Dans l’imaginaire européen, l’Amérique latine est généralement peu connue pour avoir, dans le passé, enrichi la théorie économique. Peu importe, au fond, les causes de cette lacune. L’important est de savoir qu’elle existe. Et d’essayer, à notre modeste échelle, de la combler. Par exemple, en évoquant l’apport important de Raul Prebisch aux "sciences" économiques.
Commençons par une brève présentation à caractère biographique. Né à Tucuman (Argentine) en 1901 et décédé à Santiago du Chili en 1986, Prebisch a étudié à l’Université de Buenos Aires où il deviendra professeur. Au cours de sa vie, les spécificités latino-américaines détourneront Prebisch de la vision classique de l’économie. Et en, particulier de David Ricardo (1772-1823).
L’apport de David Ricardo à la pensée économique consiste en la formulation de la théorie des avantages comparatifs. Ricardo, en tant que théoricien du commerce international, a émis l’hypothèse que tous les pays pouvaient gagner s’ils s’échangeaient entre eux les produits pour lesquels ils possèdent un avantage comparatif. Dès lors, le libre-échange s’imposait, selon David Ricardo, aux nations comme le modèle le plus rationnel d’organisation du commerce et de la production.
Avantages absolus et comparatifs : une distinction subtile
David Ricardo va corriger la célèbre thèse d’Adam Smith (1723-1790). Pour Adam Smith, le fondement du commerce international se trouve dans un raisonnement par avantage absolu. Un pays, pour Smith, doit se spécialiser dans les produits pour lesquels il peut mettre en œuvre une production pour un coût inférieur à tous les autres. C’est sur cette base qu’Adam Smith justifie l’échange et la spécialisation internationale.
David Ricardo va compléter le raisonnement d’Adam Smith en se fondant le commercial sur les avantages comparatifs. Dans l’exemple devenu classique et avec lequel chaque étudiant en économie a eu un jour maille à partir, Ricardo limite le commerce mondial aux seuls échanges de drap et au vin entre le Portugal et l’Angleterre. Pour déterminer qui a intérêt à commercer quoi avec qui, il faut s’intéresser, selon Ricardo, au coût relatif du drap par rapport au vin en Angleterre puis au Portugal.
Les coûts de production sont déterminés, chez Ricardo, par la quantité de travail. Deux biens s’échangent en proportion de la quantité de travail que requière leur production.
Dans l’exemple mis en avant par Ricardo, en Angleterre, on a besoin de 130 hommes pour produire une unité de vin, et de 90 hommes pour produire une unité de drap alors qu’au Portugal, la production d’une unité de vin représente 70 hommes alors qu’une unité de drap nécessite 80 hommes au travail. Si on suit le raisonnement de Smith, l’Angleterre est totalement désavantagée puisque le Portugal est plus productif pour les deux biens considérés. Pour Ricardo, l’Angleterre, malgré tout, a intérêt à échanger avec le Portugal. Comment fonde-t-il son analyse ?
Pour déterminer comment les échanges doivent se structurer entre les deux nations, il faut, d’après Ricardo, comparer le coût relatif du drap (production pour laquelle l’Angleterre est la plus productive) par rapport au vin en Angleterre puis au Portugal.
On peut représenter ce calcul sous forme d’un tableau.
Tableau 1. Tableau des avantages comparatifs Portugal/Angleterre pour le drap et le vin
Angleterre | Portugal | |
---|---|---|
Travail pour une unité de vin | 130 | 70 |
Travail pour une unité de drap | 90 | 80 |
Coût relatif drap/vin | 0,69 | 1,15 |
Pour l’Angleterre, il est moins coûteux de se spécialiser dans la production de drap puisqu’elle est davantage productive dans ce secteur tandis que le Portugal devrait se spécialiser davantage dans le vin, secteur dont la production est, pour lui, la moins coûteuse à mettre en œuvre. On peut chiffrer cet avantage pour le Portugal à 15%. Il faut au Portugal 15% d’hommes en plus pour produire une unité de drap. A l’inverse, pour l’Angleterre, l’avantage comparatif en faveur du drap est de 31%.
Tous gagnants au libre-échange !
Pour Ricardo, le commerce international n’est pas un jeu à somme nulle dans lequel l’un ne gagne que ce que l’autre perd. Au contraire, selon Ricardo, le libre-échange, c’est, pour prendre, un slogan à la mode, du "win-win" à l’état pur puisque chacun des participants à l’échange retire toujours un bénéfice à cette situation. Car, d’après Ricardo, la spécialisation permet une hausse de la production globale.
