Carte d'identité

Secteur Distribution
Naissance 1867
Siège central Rue Osseghem, 1080, Molenbeek, Belgique
Chiffre d'affaires 21,4 milliards d’euros (2014)
Bénéfice net 90 millions d’euros (2014)
Effectifs 149 318 (dont 16.271 en Belgique)
Site web http://www.delhaizegroup.com/
Président Frans Muller
Actionnaires principaux Citibank (10, 62%), Silchester International Investor LLP (9, 97%), BlackRock Group (4, 86%), JP Morgan Assets (3, 04% depuis début 2015)
Marques Delhaize, Taste of Inspiration, Eco, Bio, Care, 365…
Filiales Plus de 80 filiales dans le rapport annuel 2014. Alfa-Beta Vassipoulos (Grèce), Delhaize America, Food Lion America, Mega Image (Roumanie), P.T. Lion Super Indo (Indonésie)…
Géographie Présence dans 7 pays (Belgique, Luxembourg, Grèce, États-Unis, Roumanie, Serbie, Indonésie)
Comité d'entreprise européen oui

Ratios 2015

 
Marge opérationnelle % 2,85
Taux de profit % 5, 93
Taux de solvabilité % 39, 38
Taux de dividende % 45, 08
Part salariale % 70, 11
Taux de productivité (€) 39 067 euros
Fonds roulement net (€) 568 millions

Observatoire des Comptes

Bilan

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Actionnariat du groupe 2014

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Actionnariat et contours
du groupe en Wallonie


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Historique

D’entreprise familiale née à la fin du XIXe siècle, Delhaize a traversé le XXe siècle et s’est imposé comme l’un des distributeurs majeurs du pays. Depuis les années 90, le groupe s’était développé à l’international (États-Unis, Europe de l’est et du sud), jusqu’à la restructuration de 2014 et l’absorption par le distributeur néerlandais Ahold en juin 2015.

Romain Gelin*

1867-1914 : l’essor d’une affaire familiale

La société « Delhaize Frères » est fondée en 1867 à Ransart par Jules et Auguste Delhaize. Ils ouvrent leur premier magasin à Charleroi, et y vendent des denrées coloniales, des épices, du vin et des spiritueux. En 1871, la société devient Delhaize Frères et cie. Jules, Auguste, Edouard et leur beau-frère Jules Vieujant en sont les fondateurs. Trois ans plus tard, la société est dissoute et partagée en deux entités. La première créée par Auguste Delhaize avec le soutien financier de sa belle-famille prend le nom d’Auguste Delhaize et cie. Ses frères et leur beau-frère, ainsi que leur cadet Léopold créent la société Delhaize Frères et cie.

En 1875, la société compte déjà 21 magasins (13 en Wallonie, 7 en Flandre et 1 à Bruxelles). Et c’est en 1883 que le siège de cette dernière est transféré rue Osseghem à Molenbeek. Les entrepôts et la fabrique de l’entreprise sont directement reliés au rail, à proximité de la Gare de l’ouest. Cette même année, l’entreprise décide d’ajouter « Le lion » à son nom, un des emblèmes du pays.

À partir des années 1880, la croissance de la consommation privée en Belgique s’accompagne de l’essor des détaillants alimentaires dont le nombre sera multiplié par deux en l’espace de 30 ans [1]. Le modèle de développement de l’entreprise se base sur un entrepôt central et une multitude de points de vente et de succursales. Cela permet à l’entreprise de bénéficier à la fois de prix de gros par l’achat de volumes importants, mais aussi de garder une certaine proximité avec la clientèle.

Delhaize décide rapidement de fabriquer des produits sous sa propre marque : le meilleur moyen de réduire ses dépenses et donc ses prix. Dès 1875, l’entreprise déclare torréfier son café elle-même, puis posséder des usines de savon, soda, brosses puis de chocolat, une distillerie de liqueur… Pour tout ce qui ne pouvait être produit directement par Delhaize, l’objectif sera d’éliminer au maximum les intermédiaires et de passer directement par les producteurs. En 1900, le groupe possède déjà plus de 450 magasins.

En 1907, afin de garantir le contrôle familial sur l’entreprise, les 770 actions de 10.000 francs deviennent nominatives et ne peuvent désormais être cédées qu’avec l’accord du conseil d’administration.

