Plus un jour sans que les oracles des agences de notation
Notation
Classification des actifs (titres, monnaie, prêts...) ou des émetteurs de ceux-ci en fonction du risque de défaut de paiement des revenus et du remboursement de ces actifs ou de la part de celui qui les émet. Cette classification est attribuée par une société privée, appelée agence de notation. Les trois plus importantes sont Fitch Ratings, [Moody’s et Standard & Poor’s. Elles contrôlent l’essentiel des évaluations de risque. Mais le fait qu’elles soient privées et qu’elles aient d’autres départements assurant d’autres fonctions vis-à-vis de leurs clients qu’elles notent pose un très sérieux problème d’indépendance, d’impartialité et finalement de légitimité. Les notations dépendent des sociétés qui les allouent. En général, elles ressemblent néanmoins fortement de la classification suivante, allant de l’actif ou de l’entreprise la moins risquée vers celui ou celle qui l’est le plus : AAA, AA, A, BBB, BB, B, CCC, CC, C.
(en anglais : credit rating).
ne soient relayés par les agences de presse et les chaînes de télévision. Le monde de la notation, malgré une capacité de nuisance évidente, reste encore relativement méconnu.
Nous verrons que depuis leur fondation, les agences de notation
Notation
Classification des actifs (titres, monnaie, prêts...) ou des émetteurs de ceux-ci en fonction du risque de défaut de paiement des revenus et du remboursement de ces actifs ou de la part de celui qui les émet. Cette classification est attribuée par une société privée, appelée agence de notation. Les trois plus importantes sont Fitch Ratings, [Moody’s et Standard & Poor’s. Elles contrôlent l’essentiel des évaluations de risque. Mais le fait qu’elles soient privées et qu’elles aient d’autres départements assurant d’autres fonctions vis-à-vis de leurs clients qu’elles notent pose un très sérieux problème d’indépendance, d’impartialité et finalement de légitimité. Les notations dépendent des sociétés qui les allouent. En général, elles ressemblent néanmoins fortement de la classification suivante, allant de l’actif ou de l’entreprise la moins risquée vers celui ou celle qui l’est le plus : AAA, AA, A, BBB, BB, B, CCC, CC, C.
(en anglais : credit rating).
ont beaucoup évolué sous les coups de boutoir de la libéralisation
Libéralisation
Action qui consiste à ouvrir un marché à la concurrence d’autres acteurs (étrangers ou autres) autrefois interdits d’accès à ce secteur.
financière. Le passage du modèle de l’"investisseur payeur" à celui de l’"émetteur payeur" en constitue l’illustration la plus claire. Nous verrons que cette modification revêt toutes les caractéristiques de la corruption.
Au commencement
Le marché
Marché
Lieu parfois fictif où se rencontrent une offre (pour vendre) et une demande (pour acheter) pour un bien, un service, un actif, un titre, une monnaie, etc. ; un marché financier porte sur l’achat et la vente de titres ou d’actifs financiers.
(en anglais : market)
de la notation est, aujourd’hui, dominé par trois "global players" (Standard and Poors, Fitch et Moody) toutes basées aux États-Unis. Présentons brièvement l’histoire de ces compagnies. La notation naît aux États-Unis lorsque Henry Poor (1812-1905) fonde, en 1860, sa compagnie H.V. and H.W. Poor Co. La naissance des agences de notation trouve sa raison d’être dans le développement des chemins de fer aux États-Unis. Pour l’anecdote, Henry Poor était, dès 1849, le rédacteur en chef de l’American Railroad Journal. Les importants investissements des compagnies ferroviaires ont généré, auprès du grand public et des investisseurs institutionnels, un important appel de fonds
Fonds
(de placement, d’investissement, d’épargne…) : société financière qui récolte l’épargne de ménages pour l’investir ou le placer dans des produits financiers plus ou moins précis, parfois définis à l’avance. Il existe des fonds de pension, des fonds de placement, des fonds de fonds qui sont proposés à tout un chacun. En revanche, les hedge funds (fonds spéculatifs) et les private equity funds sont réservés à une riche clientèle.
(en anglais : fund)
via le marché obligataire.