Imaginons une situation de parfaite autarcie. Pour obtenir une unité de vin et de drap chaque année, l’Angleterre a besoin de 220 travailleurs. Si l’on suit le raisonnement des avantages comparatifs, l’Angleterre doit affecter tous ces travailleurs du secteur viticole dans les draperies, soit 220 hommes par an affectés à la fabrication de draps. Or, la productivité
Productivité
Rapport entre la quantité produite et les ressources utilisées pour ce faire. En général, on calcule a priori une productivité du travail, qui est le rapport entre soit de la quantité produite, soit de la valeur ajoutée réelle (hors inflation) et le nombre de personnes nécessaires pour cette production (ou le nombre d’heures de travail prestées). Par ailleurs, on calcule aussi une productivité du capital ou une productivité globale des facteurs (travail et capital ensemble, sans que cela soit spécifique à l’un ou à l’autre). Mais c’est très confus pour savoir ce que cela veut dire concrètement. Pour les marxistes, par contre, on distingue la productivité du travail, qui est hausse de la production à travers des moyens techniques (machines plus performantes, meilleure organisation du travail, etc.), et l’intensification du travail, qui exige une dépense de force humaine supplémentaire (accélération des rythmes de travail, suppression des temps morts, etc.).
(en anglais : productivity)
de l’Angleterre dans le secteur du drap est de une unité pour nonante travailleurs. Donc, en affectant 220 hommes à la production textile, l’Angleterre produira 2,4 unités de drap contre 2 unités dans le modèle fermé.
Le Portugal, s’il s’ouvre au libre-échange, affectera tous ses travailleurs à la production de vin. Avec 150 hommes, le Portugal produisait une unité de vin et une unité de drap. Puisque la productivité au Portugal est de 70 hommes par unité de vin produite, l’application du modèle libre-échangiste va permettre la production de 2,14 unités de vin (150/70). Au total, en appliquant le libre-échange, la production de vin a crû de 14% contre 40% pour le drap. Le libre-échange apparaît donc comme un système garantissant la croissance
Croissance
Augmentation du produit intérieur brut (PIB) et de la production.
(en anglais : growth)
de la production.
Par ailleurs, si l’on suit le raisonnement ricardien, le libre-échangisme permet d’obtenir plus de biens à des coûts globalement plus bas. Pour dire les choses familièrement, avec le libre-échange, on économise des heures de travail. Dans le modèle fermé, il fallait 200 hommes pour produire deux unités de vin (130 en Angleterre et 70 au Portugal). Avec la spécialisation (résultant de l’ouverture des échanges), il en faut 140. Pour ce qui est du drap, avec la fermeture des frontières, il fallait 170 hommes par an pour produire deux unités de drap. Après ouverture, il en faut 180.
Au total, au niveau des deux pays, avant échange, la production de deux unités de drap et de vin (soit la production totale de vin et de drap avant ouverture des frontières) nécessitait l’emploi de 370 hommes. Avec l’ouverture des frontières, la production de deux unités de drap et de vin met en œuvre 320 hommes. La division internationale du travail
Division Internationale du Travail
ou DIT : Répartition globale de la production mondiale entre les différents pays en fonction de leurs avantages comparatifs. Ainsi, jusque dans les années 70, le Tiers-monde fournissait essentiellement des matières premières qui étaient transformées dans les anciennes métropoles coloniales. Par la suite, une partie des nations en développement se sont industrialisées à leur tour dans des biens manufacturés de consommation courante. Les pays avancés se sont tournés vers les produits et les services de plus haute technologie.
(En anglais : division of labor)
permet donc une allocation optimale des ressources rares. Ce qui est favorable au consommateur.
Limites du modèle
Le modèle proposé par David Ricardo présuppose un certain nombre d’hypothèses de départ. Nous avons limité notre recension à deux d’entre elles qui constituent des traits particulièrement saillants de la pensée ricardienne permettant d’esquisser, à très gros traits, les limites du modèle libre-échangiste. Notre objectif n’est d’ailleurs pas de résumer l’ensemble des théories sur le commerce international. Cela excéderait les limites de cet article. Nous nous contenterons, pour notre part, de repérer un certain nombre d’éléments problématiques dans la théorie du libre-échange par David Ricardo.