Très tôt déjà, le groupe a recouru au système des franchises [2]. Juste avant la Première Guerre mondiale, la moitié des magasins étaient déjà franchisés (avec l’obligation pour les franchisés de s’approvisionner auprès de Delhaize) [3]. L’apparition des premières franchises du groupe reste difficile à dater précisément (autour de 1900). L’avantage était de pouvoir étendre son enseigne sans encourir des risques financiers, mais également d’écouler ses productions sans ouvrir de nouveaux magasins. Dans l’esprit du consommateur, cela ne faisait d’ailleurs aucune différence. En trente ans, la société ouvre plus de 700 succursales réparties aux quatre coins du pays et s’associe avec 1500 négociants indépendants.

1914-1957 : De la Grande Guerre aux premiers supermarchés

Mais les activités industrielles du groupe vont être minées par la Première Guerre mondiale. 300 travailleurs étaient employés dans les usines Delhaize en 1913/14, ils ne seront plus que 123 en 1919. Dès 1921, l’entreprise investit dans de nouveaux bâtiments et décide de rationaliser ses activités de production. Jules Vieujant devient l’unique dirigeant de l’entreprise après la mort de Jules Delhaize en 1928.

En 1929, le chiffre d’affaires des usines Delhaize a chuté de 32% comparé à 1913 tandis que les ventes en magasin continuent de croitre. Durant la grande dépression des années 30, Delhaize lance Derby, une gamme de produits discount. La société développera aussi des activités au Congo (une colonie belge à l’époque), via une filiale. La société devient une SPRL [4] en 1937. En 1944, 744 magasins Delhaize Le lion étaient implantés partout en Belgique, Auguste Delhaize et cie en possédait tout autant.

Au sortir de la 2e guerre mondiale, la société prend la décision de fermer les 23 fabriques de produits Delhaize situées à Bruxelles et Bruges afin de se concentrer sur la distribution. Les fournisseurs devront par la suite se conformer aux normes de la marque Delhaize qui décide de sous-traiter sa production.

En 1950, Delhaize rachète les titres de la société Auguste Delhaize et cie qui est absorbée. Les années 50 ont été une période d’essor pour l’économie dans son ensemble, avec le développement de la consommation de masse et la démocratisation de produits d’équipement comme les réfrigérateurs. C’est en 1957 que le premier supermarché du groupe Delhaize est ouvert à Ixelles (également le premier supermarché de Belgique), proposant de nombreux produits en libre-service.

En 1962, l’entreprise prend le statut juridique de société anonyme. Le capital est ouvert au public sous la conduite d’Octave Vieujant (le demi-frère de Jules Vieujant) et le groupe fait son entrée à la bourse de Bruxelles. 25.000 titres sont alors mis en vente par la compagnie financière Lacourt (une filiale de Paribas) et 125.000 offerts en souscription publique [5]. Les descendants des deux familles fondatrices conservent la majorité des parts de l’entreprise et gardent le contrôle de sa gestion.

Loi cadenas et internationalisation

Les activités à l’étranger vont se développer à partir des années 1970. La loi dite « de cadenas », adoptée en 1975, qui réduisait les possibilités d’implantation commerciale dans les centres-ville – afin de préserver les petits commerces – en sera l’une des causes. Les nouvelles implantations commerciales devront dès lors obtenir deux autorisations : le permis d’urbanisme et le permis socio-économique.

Les premiers investissements du groupe aux États-Unis remontent à 1974. Le groupe belge devient alors actionnaire majoritaire de la chaîne de supermarchés « Food Town Store » et de ses 22 supermarchés. Food Town sera renommé « Food Lion » dans les années qui suivent. Via DETLA (Delhaize The Lion America inc), une société fondée dans le Delaware - un paradis fiscal -, le groupe fait l’acquisition d’Alterman Foods (devenue Food Giant inc) et de ses 89 supermarchés en 1980. En 1983, le groupe possédait déjà plus de 225 magasins aux États-Unis.

En 1986, les activités américaines représentent 67,7% du chiffre d’affaires du groupe et 81,9% dans le bénéfice consolidé [6]. Le développement aux États-Unis se poursuit durant la décennie 1980.

À l’est, du nouveau

En 1989, la chaîne de magasins Tom & Co, spécialisée dans les fournitures et aliments pour animaux de compagnie, est lancée de même que « Caddy-Home », un service de livraison à domicile.

