On a appris le 22 novembre 2007 qu’Ericsson fait désormais l’objet de quatre actions en justice aux Etats-Unis. Il y en avait déjà une mais, là, trois nouveaux plaignants se sont ajoutés, au bas mot, car il s’agit de "class actions" (actions collectives), cette forme de plainte en justice qui permet à quiconque de s’y joindre qui s’estime lésé par le dommage visé, et réclamer réparation. Alors, on se dit benoîtement : quoi ! Quelqu’un a piqué dans la caisse chez Ericsson ? C’est un peu cela mais beaucoup plus subtil. Ericsson, pour mémoire, c’est le groupe suédois en équipements de télécommunication, numéro un mondial dans sa catégorie. Et sa grande faute, selon les plaignants, est la suivante. Ericsson aurait "délibérément induit le marché
Marché
Lieu parfois fictif où se rencontrent une offre (pour vendre) et une demande (pour acheter) pour un bien, un service, un actif, un titre, une monnaie, etc. ; un marché financier porte sur l’achat et la vente de titres ou d’actifs financiers.
(en anglais : market)
en erreur" en négligeant d’annoncer à temps, le mois dernier, ses revers en matière de profits. A temps, c’est-à-dire avant le 16 octobre 2007 lorsque Ericsson annonce que le résultat d’exploitation au 3e trimestre a chuté de 31% comparé au précédent. Son titre
Titre
Morceau de papier qui représente un avoir, soit de propriété (actions), soit de créance à long terme (obligations) ; le titre est échangeable sur un marché financier, comme une Bourse, à un cours boursier déterminé par l’offre et la demande ; il donne droit à un revenu (dividende ou intérêt).
(en anglais : financial security)
plongera, sur le coup, de 25%. Rebelotte, le 19 novembre, nouvelle communication pessimiste, nouveau plongeon, de 11%. Coup de grâce, le 22 novembre 2007, lorsque les trois nouveaux plaignants se feront connaître, le titre repique du nez, de 8,25%, ce qui signifie que, depuis le début de l’année, la valeur boursière d’Ericsson a perdu 48%, soit quelque 30 milliards de dollars, envolés en fumée. Les "investisseurs" (les actionnaires, comme on disait avant) n’apprécient pas. C’est leurs opérations spéculatives qui en prennent un coup. Donc, ils attaquent en justice. Le "marché" (autre nom pour les spéculateurs) a été induit en erreur. Ericsson "vaut" moins qu’avant et voilà le scandale. C’est une fable, on s’en doute, mais une fable qui est bien dans le goût du jour.
Source : Financial Times, 22 novembre 2007. (Quiconque s’intéresse à la financiarisation
Financiarisation
Terme utilisé pour caractériser et dénoncer l’emprise croissante de la sphère financière (marchés financiers, sociétés financières...) sur le reste de l’économie. Cela se caractérise surtout par un endettement croissant de tous les acteurs économiques, un développement démesuré de la Bourse et des impératifs exigés aux entreprises par les marchés financiers en termes de rentabilité.
(en anglais : securitization ou financialization)
de l’économie et, donc, aux soubassements théoriques de ce dont Ericsson n’est qu’une éphémère anecdote lira avec fruit l’analyse de François Chenais dans le Monde diplomatique, n°644 de novembre 2007 : ""L’immobilier californien bouscule la croissance
Croissance
Augmentation du produit intérieur brut (PIB) et de la production.
(en anglais : growth)
chinoise".)