Hypothèse n°1. Il existe, pour Ricardo, une parfaite mobilité du travail (qui est le seul facteur de production chez Ricardo comme chez tous les classiques) à l’intérieur d’un pays. Ainsi, la main-d’œuvre peut circuler sans problème d’une branche à une autre sans que ne se posent des problèmes de reconversion et de qualification. Cette mobilité du "facteur travail" permet à un pays d’utiliser au mieux ces ressources. Cette hypothèse est, comme chacun peut s’en douter, fondamentalement irréaliste.
Il se pourrait donc que tous les drapiers portugais ne se reconvertissent pas aussi facilement dans le secteur viticole que ce qui est prévu dans la théorie. Toute ironie mise à part, si on fait voler en éclats cette hypothèse de la mobilité des facteurs de production, on voit tout de suite poindre un certain nombre de problèmes sociaux en cas d’ouverture des frontières aux échanges commerciaux. L’argument souvent invoqué pour ouvrir les frontières est qu’à long terme, la formule est globalement gagnante.
Hypothèse n°2. Les facteurs de production sont, chez Ricardo, immobiles. Ils ne peuvent changer de pays. Le monde de Ricardo ne connaît pas les grandes vagues migratoires. Dans sa représentation de l’économie (ce en quoi, il est assez représentatif de son temps), il n’y a pas de firmes multinationales. D’après Ricardo, si les facteurs de production étaient mobiles, les pays peu dotés risqueraient de perdre leurs capacités productives au profit d’autres nations plus attrayantes. Note importante : Ricardo vient d’énoncer une limite au libre-échange en ce sens que si cette hypothèse s’effondre, le libre-échange et la division internationale du travail ne sont plus moteurs d’un progrès global.
Ces limitations n’ont pas empêché David Ricardo de faire école. Ainsi, un des modèles classiques en matière de commerce international formulé par E. Heckscher, B. Ohlin et P. Samuelson (1941), dit modèle HOS, consiste en un approfondissement de l’œuvre de Ricardo dans la mesure où ils intègrent plusieurs facteurs de production dans leur raisonnement. Ils prennent en compte le travail comme le faisait Ricardo et ils ajoutent le capital
Capital
Ensemble d’actifs et de richesses pouvant être utilisés pour produire de nouveaux biens ou services.
(en anglais : capital, mais aussi fund ou wealth)
et la terre.
Le modèle HOS propose un théorème fondateur du libre-échange : "Dans l’échange international, (…), les pays ont intérêt à se spécialiser dans les productions qui utilisent en plus grandes proportions le facteur dont ils sont le mieux pourvus". [1]
Ce théorème implique, dans le concret, des spécialisations différenciées entre le Nord et le Sud. Puisque le Nord détient du capital Capital (qui est un facteur de production à part entière) et que le Sud en possède nettement moins, il ne reste à ce dernier qu’à "vendre" du travail en se spécialisant dans des secteurs à haute intensité en main-d’œuvre ou des matières premières.
Angle sud
C’est précisément ce modèle que Raul Prebisch va remettre en cause. Prebisch, pour tout dire, en prendra l’exact contre-pied et postulera, au contraire, qu’il est préférable que les ex-colonies se protègent pour assurer le décollage de leurs économies.
Alors qu’il était président de la Banque centrale
Banque centrale
Organe bancaire, qui peut être public, privé ou mixte et qui organise trois missions essentiellement : il gère la politique monétaire d’un pays (parfois seul, parfois sous l’autorité du ministère des Finances) ; il administre les réserves d’or et de devises du pays ; et il est le prêteur en dernier ressort pour les banques commerciales. Pour les États-Unis, la banque centrale est la Federal Reserve (ou FED) ; pour la zone euro, c’est la Banque centrale européenne (ou BCE).
(en anglais : central bank ou reserve bank ou encore monetary authority).
d’Argentine, dans les années 1930, Prebisch avait noté qu’après l’entrée en crise des États-Unis et du Royaume-Uni, principaux clients du grenier à blé argentin, les prix des produits agricoles avaient baissé plus fortement que ceux des produits manufacturés importés. Ce fait a éveillé l’intérêt de Prebisch et l’amènera, en 1950, à formuler en même temps qu’Hans Singer (1910-2006) la théorie de l’échange inégal entre le Centre (le Nord) et la Périphérie (le Sud).