On désigne sous le label "investisseur institutionnel
Investisseur institutionnel
Organisme qui récolte de l’épargne de façon massive pour la placer sur les marchés financiers, en particulier dans l’acquisition de titres. Il s’agit des compagnies d’assurances, des fonds de pension, des fonds de placement ou d’investissement, des banques… On les appelle institutionnels parce qu’ils stabilisent souvent à un moment donné l’actionnariat ou la structure financière des entreprises, parce qu’ils représentent une quantité de titres importante.
(En anglais : institutional investor)
" l’ensemble des intermédiaires financiers non bancaires. Au XIXe siècle, il s’agit essentiellement de compagnies d’assurance.
En 1900, John Moody (1868-1958), qui avait débuté en 1890 comme garçon de courses à Wall Street, payé 20 dollars par mois [1], publie le Moody’s Manual of Railroads and Corporation Securities. En 1906, Luther Lee Blake (1874–1953) fonde le Standard Statistics Bureau. Le succès recueilli par cette publication permet à John Moody de fonder son agence en 1909. John Knowles Fitch (1880-1943) fonde, quant à lui, sa compagnie en 1913 avec en ligne de fond le développement des chemins de fer aux Etats-Unis. En 1941, Standard Statistics fusionne avec la compagnie fondée par Henry Poor. Cette fusion
Fusion
Opération consistant à mettre ensemble deux firmes de sorte qu’elles n’en forment plus qu’une.
(en anglais : merger)
donnera naissance à la Standard and Poor’s Corporation.
Le marché de la notation connaîtra un processus de concentration croissant au cours du XXe siècle. Après la faillite en 1970 de la Penn Central Transportation Company, la SEC (Securities and Exchange Commission, soit l’autorité compétente aux Etats-Unis pour superviser les acteurs financiers) va mettre de l’ordre dans le marché de la notation en soumettant, dès 1975, les agences à un agrément spécial nommé Nationally Recognized Statistical Rating Organization (NRSRO). La SEC, pour remplir sa mission de gendarme, avait besoin d’expertise afin de calculer le montant des fonds propres
Fonds propres
Ensemble des fonds représentant ce que l’entreprise possède en propre. Il s’agit essentiellement du capital décomposé en parts de capital (ou en actions) en valeur nominale, d’une part, et des bénéfices réservés accumulés au fil des années d’autre part.
(en anglais : shareholders’ equity)
dont les acteurs financiers avaient besoin. L’idée était, à l’époque, de distinguer les institutions financières sur base de leurs stratégies d’investissement
Investissement
Transaction consistant à acquérir des actifs fixes, des avoirs financiers ou des biens immatériels (une marque, un logo, des brevets…).
(en anglais : investment)
. Selon ce schéma, plus une compagnie investissait dans des titres sûrs, moins elle devait présenter des fonds propres en garanties. La sécurité des titres était reflétée dans leur note de crédit. Plus celle-ci était élevée, plus la part des fonds propres requise serait faible.
La procédure d’agréation, lancée en 1975, a permis aux agences les plus puissantes de se plier à des critères de sélection de plus en plus impitoyables. Ce qui aura, pour effet, de leur permettre de renforcer leur puissance et leurs parts de marché. "De sept agences de notation disposant de ce statut dans les années 1980, seules les trois grandes en bénéficient en 2011". [2] Ces trois grandes agences réalisent à elles seules plus de 90 % du chiffre d’affaires
Chiffre d’affaires
Montant total des ventes d’une firme sur les opérations concernant principalement les activités centrales de celle-ci (donc hors vente immobilière et financière pour des entreprises qui n’opèrent pas traditionnellement sur ces marchés).
(en anglais : revenues ou net sales)
de la profession. Standard and Poor’s et Moody’s pèsent, aujourd’hui, pour 40% chacune du chiffre d’affaires des agences de notation dans le monde contre 14% pour Fitch.
Avec le temps, le champ d’investigation des agences de notation, jusque là limité au seul secteur privé, a de plus en plus englobé la notation des dettes publiques. La libéralisation financière ayant fini par faire en sorte qu’on retrouve, dans les bilans des banques US de plus en plus d’obligations publiques "étrangères". Alors que Moody’s ne notait les obligations publiques que de trois pays en 1975, elle en évaluait trente-trois en 1990 et plus d’une centaine à partir des années 2000.