Après la chute du mur de Berlin et l’ouverture des marchés de l’est, Delhaize s’implante en République tchèque en 1991 et y ouvre son premier magasin en association avec Delvita. L’année suivante, celle des 125 ans du groupe, une participation dans Alfa Beta Vassilopoulos (14 supermarchés à Athènes et en périphérie) est acquise ; Delhaize s’implante en Grèce puis en Slovaquie (également avec Delvita).

Les acquisitions aux États-Unis se poursuivent avec le passage sous le giron de Delhaize de la chaîne Kash and Karry (Floride) en 1996. En 1997, Delhaize décide de s’implanter en Asie (Thaïlande, Indonésie, Singapour en 1999) afin de bénéficier de la croissance dans la région et augmente ses participations en Slovaquie et République tchèque. Le groupe s’associe par ailleurs à la société Comptoirs modernes pour développer les supermarchés P.G. dans le nord de la France. Les parts seront revendues trois ans plus tard à Carrefour.

Cessions, acquisitions et restructuration

En 2000, Delhaize America acquiert Hannaford, une chaîne de supermarchés du nord-est des États-Unis (152 magasins) et devient le 6e plus grand distributeur sur le marché américain. Delhaize acquiert 51% de Mega-image, le distributeur roumain le plus important la même année.

Delhaize est côté pour la première fois sur le New York Stock Exchange sous le sigle « DEG » en 2001. Il s’agit de la première entreprise belge cotée à New York. Le groupe rachète le capital flottant de sa filiale Delhaize America et sa capitalisation boursière double alors. La structure de gestion du groupe est modifiée (5 administrateurs supplémentaires rejoignent le Conseil d’administration et un « Office of the CEO » est créé).

La filiale grecque de Delhaize rachète en 2001 le 6e distributeur du pays et se positionne dès lors comme le 2e distributeur alimentaire en Grèce. Delhaize rejoint également EMD, le premier groupement d’achat européen. Cela concernera seulement ses activités européennes (Grèce, République Tchèque et Slovaquie, Roumanie). La participation dans les activités à Singapour est cédée.

En 2005, le Groupe Delhaize acquiert Cash Fresh, une chaîne de 43 supermarchés dans le nord-est de la Belgique. Les activités en Slovaquie sont vendues à l’allemand REME. En 2006, Delhaize cèdera également ses activités en République Tchèque (Delvita) au même distributeur allemand pour un montant de 100 millions d’euros. L’opération s’achèvera en 2007 [7] tandis que les activités se développent via les filiales roumaines et grecques et le rachat de concurrents locaux.

Le Groupe s’implante en Serbie à partir de 2011 en acquérant Delta Maxi Group (450 magasins dans le sud-est de l’Europe : Serbie, Bulgarie, Bosnie-Herzégovine, Monténégro et Albanie). Trois ans plus tard, en 2014, Delhaize décide de se débarrasser de ses activités bulgares et bosniennes. Le distributeur belge choisit cette même année de rejoindre le groupement d’achat Coopernic.

En juin 2014, un plan de restructuration – la direction parlera de « plan de transformation » - est annoncé par l’entreprise. Le plan prévoit alors la fermeture de 14 magasins et la suppression de 2.500 emplois. Par ailleurs, la direction souhaite faire baisser les coûts salariaux en supprimant le quart d’heure de pause payé, en modifiant les barèmes salariaux, …

L’annonce brutale de cette restructuration, la plus importante dans la grande distribution belge depuis celle de Carrefour en 2010, a surpris le personnel et les syndicats. Des actions de grève seront organisées en juin, et de septembre à décembre, avec une grève générale dans les magasins du groupe le 17 octobre 2014. Dans le courant du mois de décembre 2014, la direction propose un préaccord aux syndicats. Celui-ci sera accepté par le personnel et les syndicats en février 2015 [8]. Quatre magasins seront finalement sauvés, tandis que 9 passeront sous franchise et un sera fermé. 1.800 personnes seront touchées par le plan de restructuration (départs volontaires avec complément chômage payé par Delhaize, départs en prépension).