A la base de cette théorie, le mécanisme descriptif repéré par la thèse Prebisch-Singer est le suivant. Même s’il existe un avantage comparatif de départ dans la production de certaines matières premières, on constate une tendance à la baisse des prix des matières premières exportées par la Périphérie. Ce qui signifie que si, du point de vue du Sud, on rapporte le prix des exportations au prix des importations, on constate que ces dernières ont pesé de plus en plus lourd dans sa balance des paiements
Balance des paiements
Relevé des entrées et des sorties d’argent d’un pays durant une période déterminée (généralement un an). La balance des paiements se compose de la balance courante (balance commerciale, des services et des intérêts, dividendes, loyers, etc.) et de la balance en capital. Le solde est ce qui entre ou qui sort comme réserves dans les caisses de la banque centrale. Lorsque celles-ci sont vides, le pays est virtuellement en faillite ; il doit dévaluer (souvent fortement) sa propre monnaie.
(en anglais : balance of payments).
alors que le prix des exportations a tendance à se déprécier.
Les nations périphériques devront exporter davantage pour maintenir leur pouvoir d’achat. C’est ce phénomène que l’on nomme la dégradation des termes de l’échange
Termes de l’échange
Pouvoir d’achat de biens et services importés qu’un pays détient grâce à ses exportations. L’indice des termes de l’échange le plus courant mesure le rapport entre les prix des exportations et les prix des importations. Une augmentation de cet indice correspond à une amélioration des termes de l’échange : par exemple, un pays vend plus cher ses exportations pour un prix à l’importation constant. Inversement, une diminution de l’indice correspond à une dégradation des termes de l’échange.
(en anglais : terms of trade)
. Les termes nets mesurent le rapport entre l’indice du prix des exportations sur l’indice des prix à l’importation. Dans ces conditions, les pays de la périphérie auront tendance à s’appauvrir.
D’un point de vue social, puisqu’il faut exporter davantage, on constate une tendance à l’"ultraspécialisation"des pays périphériques dans les cultures d’exportation. La surface disponible pour les cultures vivrières diminue et les prix des denrées alimentaires augmentent alors que le revenu national a plutôt tendance à stagner voire à diminuer. L’explication du phénomène tiendrait, selon Prebisch, à des facteurs d’ordre institutionnel.
Dans la configuration des échanges mondiaux, les gains de productivité réalisés dans l’industrie au centre génèrent des hausses de salaire via la pression d’organisations syndicales. Il en résulte un surenchérissement des prix manufacturés sur les marchés mondiaux. Par contre, la faiblesse des organisations sociales au Sud implique que les gains de productivité sont répercutés non pas sous forme de hausses des salaires, mais en baisse du prix unitaire des biens produits.
Il a longtemps été opposé à Prebisch que si des gains de productivité importants étaient réalisés dans le secteur manufacturier au Nord, il devrait en résulter logiquement une augmentation des produits primaires au Nord. Et donc, une augmentation des prix des matières premières sur les marchés internationaux.
Prebisch a répondu à cette objection en faisant valoir un blocage de la demande de biens primaires en raison d’une faible "élasticité-revenu" (définie comme le rapport entre le pourcentage de variation de la demande d’un bien et le pourcentage de variation du revenu) en ce qui concerne les biens primaires (à l’exception des hydrocarbures et autres matières premières énergétiques).
Par ailleurs, dans les processus de fabrication industrielle, on note une tendance à la mise en œuvre de substituts synthétiques dans les procédés de fabrication. Prebisch a couplé ce facteur explicatif au sous-emploi massif sévissant dans les pays périphériques producteurs de matières premières. Car qu’importe, au fond, que la demande du centre pour les biens primaires augmente ou non, car il existe au Sud une offre de travail telle qu’un surcroît de production n’aura pas pour effet de faire augmenter les salaires. Si, parallèlement, des gains de productivité sont mis en œuvre dans le secteur des matières premières, la stagnation salariale a toutes les chances de se réaliser. Au total, la dégradation des termes de l’échange trouve, dans cette combinaison de facteurs, son fondement.
L’implication en termes de politique économique
Politique économique
Stratégie menée par les pouvoirs publics en matière économique. Cela peut incorporer une action au niveau de l’industrie, des secteurs, de la monnaie, de la fiscalité, de l’environnement. Elle peut être poursuivie par l’intermédiaire d’un plan strict ou souple ou par des recommandations ou des incitations.