Le paysage de la notation aujourd’hui
Aujourd’hui, Fitch est devenue une filiale de la compagnie Financière Marc de Lacharrière basée à Paris. La Fimalac possède plus de la moitié des parts de Fitch. La Fimalac est, elle-même, à raison de 78,56%, propriété du Groupe Marc Lacharrière.
Le seul actionnaire
Actionnaire
Détenteur d’une action ou d’une part de capital au minimum. En fait, c’est un titre de propriété. L’actionnaire qui possède une majorité ou une quantité suffisante de parts de capital est en fait le véritable propriétaire de l’entreprise qui les émet.
(en anglais : shareholder)
possédant plus de 5% des parts de Moody’s est Berkshire Hathaway, la compagnie de Warren Buffett avec une participation de 13%. Quant à Standard and Poor’s, elle est devenue une division du groupe McGraw-Hill Companies. Mais une scission va intervenir au sein de ce groupe pour faire place à deux entités distinctes. Les activités d’indices boursiers, de fournitures de données et d’informations sur les matières premières passeront dans l’orbite de Standard and Poor’s sous le nom de McGraw-Hill Markets. Une deuxième entité, McGraw-Hill Education, réunira l’ensemble des éditions de livres scolaires et d’autres produits éducatifs. L’introduction des deux nouvelles entités à la Bourse
Bourse
Lieu institutionnel (originellement un café) où se réalisent des échanges de biens, de titres ou d’actifs standardisés. La Bourse de commerce traite les marchandises. La Bourse des valeurs s’occupe des titres d’entreprises (actions, obligations...).
(en anglais : Commodity Market pour la Bourse commerciale, Stock Exchange pour la Bourse des valeurs)
de New York ne devrait pas intervenir avant fin 2012. Derrière McGraw-Hill, on retrouve des conglomérats financiers particulièrement puissants. Le seul actionnaire à détenir plus de 5% des parts de McGraw-Hill est la Banque Barclays.
Principaux actionnaires de McGraw-Hill Companies, actionnaires à 100% de Standard and Poor’s (2011)
Barclays Plc | Royaume-Uni | 10% | Banque |
Deutsche Bank AG | Allemagne | 3,6% | Banque |
Fayez Sarofim & Co | USA | 4,3% | Gestion d’actifs |
FMR Corp. (Fidelity Investments) | USA | 2,3% | Gestion d’actifs |
Goldman Sachs Group Inc. | USA | 3,6% | Banque |
Mackenzie Financial Corp. | Canada | 2,3% | Gestion d’actifs |
Mellon Financial Corp. | USA | 2,2% | Gestion d’actifs |
State Street Corp. | USA | 3,1% | Gestion d’actifs |
Vanguard Group Inc. | USA | 1,9% | Gestion d’actifs |
Source : http://fr.transnationale.org/entreprises/mcgraw_hill.php (date de consultation : 17 octobre 2011).
Libéralisation
Au début des années 70, un changement majeur est intervenu dans le fonctionnement des agences de notation. Il s’agit du passage du système dit de l’investisseur payeur à celui de l’émetteur payeur. Cette mutation est importante. Jusque vers la moitié des années 70, quiconque voulait investir une partie de son capital
Capital
Ensemble d’actifs et de richesses pouvant être utilisés pour produire de nouveaux biens ou services.
(en anglais : capital, mais aussi fund ou wealth)
dans des titres financiers était libre d’avoir recours à une agence de notation afin d’évaluer les actifs sur lesquels il avait jeté son dévolu. Passé cette époque, ce sont les émetteurs de titres qui vont rémunérer directement leurs évaluateurs au prix de nombreux conflits d’intérêt et au risque de nombreuses dérives. Chacun se remémore les déboires du géant de l’énergie Enron. Quatre jours avant la faillite, la multinationale
Multinationale
Entreprise, généralement assez grande, qui opère et qui a des activités productives et commerciales dans plusieurs pays. Elle est composée habituellement d’une maison mère, où se trouve le siège social, et plusieurs filiales étrangères.
(en anglais : multinational)
US bénéficiait encore de la meilleure notation possible. A l’époque, de nombreuses voix avaient évoqué la nécessité de devoir procéder à un encadrement plus rigoureux des agences de notation. Ces pressions n’ont jamais réussi à faire bouger d’un pouce la SEC, farouchement opposée à toute forme d’immixtion dans les affaires des agences. Depuis, la SEC a changé d’avis concernant les agences de notation. Il a fallu attendre que Standard and Poor’s dégrade la cotation
Cotation
Affichage public des cours de titres qui évoluent continuellement au gré des opérations d’achat et de vente.
