L’Autriche, comme on sait, c’est loin. Des montagnes, des vestiges impériaux, de l’asphalte très clean. Mais le pays abrite, discrètement, le leader mondial des aciers spéciaux Böhler-Uddeholm (3 milliards d’euros de chiffre d’affaires Chiffre d’affaires Montant total des ventes d’une firme sur les opérations concernant principalement les activités centrales de celle-ci (donc hors vente immobilière et financière pour des entreprises qui n’opèrent pas traditionnellement sur ces marchés).
(en anglais : revenues ou net sales)
et 14.300 travailleurs, dont 4.000 en Autriche). Il vient de faire l’objet d’une OPA OPA Offre publique d’achat : proposition publique faite par un investisseur d’acquérir une société ou une partie de celle-ci à un prix annoncé. Elle peut être amicale ou hostile, si le management de la firme ciblée est d’accord de se faire reprendre ou non.
(en anglais : tender offer).
et c’est intéressant. Pourquoi ? Parce que ce fleuron de la métallurgie autrichienne avait aiguisé les appétits du fonds Fonds (de placement, d’investissement, d’épargne…) : société financière qui récolte l’épargne de ménages pour l’investir ou le placer dans des produits financiers plus ou moins précis, parfois définis à l’avance. Il existe des fonds de pension, des fonds de placement, des fonds de fonds qui sont proposés à tout un chacun. En revanche, les hedge funds (fonds spéculatifs) et les private equity funds sont réservés à une riche clientèle.
(en anglais : fund)
spéculatifs britannique CVC (par ailleurs actionnaire Actionnaire Détenteur d’une action ou d’une part de capital au minimum. En fait, c’est un titre de propriété. L’actionnaire qui possède une majorité ou une quantité suffisante de parts de capital est en fait le véritable propriétaire de l’entreprise qui les émet.
(en anglais : shareholder)
de La Poste belge) et cela n’a pas laissé indifférente l’aile gauche du gouvernement autrichien. Laquelle, pour contrer cette forme de capitalisme Capitalisme Système économique et sociétal fondé sur la possession des entreprises, des bureaux et des usines par des détenteurs de capitaux auxquels des salariés, ne possédant pas les moyens de subsistance, doivent vendre leur force de travail contre un salaire.
(en anglais : capitalism)
sauvage, a imaginé de créer un fonds d’investissements public-privé national, doté d’un milliard d’euros (mise de départ), pour faire contrepoids, mettons, c’est-à-dire être à même de surenchérir sur les CVC & Co et, ainsi, garder les bijoux de famille dans leur giron. On peut exprimer cela autrement puisque, ce qui est en jeu, c’est la capacité pour un pays de mener sa propre politique industrielle, sans interférences spéculatives (les tiers-mondistes appellent cela le principe d’autodétermination des peuples). Ce projet de fonds anti-spéculatif, qui a également fait naître un débat sur l’éventuelle re-nationalisation Nationalisation Acte de prise en mains d’une entreprise, autrefois privée, par les pouvoirs publics ; cela peut se faire avec ou sans indemnisation des anciens actionnaires ; sans compensation, on appelle cela une expropriation.
(en anglais : nationalization)
de Böhler-Uddeholm (privatisée en 2003), a divisé le monde des entreprises un tantinet, certains, comme la Chambre économique ou la banque Raiffeisenbank l’appuyant. L’affaire s’est – temporairement – clôturée par l’OPA amicale, et réussie, lancée sur Böhler-Uddeholm par son compatriote Voestalpine, principal sidérurgiste du pays (chiffre d’affaires de 6,5 milliards d’euros et 22.660 travailleurs). Le conseil d’administration de Böhler-Uddeholm avait auparavant, il est vrai, rejeté l’offre de CVC, jugeant qu’elle n’était "pas dans les intérêts Intérêts Revenus d’une obligation ou d’un crédit. Ils peuvent être fixes ou variables, mais toujours déterminés à l’avance.
(en anglais : interest)
de l’entreprise". Ah bon !

Sources : Les Echos du 30 mars 2007 et The Economist du 31 mars 2007.