(en anglais : economic policy).
de la thèse Prebisch-Singer va consister à promouvoir une industrialisation par substitution aux importations. Pour ce faire, les pays de la périphérie, selon Prebisch, devraient ériger des barrières tarifaires ou non compliquant l’accès aux marchés de la Périphérie pour les biens manufacturés du Centre. Une telle politique se heurte, toutefois, à plusieurs obstacles, parmi lesquels un marché
Marché
Lieu parfois fictif où se rencontrent une offre (pour vendre) et une demande (pour acheter) pour un bien, un service, un actif, un titre, une monnaie, etc. ; un marché financier porte sur l’achat et la vente de titres ou d’actifs financiers.
(en anglais : market)
intérieur trop restreint (pas assez de consommateurs) ainsi qu’un pouvoir d’achat insuffisant. D’un point de vue théorique, ces constats n’enlèvent rien à la pertinence et à l’acuité du diagnostic fourni en son temps par Prebisch et Singer. Une piste pourrait consister en la constitution de marchés régionaux atteignant la taille critique nécessaire au décollage industriel.
Prebisch a, tout au long de sa carrière de fonctionnaire international, plaidé pour que de telles politiques voient le jour au Sud., que ce soit en tant que directeur de la CEPALC entre 1948 (Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes. En espagnol : Cepal, Comisión Económica para América Latina). Organisme de l’ONU
ONU
Organisation des Nations Unies : Institution internationale créée en 1945 pour remplacer la Société des Nations et composée théoriquement de tous les pays reconnus internationalement (193 à ce jour). Officiellement, il faut signer la Charte de l’ONU pour en faire partie. L’institution représente en quelque sorte le gouvernement du monde où chaque État dispose d’une voix. Dans les faits, c’est le Conseil de sécurité qui dispose du véritable pouvoir. Il est composé de cinq membres permanents (États-Unis, Russie, Chine, France et Grande-Bretagne) qui détiennent un droit de veto sur toute décision et de dix membres élus pour une durée de deux ans. L’ONU est constituée par une série de départements ou de structures plus ou moins indépendantes pour traiter de matières spécifiques. Le FMI et la Banque mondiale, bien qu’associés à ce système, n’en font pas officiellement partie.
(En anglais : United Nations, UN)
fondé en 1948. Siège : Santiago du Chili) ou, entre 1964 et 1969, en tant que Secrétaire Général de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED
CNUCED
Conférence des Nations Unies pour le Commerce et le Développement : Institution des Nations unies créée en 1964, en vue de mieux prendre en compte les besoins et aspirations des peuples du Tiers-monde. La CNUCED édite un rapport annuel sur les investissements directs à l’étranger et les multinationales dans le monde, en anglais le World Investment Report.
(En anglais : United Nations Conference on Trade and Development, UNCTAD)
).
Actualité de Raul Prebisch
D’un point de vue factuel, une analyse statistique concernant des séries de prix pour 24 biens primaires a révélé une détérioration des termes de l’échange au cours du 20e siècle. Ce déclin, toutefois, n’a pas été continu ni uniforme pour l’ensemble des produits. Cette détérioration est surtout repérable entre 1920 et 1980.
Depuis, une certaine remontée des prix se dessine sur les marchés mondiaux. Mais il ne faut, toutefois, pas en surévaluer la portée. Ainsi, selon l’Agence Internationale de l’Energie (AIE), le pétrole était moins cher à prix constants (c’est-à-dire déduction faite de l’inflation
Inflation
Terme devenu synonyme d’une augmentation globale de prix des biens et des services de consommation. Elle est poussée par une création monétaire qui dépasse ce que la production réelle est capable d’absorber.
(en anglais : inflation)
) en 2007 qu’il ne l’était au plus fort du second choc pétrolier en 1981 [2]. A l’époque, le baril s’échangeait à 40 USD, ce qui correspond à 110 USD de 2007.
