Carte d'identité
Secteur | Distribution |
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Naissance | 1959 |
Siège central | Boulogne-Billancourt (92100, France) |
Chiffre d'affaires | 74,3 milliards d’euros |
Bénéfice net | 1,1 milliards d’euros |
Effectifs | 319.565 |
Site web | http://www.carrefour.com |
Président | Alexandre Bompard |
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Actionnaires principaux | (août 2022): Famille Moulin (10, 7%), Famille Diniz (8, 43%), Schroder Investment Management (2, 49%), The Vanguard Group (2, 14%) |
Marques | Champion, Shopi, Attacadao, Dia, ED, 8 à huit… |
Filiales | Alodis, Amidis, Boedim, Finifac, Carrefour Banque, Carrefour France, Carrefour Asia, Carrefour Nederland, Norfin Holder, Northshore Particiation, GMR , et Carrefour Italie, Euromarché (participations minoritaires)… |
Géographie | Présence dans 34 pays. Marchés principaux : France, Belgique, Italie, Espagne, Pologne, Roumanie, Inde, Chine, Taiwan, Brésil, Argentine |
Comité d'entreprise européen | oui |
Ratios 2021 |
|
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Marge opérationnelle % | 3,06 |
Taux de profit % | 9, 06 |
Taux de solvabilité % | 46, 42 |
Taux de dividende % | 35, 73 |
Part salariale % | 61, 55 |
Taux de productivité (€) | 37.035 |
Fonds roulement net (€) | -4, 37 milliards d’euros |
Observatoire des Comptes
Actionnariat du groupe 2022
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Actionnariat et contours
du groupe en Wallonie
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Historique
L’histoire du groupe débute en 1959. Trois familles (Fournier, Badin et Defforey) qui exploitaient un supermarché pratiquant des prix discount créent la société Carrefour. L’année suivante, après l’annonce de l’installation en Haute-Savoie d’un autre distributeur (Leclerc), Marcel Fournier décide de transformer les 190 m2 du sous-sol de sa quincaillerie en une épicerie de gros. Le premier supermarché Carrefour ouvre ses portes à Annecy en Haute-Savoie en 1960.
Romain Gelin*
Trois ans plus tard, en 1963, le premier hypermarché de l’enseigne s’établit en région parisienne (le terme d’ « hypermarché » ne sera en fait adopté qu’en 1967). Marcel Fournier, qui a découvert le modèle de l’hypermarché et de la distribution de masse lors d’un voyage aux États-Unis quelques années auparavant, va s’inspirer des recettes observées outre-Atlantique, en proposant un large choix de produit en libre-service, de volumineux parkings pour voitures, des bas prix et un important battage publicitaire. Le succès est immédiat, le magasin très vite saturé et l’investissement de départ amorti en trois ans.
Les pouvoirs publics ne voient alors pas la grande distribution d’un mauvais œil. En période d’inflation, et dans un contexte où la part du budget des ménages consacrée à l’alimentation demeure un poste de dépenses important, la possibilité d’avoir affaire à une distribution centralisée (plus facilement contrôlable que les petits commerçants à qui l’on reproche de frauder le fisc, de profiter du marché noir) et qui se donne pour objectif de faire baisser les prix semble recevoir l’assentiment des dirigeants politiques de l’époque [1].
Grâce au succès que connait la grande distribution, les rapports avec les fournisseurs vont peu à peu évoluer. Si ces derniers avaient été des alliés au départ (afin de court-circuiter les grossistes), les distributeurs vont assez vite acquérir une position de force et pouvoir imposer des rabais et ristournes en contrepartie des volumes achetés.
Poursuite des implantations locales et développement à l’étranger
Dès 1969, Carrefour ouvre son premier supermarché hors de ses bases, en Belgique. En 1970, le groupe est introduit à la bourse de Paris. La décennie 1970 marque une période de croissance rapide de l’entreprise, profitant de l’essor de la grande distribution dans la société.
C’est également à partir des années 1970 que les premiers conflits avec les petits commerçants et leur syndicat, le CIDUNATI (Confédération intersyndicale de défense et d’union nationale des travailleurs indépendants – proche de Pierre Poujade) vont naître : ceux-ci reprochant aux grands distributeurs de casser les prix et de faire concurrence déloyale.
