Inquiétudes au sujet de la nouvelle version du traité dans le cadre du Groupe de travail intergouvernemental de l’ONU
ONU
Organisation des Nations Unies : Institution internationale créée en 1945 pour remplacer la Société des Nations et composée théoriquement de tous les pays reconnus internationalement (193 à ce jour). Officiellement, il faut signer la Charte de l’ONU pour en faire partie. L’institution représente en quelque sorte le gouvernement du monde où chaque État dispose d’une voix. Dans les faits, c’est le Conseil de sécurité qui dispose du véritable pouvoir. Il est composé de cinq membres permanents (États-Unis, Russie, Chine, France et Grande-Bretagne) qui détiennent un droit de veto sur toute décision et de dix membres élus pour une durée de deux ans. L’ONU est constituée par une série de départements ou de structures plus ou moins indépendantes pour traiter de matières spécifiques. Le FMI et la Banque mondiale, bien qu’associés à ce système, n’en font pas officiellement partie.
(En anglais : United Nations, UN)
chargé de la négociation de l’« instrument juridiquement contraignant pour réglementer les activités des sociétés transnationales (STN) et autres entreprises commerciales en matière de droits de l’homme ».
Les organisations membres de la Campagne mondiale pour revendiquer la souveraineté des peuples, démanteler le pouvoir des transnationales et mettre fin à l’impunité (ci-après Campagne mondiale) prennent note de la publication de la nouvelle version du projet de traité contraignant, rendue publique le 6 août 2020. Ce nouveau texte [1] constitue la base de la négociation d’un instrument international juridiquement contraignant sur les sociétés transnationales (STN) dans le domaine des droits de l’homme.
Pour rappel, l’élaboration d’instruments internationaux de protection des droits humains a pour but de lutter contre les violations commises par les multinationales. Les négociations en cours sont le résultat des lues historiques des mouvements sociaux et des communautés affectées, ainsi que des avancées juridiques réalisées au cours des décennies, dans le but de garantir la dignité humaine.
Le futur traité est censé apporter des améliorations par rapport aux instruments juridiques déjà existants au niveau international. Par exemple, il doit innover au-delà des Principes directeurs des Nations unies qui sont insuffisants pour combler le déficit de responsabilité des STN et garantir l’accès à la justice pour les personnes affectées par leurs activités. Le traité contraignant doit combler le vide juridique et réglementaire qui existe actuellement en ce qui concerne les STN.
C’est pourquoi, après une première lecture de la nouvelle version du projet, nous souhaitons exprimer notre inquiétude quant à certains aspects qui, nous le craignons, empêcheront le futur instrument d’atteindre son objectif de réglementation des activités des STN. En règle générale, malgré quelques développements positifs, le projet suit toujours la ligne de la mouture précédente et reste faible quant aux aspects fondamentaux nécessaires pour atteindre son véritable objectif tel que prévu dans la résolution 26/9. En quelques mots, le traité a perdu son âme.
Premièrement, car l’extension du champ d’application à toutes les entreprises, sans distinction, est maintenue et exacerbée, ce qui est contraire à l’objectif historique de l’instrument et à la résolution 26/9 qui fait clairement référence aux entreprises « ayant une activité transnationale
Transnationale
Entreprise, généralement assez grande, qui opère et qui a des activités productives et commerciales dans plusieurs pays. Elle est composée habituellement d’une maison mère, où se trouve le siège social, et plusieurs filiales étrangères.
(en anglais : transanational)
». En outre, il est important de souligner que de nombreuses proposions faites par les mouvements sociaux, les représentants des communautés affectées et certains États lors de la cinquième session n’ont pas été incluses. Nous pouvons mentionner entre autres : l’absence de reconnaissance des obligations des STN en matière de respect des droits humains ; l’absence de référence aux chaînes de valeur mondiales, piliers de l’architecture des entreprises transnationales ; l’absence de mécanismes juridiques internationaux efficaces tels qu’une cour internationale pour mettre en œuvre le traité et pour sanctionner en cas de non-respect dudit traité ; l’absence de reconnaissance sans équivoque de la primauté du droit international des droits humains sur tout autre instrument juridique, en particulier sur les accords de commerce et d’investissement
Investissement
Transaction consistant à acquérir des actifs fixes, des avoirs financiers ou des biens immatériels (une marque, un logo, des brevets…).