(En anglais : valuation ou pricing)
des États-Unis pour voir les autorités de régulation des États-Unis changer leur fusil d’épaule.
En août 2011, la SEC priait Standard and Poor’s de justifier sa décision de mettre une mauvaise note à la dette US. La SEC ne s’intéresserait pas seulement à des considérations méthodologiques. Elle cherchait, de plus, à savoir si des salariés de S&P s’étaient rendus coupables de délit d’initié
Délit d’initié
Opération frauduleuse consistant pour certains opérateurs bénéficiant d’informations privilégiées comme des courtiers ou des agents hauts placés dans les banques, sachant qu’une transaction va se réaliser, dans l’achat ou la vente des titres soit pour eux-mêmes, soit pour des « amis » avant que cette transaction n’ait lieu. De cette manière, ils achètent ou vendent un titre, alors qu’ils savent que la transaction va faire monter ou baisser ce titre, grâce au fait qu’ils sont intermédiaires (initiés).
(en anglais : insider trading).
. On voit ici la vraie portée de la loi Dodd Franck de juillet 2010 qui plaçait les agences de notation sous supervision de la SEC. En clair, la toute-puissance des agences de notation a une limite : les intérêts
Intérêts
Revenus d’une obligation ou d’un crédit. Ils peuvent être fixes ou variables, mais toujours déterminés à l’avance.
(en anglais : interest)
de la puissance US. Pour le reste, c’est "circulez, y’a rien à voir". Pourtant, il y a des choses à voir et à faire voir. Par exemple, sur le lien intrinsèque entre libéralisation des marchés financiers et promotion du modèle "émetteur payeur" ayant amené à bien des conflits d’intérêt.
Comme vu auparavant, c’est en 1975 que le modèle de l’émetteur payeur s’est généralisé. Les années 70, avec le recul, constituent, en matière de libéralisation financière, une époque charnière. Tout commence en 1971 avec la dénonciation unilatérale des accords de Bretton Woods
Bretton Woods
Ville du New Hampshire près de la côte Est des États-Unis. En juillet 1944, s’est tenue, au Mount Washington Hotel, une conférence internationale pour bâtir un système financier solide pour l’après-guerre. La délégation américaine était menée par Harry Dexter White, la britannique par l’économiste John Maynard Keynes. Ce sommet a reconfiguré le système monétaire international jusqu’en 1971. Selon les accords, toutes les devises étaient échangeables en dollars à taux fixe. Seul le dollar était convertible en or au taux fixe de 35 dollars l’once. Et un organisme est créé pour aider les pays qui ont des problèmes avec leur balance des paiements : le Fonds monétaire international (FMI).
(en anglais : Bretton Woods system)
par les États-Unis. En 1971, les États-Unis abandonnent le système de Bretton Woods. Jusqu’à cette époque, le système monétaire était basé d’une part, sur des taux de change fixes entre le dollar comme pièce centrale du système monétaire international et les monnaies des autres pays et, d’autre part, sur un taux de change fixe
Taux de change fixe
Système monétaire international où les parités entre monnaie sont censées ne pas varier. En général, il y a une devise clé ou une monnaie de métal (or, argent...) qui sert de référence et par rapport à laquelle toutes les autres devises sont exprimées. Par exemple, on échangera à un taux invariable dans le temps (normalement) un dollar contre un euro, deux tiers de livres sterlings, cent yens, un franc suisse et demi, etc.
(en anglais : fixed exchange rate).
entre le dollar et l’or (35 dollars américains l’once, soit 31,103 grammes d’or). Le système de Bretton Woods laisse la possibilité à chaque pays, mais avec l’accord de tous ses partenaires, de procéder à des ajustements monétaires si nécessaire (dévaluation
Dévaluation
Baisse du taux de change d’une devise par rapport aux autres devises. En général, une dévaluation se passe en système de change fixe, parce que la réduction a lieu par rapport à la devise clé.
(en anglais : devaluation).
ou au contraire, réévaluation
Réévaluation
Augmentation du taux de change d’une devise par rapport aux autres devises. En général, une réévaluation se passe en système de change fixe, parce que la hausse a lieu par rapport à la devise clé.