En 1973, la loi Royer est la première loi à réglementer l’urbanisme commercial en France. Les ouvertures de magasins seront désormais limitées, et devront faire l’objet de l’approbation des commissions départementales d’urbanisme. L’objectif étant de contenir le pouvoir des grands distributeurs et de sauver les petits commerces. Comme l’expliquent Collombat et Servenay [2] : « Dans les faits, cette loi n’empêche rien du tout. Elle organise juste, avec la bénédiction des pouvoirs publics, un système d’entente généralisée : aucune nouvelle enseigne ne parviendra à se créer après 1973, aucun groupe étranger n’arrivera à pénétrer sur le territoire français pendant 30 ans ». Pour preuve, le nombre d’hypermarchés de l’enseigne aura été multiplié par 4 entre 1974 et 1997 [3]
Les élus locaux garderont aussi une attitude bienveillante avec des distributeurs, qui participent volontiers à des projets d’urbanisation locaux, acceptent de s’implanter dans les nouvelles zones de développement en périphérie des villes et de participer financièrement aux aménagements publics. Les emplois créés, les bénéfices en termes de recettes fiscales, et la participation aux « bonnes œuvres » des villes seront autant d’arguments mis en avant par les distributeurs pour étendre leurs activités [4]. L’approbation des nouvelles implantations commerciales dans les villes soumises à l’accord de la commission départementale d’urbanisme donnera lieu à plusieurs scandales de pots de vins et de financement occulte de partis politiques dans les années 70 et 80. [5]
Parallèlement, le développement à l’international se poursuit pour le groupe. En 1973, le premier supermarché Pryca (pour Precio y Calidad) ouvre en Espagne en association avec la société Simago. En 1975, le groupe décide de s’implanter pour la première fois hors du continent européen, au Brésil. Les activités à l’étranger continuent de s’étendre au début des années 1980 avec la première implantation en Argentine en 1982. La difficulté (relative) de développer de nouveaux points de vente sur le territoire français, en raison de la loi Royer, pousse le groupe à la croissance externe et à l’internationalisation. À noter également, la création de l’enseigne « Ed » en Espagne en 1979 et la volonté pour le groupe de développer le « discount ». Carrefour développera aussi durant cette période ses magasins franchisés (76 en 1969, 218 en 1972 et 337 en 1977) [6].
Le tournant des années 80 : Multinationalisation et fin du groupe familial
Si le groupe avait été dirigé par ses fondateurs depuis son origine, dans un modèle de « capitalisme familial », la donne va changer dans les années 80. En 1979, Marcel Fournier, cofondateur, dirigeant et actionnaire du groupe Carrefour se retire. Il décède en 1985. Denis Defforey, héritier de l’une des familles fondatrices prend la tête du groupe. Michel Bon, un énarque passé par l’Inspection des finances et le secteur bancaire [7] et qui avait intégré le groupe en 1985, devient directeur général puis président jusqu’en 1992. Il sera le premier dirigeant extérieur au groupe Carrefour.
Sous la direction de son PDG, Carrefour continue de s’étendre à l’étranger. Le groupe s’implante pour la première fois aux États-Unis et à Taïwan en 1989. C’est également la période des acquisitions pour le distributeur. Depuis les années 1980, de nombreuses enseignes régionales avaient déjà été acquises (Escale, Berthier, Sabeco, Disque bleu, SND, GEM, Sodima…) et le groupe poursuit ce mouvement à l’aube des années 1990. Carrefour tente également de se diversifier durant les années 80. Il crée une filiale commune avec Castorama puis entre au capital de But International en 1987 avec la volonté de se développer dans le commerce spécialisé (voir tableau ci-dessous). En 1988, Carrefour entre au capital de Dubois Investissement (qui détient 95% de Castorama).
Les investissements minoritaires d’alliance effectués par Carrefour de 1984 à 1991. (Tiré de Pariente, 1998, op.cit.)

En 1991, Carrefour rachète Euromarché, l’un de ses concurrents, pour 5 milliards de francs français, et rafle par la même occasion plus de 77 magasins du groupe. Montlaur, une autre entreprise du secteur alors en dépôt de bilan, est acquise pour plus d’un milliard de francs français (environ 160 millions d’euros). Le distributeur entre aussi au capital de Picard en 1991 (produits surgelés).
En 1992, Daniel Bernard (ancien PDG de Metro AG) prend les rênes du groupe. Les participations de Carrefour dans Castorama et But sont soldées. Ceci marque la fin de la diversification et le recentrage sur la distribution, cœur de métier du groupe. Sous la direction de Daniel Bernard, la firme va intensifier son essor à l’international.
