la distribution que sont Wal-Mart et Carrefour. Pour Pierre Everaert, nommé PDG en 1989, l’objectif du groupe Ahold doit être une croissance annuelle de 10% du bénéfice par action. Son plan de développement prévoit également à l’époque de doubler les bénéfices et les ventes de l’entreprise tous les cinq ans [1].
Fig.1. Acquisitions et cessions de Ahold (par année)
Source : Royal Ahold : A Failure of Corporate Governance - Number of acquisitions https://tippie.uiowa.edu/accounting/mcgladrey/workingpapers/royal_ahold.pdf
Fig.2. Acquisitions majeures entre 1989 et 2001
Source : Royal Ahold : A Failure of Corporate Governance - Ahold’s major acquisitions during 1989-2003 https://tippie.uiowa.edu/accounting/mcgladrey/workingpapers/royal_ahold.pdf
Le dogme des 15%
En 1994, sous Cees van der Hoeven (nommé CEO en 1992), l’objectif de croissance annuelle du bénéfice par action passe de 10 à 15% [2]. Cette politique de versement de dividendes élevés attire l’investisseur, mais contraint l’entreprise et ses travailleurs à obtenir des résultats toujours en progrès.
À son apogée en 2001, Ahold déclare un chiffre d’affaires de 66,6 milliards d’euros pour des profits de 1,1 milliard d’euros. L’entreprise est un réseau de 5.155 magasins répartis dans 27 pays avec près de 250.000 employés.
Derrière le "storytelling" officiel, ce développement externe par fusion et acquisition est mal contrôlé. Entre 1993 et 2001, Ahold fait l’acquisition de 50 entreprises pour un montant total de 19 milliards de dollars [3]. Cette stratégie se solde par une dette gigantesque qui atteindra certaines années l’équivalent de son chiffre d’affaires consolidé. Afin de faire illusion, le management fait le choix du maquillage. Comme il était de coutume dans les grandes multinationales américaines au tournant des années 2000, Ahold prend de plus en plus de libertés avec les règles comptables. Les profits réalisés par des entreprises rachetées sont comptabilisés comme étant de la croissance interne. Les bénéfices liés à la vente de filiales sont considérés comme des profits réalisés par l’activité de l’entreprise. Enfin, des millions d’euros de dette sont "sortis" de la comptabilité [4]. En 2003, le scandale comptable éclate. La presse européenne compare Ahold à Enron. Le 24 février, le cours de l’action Ahold alors numéro 3 mondial de la distribution derrière l’américain WalMart et le français Carrefour, s’effondre et perd en l’espace de 2 jours près de 65 % de sa valeur (Fig.3.). Son patron, Cees van der Hoeven, avoue avoir falsifié les résultats pour près de 1 milliard d’euros entre 1999 et 2002. La société est finalement condamnée en octobre 2004. Pour le cabinet d’audit Deloitte, le système de remises entre les fournisseurs et « US Food Service », filiale de Ahold USA, est très opaque. Initialement estimée à 500 millions de dollars, la surévaluation des profits est finalement chiffrée à 970 millions d’euros.
Fig.3. Performance du cours des actions Ahold.
Source : Royal Ahold : A Failure of Corporate Governance - Ahold’s stock price performance - https://tippie.uiowa.edu/accounting/mcgladrey/workingpapers/royal_ahold.pdf
A la suite de cette condamnation, des mesures draconiennes sont mises en place. Une augmentation de capital de 3 milliards d’euros, des cessions d’actifs pour 2,5 milliards, la diminution de 1 milliard des dépenses d’investissement, la suppression de tout dividende jusqu’en 2006, des économies de coûts de 600 millions... l’électrochoc imposé par les nouveaux dirigeants d’Ahold a le mérite d’écarter la menace immédiate qui pesait sur le groupe de distribution alimentaire, celle d’une crise de liquidités [5]. Étranglé par une dette de plus de 11 milliards d’euros et ébranlé par un scandale financier sans précédent dans le secteur de la distribution, Ahold échappe donc de peu à la faillite. Cependant, cette restructuration a aussi son coût social. Ahold décide de sortir d’Espagne, d’Amérique latine et d’Europe centrale. Le groupe opte pour une sérieuse cure d’austérité. L’objectif est de réinjecter les économies de coûts ainsi réalisées dans la baisse des prix.
En 2012 Albert Heijn fête son 125éme anniversaire. Au mois de mai de cette même année, Albert Heijn lance sa propre page Facebook et se lance dans la vente par internet en faisant l’acquisition de « bol.com ». L’entreprise s’étend en Belgique et investit l’Allemagne.
Une structure en plate-forme
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Ahold et la Belgique
Le 16 mars 2011, le distributeur néerlandais ouvre son premier magasin en Belgique. Situé à Brasschaat, près d’Anvers, le magasin emploie 39 personnes et s’étend sur une superficie de 1.200 m2. Il est approvisionné depuis le dépôt d’Albert Heijn à Tilburg, aux Pays-Bas et est exploité en tant que franchisé sous cette même enseigne. Fin 2012, ils seront six, vingt et un en 2014 et trente-deux en 2015.
En juin 2015, Ahold et Delhaize annoncent la fusion de leurs activités. Cette fusion crée un groupe, appelé Ahold Delhaize, ayant 6.500 points de vente, 375.000 employés et 54,1 milliards d’euros de chiffre d’affaires.
Les actionnaires d’Ahold détiendront 61 % du nouvel ensemble quand ceux de Delhaize en auront 39 %.
Le 16 novembre 2015, Ahold et le Groupe Delhaize annoncent la composition du futur Comité exécutif proposé pour Ahold Delhaize, qui sera opérationnel dès la finalisation de la fusion proposée des deux sociétés.
Le 18 décembre 2015, les deux groupes confirment, par voie de communiqué de presse, leur intention de combiner leurs activités par le biais d’une fusion entre égaux. La société combinée s’appellera Ahold Delhaize.
Pourtant, dès la clôture de la fusion, le Groupe Delhaize sera dissous sans liquidation et cessera d’exister. Le 11 janvier 2016, les détenteurs des deux tranches d’obligations du Groupe Delhaize libellées en euros seront invités à approuver le changement d’émetteur et à consentir à divers amendements techniques liés à la structure juridique résultant de la fusion lors de deux assemblées générales destinées aux détenteurs d’obligations. Malgré les discours convenus, il s’agit bien d’une acquisition de Delhaize par Ahold, et d’un fleuron de l’industrie belge qui passe entre des mains étrangères [6]. Grâce à la fusion, qui s’est clôturée en aout 2016, Ahold Delhaize espère économiser près de 500 millions d’euros en trois ans. Outre les économies d’échelle et les restructurations, la pression est mise sur les fournisseurs du groupe en Belgique pour qu’ils diminuent leur prix… [7]
L’accès au marché mondial est à ce prix.
*ISCO CNE Transcom
Van Holsbeke, Philippe, "Ahold : du "super mart" au trucage des comptes", Gresea, août 2016, texte disponible à l’adresse : http://www.mirador-multinationales.be/secteurs/distribution/article/ahold
[1] Het Financieele Dagblad 9 Sept.1992.
[2] Het Financieele Dagblad 19 Mars 1994.
[3] The Economist du 27 février 2003.
[4] The Economist, idem.
[5] Une crise de liquidité, aussi appelée assèchement de liquidité, se produit lorsqu’il n’y a plus assez d’argent pour honorer ses engagements et assumer les échéances immédiates, autrement dit, ses dettes.
[7] L’Echo du samedi 30 juillet 2016.
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