(en anglais : reevaluation ou reassesment)
). Tout pays partie à la conférence de Bretton Wood, puisqu’il avait des réserves en dollars américains, pouvait décider de les changer contre l’or que les États-Unis possédaient. Cette dernière caractéristique du système a fini par poser problème. La situation du dollar a été bien caractérisée par l’économiste belge, Robert Triffin (1919-1993). Le paradoxe que Triffin désigne est le fait qu’à la sortie de la guerre 40-45, l’Europe et le Japon font figure de zones ravagées en comparaison des États-Unis dont la production industrielle a doublé entre 1940 et 1945. Les États-Unis sont clairement la nation qui accumulé un capital
Capital
dont les autres nations sous parapluie américain ont besoin pour redémarrer. Le système de Bretton Woods a fonctionné comme système de financement de la croissance
Croissance
Augmentation du produit intérieur brut (PIB) et de la production.
(en anglais : growth)
des exportations américaines en solvabilisant la demande du Japon et des pays d’Europe occidentale. En basant le système monétaire international sur le dollar, l’attrait pour ce dernier est pleinement consacré. Ce qui a pour effet, paradoxalement, de le fragiliser car fournir des liquidités au monde capitaliste en pleine reconstruction conduit à un déficit de la balance des paiements
Balance des paiements
Relevé des entrées et des sorties d’argent d’un pays durant une période déterminée (généralement un an). La balance des paiements se compose de la balance courante (balance commerciale, des services et des intérêts, dividendes, loyers, etc.) et de la balance en capital. Le solde est ce qui entre ou qui sort comme réserves dans les caisses de la banque centrale. Lorsque celles-ci sont vides, le pays est virtuellement en faillite ; il doit dévaluer (souvent fortement) sa propre monnaie.
(en anglais : balance of payments).
des USA. Et les pays qui exportaient vers les États-Unis accumulaient des dollars qui devaient être convertis en devises locales. Ce qui y alimentait l’inflation
Inflation
Terme devenu synonyme d’une augmentation globale de prix des biens et des services de consommation. Elle est poussée par une création monétaire qui dépasse ce que la production réelle est capable d’absorber.
(en anglais : inflation)
. L’Allemagne va alors vouloir faire rembourser ses dollars excédentaires en or. Comme les USA refusaient d’entamer leurs réserves, ils ont suspendu la convertibilité en or du dollar. Le flottement des devises devint la règle.
Libéralisation = corruption ?
Désormais, la création monétaire ne repose plus sur aucun élément de contrepartie physique. La marginalisation de la monnaie
Monnaie
À l’origine une marchandise qui servait d’équivalent universel à l’échange des autres marchandises. Progressivement la monnaie est devenue une représentation de cette marchandise d’origine (or, argent, métaux précieux...) et peut même ne plus y être directement liée comme aujourd’hui. La monnaie se compose des billets de banques et des pièces, appelés monnaie fiduciaire, et de comptes bancaires, intitulés monnaie scripturale. Aux États-Unis et en Europe, les billets et les pièces ne représentent plus que 10% de la monnaie en circulation. Donc 90% de la monnaie est créée par des banques privées à travers les opérations de crédit.
(en anglais : currency)
fiduciaire et la montée en puissance de la monnaie scripturale
Monnaie scripturale
Monnaie inscrite sur un compte dans un établissement de crédit. Elle sert de paiement à travers des virements, des chèques, des cartes bancaires ou de crédit. Elle forme la grosse majorité des liquidités à l’heure actuelle, bien plus importante que les billets et pièces en circulation.
(En anglais : demand deposit, bank money ou scriptural money)
étaient en marche. Aujourd’hui, les pièces de monnaie et les billets de banque (que l’on appelle monnaie fiduciaire
Monnaie fiduciaire
Monnaie pour laquelle on fait confiance à la valeur faciale, pourtant bien moindre que sa valeur réelle. Cela correspond aux pièces de monnaie et aux billets de banque. Sur un billet de dix euros, il est mis qu’il vaut dix euros et sera échangé comme tel si on fait confiance au système qui l’a mis en route. Le terme de fiduciaire vient du latin « fidus » qui veut dire confiance.
(En anglais : fiat money)
) ne représentent, en effet, qu’une faible part de la monnaie en circulation. Tout le reste, c’est de la monnaie scripturale.