En 1993, Carrefour s’implante en Italie et Turquie, en 1994 au Mexique et en Malaisie. Le groupe Carrefour monte une coentreprise avec un partenaire chinois pour développer des supermarchés à Pékin et Shanghai. Les premiers supermarchés chinois de l’enseigne ouvrent en 1995. En 1996, c’est au tour de la Thaïlande, de la Corée du Sud et de Hong-Kong d’accueillir des magasins de l’enseigne, imités par Singapour et la Pologne en 1997.
Le temps des fusions acquisitions
En 1997, l’entreprise « Comptoirs modernes » et ses 500 supermarchés « Stoc » sont rachetés. Carrefour devient alors le 4 distributeur mondial et dépasse son concurrent Métro. Deux ans plus tard, et il s’agit là d’une des opérations les plus importantes dans l’histoire du groupe, Carrefour fusionne avec Promodès. Une raison à cette fusion tient dans la crainte d’un rachat de Carrefour par Wal-Mart qui était alors désireux de s’implanter en Europe.
Lors de sa fusion avec Promodès, qui détenait des participations importantes dans plusieurs enseignes de distribution (Continent, Hyperchampion, GB – depuis 1998-, Shopi, 8 à huit, Dia…), Carrefour va donner naissance au premier distributeur européen et au deuxième mondial derrière Wal-Mart. Les enseignes des deux groupes sont rationalisées : les magasins « Continent » prennent le nom de « Carrefour » et « Stoc » devient « Champion ».
En 2000, plusieurs augmentations de participations sont décidées par le groupe nouvellement fusionné (Norte en Argentine et Marinopoulos en Grèce, prise de contrôle de Grupo GS en Italie). En Belgique, notons aussi l’augmentation de participation dans GB (Promodès en détenait 27,5% depuis 1998). GB devient dès lors une filiale à 100% de Carrefour. Le groupe Carrefour crée la filiale Carrefour Belgium dans la foulée (voir encore l’encadré, plus loin). Carrefour s’associe avec Maus en Suisse la même année et s’implante au Japon.
Pertes de part de marché et rationalisation
Les années qui suivent la fusion avec Promodès s’avèrent difficiles pour le nouveau géant de la distribution. Les parts de marchés en France et en Espagne au début des années 2000 diminuent. Ces deux pays sont ceux qui contribuent le plus au résultat du groupe (près de 68% des ventes). La hausse du chiffre d’affaires se ralentit pour l’ensemble du groupe et régressera même légèrement pour la branche « hypermarchés » [8].
Entre 2001 et 2007, les prises de participations et les cessions se succédent dans un jeu d’achat-revente incessant, au gré des opportunités(nouveaux relais de croissance) et surtout des volontés de l’actionnariat de récupérer des dividendes (cession d’activité pour récupérer des liquidités). Carrefour Argentine prend le contrôle de Norte. Carrefour et AG cèdent leurs participations croisées en France et en Italie. La participation de 42% de Carrefour dans Cora est cédée à Deutsche Bank. Dans le même temps, Carrefour s’implante en Roumanie, et prend des participations au Portugal.
En 2002, Carrefour rachète des hypermarchés en Italie (Hyparlo) et devient actionnaire à 100% de Carrefour Colombie. L’activité optique est abandonnée à Afflelou en 2003 tandis que les directions de GB et de Laurus signent un accord qui prévoit le passage sous enseigne Super GB Partner ou Contact GB de vingt supermarchés du groupe Laurus. Carrefour s’implante en Norvège en s’associant avec Norges Gruppen et cède ses sept magasins chiliens à D&S.
En 2004, Carrefour décide du rachat de 13 hypermarchés aux Pays-Bas à Ahold et devient 2e opérateur en Pologne. Daniel Bernard quitte ses fonctions de PDG en 2005, et paie les résultats mitigés du groupe depuis la fusion avec Promodès. José Luis Duran qui a fait ses armes chez Pryca et Carrefour Espagne le remplace à la tête du directoire du groupe.
Les restructurations et le développement d’activités se poursuivent jusqu’en 2007 : Carrefour renforce ses positions et se recentre dans un certain nombre de pays cible (en Pologne, en Italie, en Turquie, à Chypre, au Brésil, à Taïwan, en Chine et en France). L’entreprise se débarrasse par ailleurs de ses activités déficitaires ou jugées pas suffisamment rentables (Japon, Mexique, République Tchèque, Espagne, Portugal, Slovaquie) en vendant des magasins, des marques et enseignes.