(en anglais : investment)
. Nous sommes également alarmés par l’insuffisance des disposions visant à traiter efficacement le problème de l’influence indue des entreprises ; un problème central pour remédier à l’asymétrie de pouvoir drastique entre les grandes STN et les États, en particulier dans les pays du Sud.
En outre, le projet de traité n’impose pas non plus de responsabilité conjointe et solidaire à toutes les entreprises impliquées dans une violation le long de la chaîne de valeur et affaiblit la responsabilité des sociétés mères et/ou de contrôle par rapport à la version précédente.
Ces lacunes mettent en danger l’efficacité du traité, en diluant les efforts visant à réglementer tous les aspects de l’architecture des STN et en mettant fin à l’impunité qui en résulte. Au lieu de cela, le projet opte pour des disposions plus génériques, déchargeant les STN de leur responsabilité et sa mise en œuvre dépendra en fin de compte de la volonté politique des États. En bref, nous sommes confrontés à un projet de traité qui a été fortement vidé de sa portée transnationale, c’est-à-dire de sa raison d’être.
Nous voudrions soulever un dernier élément important. Une négociation comme celle-ci – où la présence et la participation active de la société civile, en particulier des groupes représentant les personnes affectées par les violations, ainsi que les mouvements sociaux, a toujours été l’un des piliers centraux de ce processus – doit tenir compte des circonstances liées à la pandémie de Covid19. Il existe de nombreux obstacles à la garantie d’une participation satisfaisante aux négociations, notamment les crises actuelles qui touchent de nombreux pays, en particulier dans le Sud, l’impossibilité ou le risque associé au fait de voyager et d’être présent lors des négociations. La pandémie pose également de sérieux défis en ce qui concerne le soutien à la mobilisation des communautés et personnes affectées afin de leur permettre de porter leurs revendications à la table des négociations. Il est clair que ces obstacles ne permettraient pas un engagement à la hauteur de l’importance des enjeux de ce traité.
En ce sens, nous considérons que les conditions adéquates ne sont pas réunies pour que la sixième session du groupe de travail se déroule comme une session de négociation, et qu’il convient plutôt d’explorer des alternatives, comme par exemple d’avoir des consultations sur le nouveau projet, qui doit répondre à des conditions claires pour assurer l’inclusion et la participation de la société civile. En effet, mener les négociations dans un contexte où leur participation est réduite risque sérieusement de compromettre la contribution essentielle des acteurs de la société civile, en particulier de ceux et celles qui sont affecté-e-s par les activités des STN. Tenter d’avancer dans ces conditions remettrait en cause la légitimité d’un processus qui a été très riche jusqu’à présent, précisément en raison de la parcipation active d’un large éventail d’acteurs, en particulier de la société civile et des populations affectées.
Pour plus de détails veuillez contacter : Raffaele
AELE
Association Européenne de Libre-Échange : Groupement de pays européens réunis en association depuis 1960 et à l’initiative de la Grande Bretagne, pour favoriser entre eux la libre circulation des marchandises et faire face à la constitution de la CEE. Composée initialement de sept États, cette association compte encore quatre membres : l’Islande, le Liechtenstein, la Norvège et la Suisse. Trois d’entre eux (sauf la Suisse) ont conclu avec l’Union européenne un accord pour étendre le marché intégré sur leur territoire. C’est l’espace économique européen.
(En anglais : European Free Trade Association, EFTA)
Morganni (contact cem.ch)
Plus d’informations : hps ://www.stopcorporateimpunity.org/binding-treaty-un-process/