Si la banque centrale
Banque centrale
Organe bancaire, qui peut être public, privé ou mixte et qui organise trois missions essentiellement : il gère la politique monétaire d’un pays (parfois seul, parfois sous l’autorité du ministère des Finances) ; il administre les réserves d’or et de devises du pays ; et il est le prêteur en dernier ressort pour les banques commerciales. Pour les États-Unis, la banque centrale est la Federal Reserve (ou FED) ; pour la zone euro, c’est la Banque centrale européenne (ou BCE).
(en anglais : central bank ou reserve bank ou encore monetary authority).
produit la monnaie fiduciaire (elle est la seule autorisée à le faire), les banques commerciales créent la monnaie scripturale en accordant des prêts. De fait, la rupture du cadre de Bretton Woods créait les conditions de possibilité de la libéralisation financière. La monnaie, à partir de cette date, c’est de plus en plus l’affaire du privé et de moins en moins, celle des États. [3]
Puisqu’à partir des années 70 la monnaie devient de plus en plus une question de jeu d’écritures privées passant par le crédit, un démantèlement radical des conditions d’encadrement du crédit va être mis en œuvre. C’est depuis cette époque que l’on signale le recours de plus en plus systématique des institutions financières à l’effet levier. L’effet de levier
Effet de levier
Indique la potentialité de rémunération supplémentaire réalisée grâce à l’emprunt. Ceci est dû au fait que le taux d’intérêt est inférieur généralement au taux de profit. Dans ce cas, la rémunération sera égale à ce profit tiré du capital apporté initialement, augmenté de la différence entre le profit et l’intérêt tirée de l’apport de l’endettement. On dit alors que l’endettement exerce un effet de levier. Attention, si le taux d’intérêt est supérieur au taux de profit, c’est l’effet inverse qui se réalise : la rémunération est portée à la baisse ou même la perte s’aggrave.
(en anglais : leverage)
consiste à avoir recours à l’endettement pour augmenter la rentabilité des capitaux propres.
Pour que l’effet levier marche, il faut que le taux de rentabilité du projet soit supérieur au taux d’intérêt
Taux d’intérêt
Rapport de la rémunération d’un capital emprunté. Il consiste dans le ratio entre les intérêts et les fonds prêtés.
(en anglais : interest rate)
à verser pour la somme empruntée. Les effets levier sont devenus de plus en plus importants avec le temps. Ainsi, au printemps 2008, les banques d’investissement de Wall Street avaient des effets levier qui oscillaient entre 25 et 45. Cela signifie que pour un dollar de fonds propres, elles avaient emprunté entre 25 et 45 dollars. Par exemple, Merrill Lynch avait un effet levier de 40. Une institution qui a un effet de levier de 40 à 1 voit ses fonds propres effacés avec une baisse de 2,5% de la valeur des actifs acquis.
C’est maintenant que le lien entre libéralisation et corruption devient de plus en plus clair. Une forme de folie du crédit s’empare du monde financier dès les années 70 au point de nourrir le développement des échanges hors-bilan. La généralisation du hors-bilan va, au mépris de toutes les règles prudentielles, permettre de multiplier les prêts octroyés sans devoir les rapporter aux fonds propres.
A cette époque, le système de l’investisseur "bon père de famille" payeur ne peut plus tenir. Les institutions financières ne jouent plus ce jeu-là. Et les agences de notation se feront payer par celles-là mêmes qu’elles sont supposées évaluer. Le terme de corruption peut parfaitement s’appliquer à ce mode de fonctionnement. En effet, il y a fort à parier que si les agences avaient continué à fonctionner dans un système visant à rassurer les investisseurs, elles auraient logiquement dû se montrer particulièrement sévères à l’égard d’acteurs multipliant les crédits sans nécessairement posséder les capitaux susceptibles de couvrir ces opérations. [4]
On comprendra, dans ces conditions, que les grandes agences de notation soient de plus en plus mises sur la sellette. Leurs accointances avec la finance de marché dérégulée, aujourd’hui en grande difficulté, et les États occidentaux qui ont prôné ce modèle de (non)-développement devraient à terme contribuer à les décrédibiliser aux yeux de nombre d’économistes. A ce moment, la création d’une agence publique européenne relèvera, on peut l’espérer, d’autre chose que de la simple discussion.