Mille "gâteries" – mannes publiques et zéro impôt – n’auront pas suffi, révélant les limites de cette forme de séduction privilégiée par les théologiens du "moins d’État" : ArcelorMittal met la clé sous la porte, au revoir et merci. Inévitable ? Il n’est jamais trop tard pour s’interroger.
Le couperet est tombé. Ce vendredi matin ArcelorMittal a annoncé la fermeture de la phase à Chaud dans le bassin sidérurgique liégeois. Une grosse heure de réunion pour licencier 361 ouvriers et 220 cadres, la plupart en contrat à durée indéterminée. Une restructuration qui n’est peut-être qu’une étape dans le drame social appelé à se jouer dans le bassin sidérurgique liégeois. La phase à froid est-elle viable sans la phase à chaud ? Les inquiétudes des organisations syndicales sont légitimes. Ce serait dans ce cas des milliers d’emplois directs et indirects qui s’en trouveraient menacés.
Une fermeture prévisible sans doute. Après les mises sous "cocon" en 2008 et la crise de surproduction
Surproduction
Situation où la production excède la consommation ou encore où les capacités de production dépassent largement ce qui peut être acheté par les consommateurs ou clients (on parle alors aussi de surcapacités).
(en anglais : overproduction)
que connaît aujourd’hui le marché
Marché
Lieu parfois fictif où se rencontrent une offre (pour vendre) et une demande (pour acheter) pour un bien, un service, un actif, un titre, une monnaie, etc. ; un marché financier porte sur l’achat et la vente de titres ou d’actifs financiers.
(en anglais : market)
de l’acier. Depuis l’acquisition d’Arcelor par Mittal Steel en 2006, les sites belges et français par exemple, moins "compétitifs", ont très souvent servi de variable d’ajustement à la production du géant de l’acier.
Une fermeture honteuse certainement. ArcelorMittal, un groupe pourtant bénéficiaire, ne paie pas d’impôts sur le bénéfice des sociétés en Belgique (500 euros en 2009 !) et a, à plusieurs reprises, bénéficié d’aide publique pour des programmes de Recherche & Développement.
La fermeture actuelle doit aussi amener une réflexion de fond sur la gestion depuis plus de trente ans de l’industrie sidérurgique en Région wallonne. Après une succession de crise dans l’acier au cours des années 70, les deux dirigeants de l’époque, Julien Charlier pour Liège et Albert Frère dans le Hainaut décident d’une intégration de la sidérurgie wallonne. L’Etat belge chapeaute l’exercice et devient en 1981 actionnaire
Actionnaire
Détenteur d’une action ou d’une part de capital au minimum. En fait, c’est un titre de propriété. L’actionnaire qui possède une majorité ou une quantité suffisante de parts de capital est en fait le véritable propriétaire de l’entreprise qui les émet.
(en anglais : shareholder)
majoritaire avec près de 82% de Cockerill Sambre. Le groupe Bruxelles Lambert reste actionnaire très minoritaire (mois de 3%) mais l’homme d’affaires carolo prend soin de conserver la société Frères Bourgeois Commerciale (51% des actions) qui détient le monopole sur la commercialisation des produits sidérurgiques wallons. "Un droit de péage" insoutenable pour la nouvelle Cockerill Sambre. L’Etat, représenté par Jean Gandois (ex-Rhône Poulenc), décide alors de racheter les parts d’Albert Frères pour 1,125 milliards de francs belges (FB)…A l’époque, selon une étude de la banque Lazard, les 51% de la société Frère Bourgeois ne valaient pas plus que 925 millions de FB ! Quatre années auparavant, l’Etat belge avait acquis l’autre moitié de l’entreprise pour 738 millions de FB…
Les travailleurs trinquent, Seraing se meurt pendant que d’autres s’empiffrent…Là, se trouve sans doute la variable à ajuster.
Sources : L’Echo du 14 octobre 2011. Le Soir du 14 octobre 2011.
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