L’empreinte sociale ? Un concept qui fait son chemin. A l’instar de sa grande sœur écologique, qui se propose de permettre à chacun de mesurer l’impact de son mode de vie sur l’environnement, l’empreinte sociale pourrait, espèrent ses promoteurs, constituer un indicateur utile du "contenu social" des marchandises mises sur le marché. Ou de l’entreprise qui les a produites. Selon que les travailleurs bénéficient de bonnes ou de mauvaises conditions de travail, l’empreinte sociale traduirait cela en bons ou mauvais points. Pas demain qu’on trouvera ce genre d’indications sur l’étiquette. Mais on peut s’en faire une bonne idée. Le hamburger phare de la chaîne de restauration rapide Quick, par exemple, qui appartient en France à 97% à la Caisse de Dépôts et Consignations. Comme explique Aurélie Lesage, jusqu’il y a peu déléguée CGT dans un Quick du centre commercial Euralille, le hamburger "Giant" (c’est l’anglais pour "géant") a un prix de revient de 52 centimes – et se vend 3,90 euros, donc avec un bénéfice de 650%. C’est une sacrée empreinte sociale. Car derrière l’écart entre ces deux montants, ce qui l’explique largement, on découvre des travailleurs pressurisés, contraints à des avenants systématiques au contrat de travail pour éviter le paiement d’heures supplémentaires, obligés de consommer des "repas" Quick (retrait forfaitaire de 3,11 euros l’unité sur la fiche de paie), soumis à des horaires sans cesse modifiés et... interdits d’action syndicale structurée : le patron des cinq magasins franchisés (situés dans le Nord et dans l’Aisnes, en France, ainsi qu’en Belgique) dont dépend Aurélie s’est arrangé pour compartimenter son petit réseau afin d’éviter la création d’un comité d’entreprise. L’écart en prix de revient et prix de vente, surtout quand il fait fossé, laisse en général, mettons, une sale empreinte...
Source : L’Humanité 24 novembre 2009.
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