Le passage de nouveaux magasins en franchise illustre la stratégie du groupe consistant à se débarrasser des sites de vente les moins rentables. Sur les quelques 880 magasins du groupe en Belgique, seuls 150 sont intégrés, c’est-à-dire gérés directement par le groupe. Cette politique permet à Delhaize de ne plus supporter les risques commerciaux sur ces magasins ni de gérer directement le personnel tout en ayant la garantie que ses produits seront achetés et écoulés par le franchisé. Les magasins franchisés sont souvent des PME, et la représentation syndicale n’y est donc pas obligatoire. De plus, les franchises permettent aux patrons de placer leurs employés sous une commission paritaire (CP 201) beaucoup moins avantageuse pour le personnel (salaires inférieurs, primes moindres, travail le weekend …).

Seulement quelques jours après la signature de l’accord, le groupe a annoncé augmenter, de 3% par rapport à l’année précédente, le dividende distribué à ses actionnaires (1,60 euro par action). Une démarche « scandaleuse », selon la Setca [9], « alors que le groupe est en pleine restructuration et que les travailleurs vont devoir se serrer la ceinture ». Le groupe lui ne cache pas sa politique à cet égard, l’objectif étant « de payer, dans la mesure du possible un dividende qui augmente de manière régulière » [10].

Le groupe a récemment annoncé sa volonté de développer le paiement par smartphone. Le développement de magasins dans lesquels le client scanne lui-même ses produits, de même que les services de commandes en ligne participent aussi de cette volonté de limiter les coûts salariaux et le nombre de personnes travaillant pour l’enseigne. Les actionnaires apprécieront, les salariés probablement moins.

Fin programmée du groupe familial et absorption par Ahold

Si la Belgique est longtemps demeuré un marché historique pour l’entreprise, les États-Unis ont fini par devenir le marché le plus important pour le groupe Delhaize (Chiffre d’affaires de 13,4 milliards d’euros et 1295 magasins). Food Lion et Hannaford, implantés principalement sur la côte Est des États-Unis représentent près de 63% des revenus du groupe au moment de la fusion avec Ahold.

Depuis les années 2000, de nouveaux investisseurs (sociétés d’investissement, banques, assurances, …) étaient progressivement montés au capital du groupe. La tradition de nommer un patron issu des familles fondatrices a cessé avec le départ de Pierre-Olivier Beckers remplacé par Frans Muller en 2013. Les familles seront représentées dans la nouvelle entité par Jacques de Vaucleroy qui dispose d’un siège au sein du conseil de surveillance d’Ahold-Delhaize. Les familles fondatrices étaient toujours présentes à hauteur de 20% du capital du groupe (mais sans nécessairement agir de concert au sein d’un pacte d’actionnaires comme on peut l’observer dans d’autres groupes comme Carrefour ou Colruyt par exemple), leur position sera encore fragilisée dans le nouvel ensemble.

En 2013, Gino Van Ossel professur de retail et trade marketing expliquait que ’le scénario où la Belgique serait vendue parce que n’étant pas un marché de croissance n’est pas totalement [à exclure]. Il faut enlever ses œillères : Delhaize n’est pas belge pour l’éternité.’ [11] Une prédiction qui se révèlera correcte avec la fusion du groupe deux ans plus tard.

*Chercheur Gresea

Gelin, Romain, "Delhaize", Gresea, avril 2015, mise à jour 29 Juin 2015, texte disponible à l’adresse : http://www.mirador-multinationales.be/secteurs/distribution/article/delhaize


[1Van den Eeckhout et Scholers, « The strategy of a belgian multiple grocer : Delhaize le lion, 1867-1940. An essay in comparative retailing history », 2011, in Entreprises et Histoire, 2011, numéro 64, p41-63.

[2Droit d’exploiter une marque, concédé par une entreprise à une autre.

[3Van den Eeckhout et Scholers, 2011, ibid.

[4Société privée à responsabilité limitée

[5« LA DISTRIBUTION EN BELGIQUE (II) », Courrier hebdomadaire du CRISP, 1978/5 n° 790, p. 1-29. DOI : 10.3917/cris.790.0001

[6Vincent Anne et Lentzen Evelyne, « Les investissements belges aux États-Unis », Courrier hebdomadaire du CRISP, 1987/15 n° 1160, p. 1-47. DOI : 10.3917/cris.1160.0001

[9Syndicat des employés, techniciens et cadres (de la FGTB)

[11Gino Van Ossel, professeur en Retail et Trade marketing à la Vlerick Business School, cité par La Libre, 18 mai 2013 : http://www.lalibre.be/economie/libre-entreprise/delhaize-perd-son-patron-et-sa-belgitude-51b8fcb9e4b0de6db9ca861c

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