En outre, "l’Afrique subsaharienne est la région qui a le plus souffert de la dégradation des termes de l’échange. Depuis les années 1970, cette dégradation a entraîné une réduction importante du pouvoir d’achat de l’ensemble des exportations de produits de base africains. Les estimations de la Banque mondiale
Banque mondiale
Institution intergouvernementale créée à la conférence de Bretton Woods (1944) pour aider à la reconstruction des pays dévastés par la deuxième guerre mondiale. Forte du capital souscrit par ses membres, la Banque mondiale a désormais pour objectif de financer des projets de développement au sein des pays moins avancés en jouant le rôle d’intermédiaire entre ceux-ci et les pays détenteurs de capitaux. Elle se compose de trois institutions : la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD), l’Association internationale pour le développement (AID) et la Société financière internationale (SFI). La Banque mondiale n’agit que lorsque le FMI est parvenu à imposer ses orientations politiques et économiques aux pays demandeurs.
(En anglais : World Bank)
montrent qu’entre 1970 et 1997, la dégradation des termes de l’échange a coûté aux pays d’Afrique non exportateurs de pétrole l’équivalent de 119 pour cent de leur produit intérieur brut
Produit intérieur brut
Ou PIB : Richesse marchande créée durant une période déterminée (souvent un an) sur un territoire précisé (généralement un pays ; mais, en additionnant le PIB de tous les pays, on obtient le PIB mondial).
(en anglais : Gross Domestic Product ou GDP)
(PIB
PIB
Produit intérieur brut : richesse marchande créée durant une période déterminée (souvent un an) sur un territoire précisé (généralement un pays ; mais, en additionnant le PIB de tous les pays, on obtient le PIB mondial).
(en anglais : Gross Domestic Product ou GDP)
) combiné annuel en recettes perdues." [3]
De manière plus globale, en 2002, le test de la thèse de Prebisch-Singer effectué par Matthias G. Lutz http://www3.interscience.wiley.com/journal/119086596/abstract - fn1#fn1, de l’Université de Saint Gall en Suisse, établit formellement une dégradation des termes tout au long du XXe siècle. [4]
Par ailleurs, le projet d’une industrialisation par substitution aux importations continue à être légitimé par un certain nombre d’analystes et non des moindres. Ainsi, Ha Choon Jang [5], Directeur adjoint des Etudes sur le Développement à l’Université de Cambridge insiste sur le fait qu’historiquement, ce n’est pas le libre-échange qui a permis le décollage économique des nations d’Asie du Sud-Est. Ce n’est pas en s’"ouvrant" aux investissements directs étrangers que ces pays ont réussi leur décollage économique.
Ha Joon Chang met également en évidence dans un autre ouvrage qu’en fait, toutes les nations considérées comme développées aujourd’hui ont usé de politiques hétérodoxes par rapport aux impératifs du libéralisme Libéralisme Philosophie économique et politique, apparue au XVIIIe siècle et privilégiant les principes de liberté et de responsabilité individuelle ; il en découle une défense du marché de la libre concurrence. économique. La Grande-Bretagne et les États-Unis ne font pas exception à cette règle alors même que ces deux nations ont tendance à s’ériger en modèle de libre-échangisme commercial. [6] Pour ce qui est des politiques publiques au Sud, la CEPAL continue à appuyer le projet d’une industrialisation pour les pays exportateurs de biens primaires. Ainsi, par exemple au sujet de l’Argentine, la CEPAL [7] repérait qu’en 2006,"85% des exportations argentines sont des biens primaires, du pétrole ou des biens manufacturés low tech".
Cette même CEPAL prévenait les décideurs argentins de ce que "la persistance d’une structure industrielle qui continue à se spécialiser dans les niveaux inférieurs ou de basse complexité de la chaîne de production est de nature à compromettre la compétitivité nationale à l’avenir". Les responsables politiques argentins sont conscients de la situation et ambitionnaient en 2008 de réduire le déficit commercial national en ce qui concerne les productions à haute valeur ajoutée
Valeur ajoutée
Différence entre le chiffre d’affaires d’une entreprise et les coûts des biens et des services qui ont été nécessaires pour réaliser ce chiffre d’affaires (et qui forment le chiffre d’affaires d’une autre firme) ; la somme des valeurs ajoutées de toutes les sociétés, administrations et organisations constitue le produit intérieur brut.
(en anglais : added value)
. Un certain nombre de projets existent en Argentine qui visent à doter le pays de productions de biens à haute valeur ajoutée, notamment en ce qui concerne les cosmétiques, les software, les conducteurs électriques et les jouets".
L’industrialisation comme moyen de promotion du développement reste, à l’évidence, inscrit à l’agenda politique au Sud. Le message de Raul Prebisch est toujours d’actualité.