De nouveaux actionnaires à la barre
En 2007, Colony Capital [9] et le Groupe Arnault (LVMH notamment) renforcent leurs participations dans Carrefour [10]. Le groupe acquiert cette même année les 34 magasins du distributeur Atacadão, et devient le leader de la distribution alimentaire au Brésil [11]. L’enseigne de Hard discount Tengelmann est acquise via Dia tandis que des activités en Corée du sud et au Portugal sont vendues (le hard discount est conservé au Portugal) ainsi qu’en Suisse où les participations du groupe sont cédées à Coop.
Les deux nouveaux actionnaires créent une structure conjointe, Capital Blue, afin d’agir de concert au sein de Carrefour. La Russie et l’Inde deviennent les nouvelles cibles annoncées du groupe. La structure sera scindée en 2013, Capital Colony et le groupe Arnault conservant leurs parts dans le groupe. Fin 2008, Lars Olofsson, ancien directeur marketing chez Nestlé est nommé PDG du groupe à la place de José Luis Duran qui n’a pas su redresser le groupe et le cours de l’action [12]. Entre juin 2008 et juillet 2009, le groupe aura supprimé près de 3200 équivalents temps plein, soit environ 5000 personnes licenciées. Mais ces restructurations demeurent discrètes, car réparties dans tout le groupe (liquidation des services après-vente, centralisation des services comptables au niveau national et non plus régional…).
En 2009, Carrefour s’implante au Maroc (accord avec Label’vie). Dia, la filiale espagnole de hard discount s’implante à son tour en France. Carrefour fait son entrée en Inde en 2010, acquiert plusieurs magasins en Turquie et conclut un accord de partenariat en Indonésie. Des restructurations douloureuses auront lieu cette même année en Italie et en Belgique (voir encadré)
Carrefour en Belgique : une courte histoire, et pourtant mouvementée
Le groupe GB (pour Grand Bazar) est né en 1860. Il sera tout au long de l’histoire de la grande distribution belge un acteur majeur, en ouvrant notamment les premiers supermarchés du pays en 1958 et les premiers hypermarchés en Europe en 1961 (deux ans avant Carrefour).Au début des années 1990, les difficultés vont s’accumuler pour l‘enseigne. En 1993, une restructuration vise le quart des effectifs du groupe. Promodès entre au capital de GB en 1998.Carrefour rachète la totalité du capital de GB en juillet 2000, avec la volonté affichée de redresser l’entreprise, d’en moderniser les magasins, de proposer des prix plus attrayants et d’élargir la gamme de produits proposés. Dès le mois de mai 2000, des conflits avaient éclaté au sein de l’entreprise belge, la direction refusant d’octroyer aux salariés la participation aux bénéfices de l’entreprise. C’est en mars 2001 que la première grève a lieu, avec la réorganisation de l’entreprise, des conditions de travail (plus de flexibilité, rengaine connue) et la tentative de limiter les activités syndicales. Carrefour acceptera le versement de primes pour désamorcer le conflit. De 2003 à 2005, la situation de l’entreprise s’améliore peu à peu (2.100 personnes engagées en 2005 et gain de clientèle) bien que la part de marché de l’entreprise diminue légèrement sur la période (de 31% à 30,2%). C’est en 2007, après l’arrivée des deux actionnaires Colony Capital et le groupe Arnault que la première restructuration d’importance va se dérouler ; les nouveaux propriétaires souhaitant accroitre la rentabilité de l’entreprise. 16 supermarchés seront alors mis en franchise, 900 personnes quitteront l’entreprise (départs volontaires, prépension dès 55 ans…) et les nouvelles embauches se feront désormais sous une commission paritaire moins avantageuse pour les salariés (baisse de salaire, pas de syndicats dans les nouveaux magasins, car sous forme de PME). Des mouvements de grève ont lieu en 2008 à Bruges au moment de l’ouverture d’un hypermarché sous statut de franchisé. Il est alors prévu que le personnel soit embauché sous la commission paritaire 202.01 censée concerner le commerce de détail (et non la CP 312 normalement en vigueur dans les hypermarchés), avec pour conséquence des salaires réduits de 25 à 30% et l’absence de délégation syndicale.C’est en 2010 que Carrefour décidera d’une restructuration importante. La filiale belge du groupe a perdu des parts de marché depuis 2001 et accumulé 40 millions d’euros de pertes. Le plan proposé par le PDG Lars Olofson comprend alors la fermeture de 14 hypermarchés et 7 supermarchés (près de 1.700 emplois concernés), le passage pour l’ensemble du personnel en CP202.01, le blocage des salaires pendant 3 ans, le passage sous franchise de 7 supermarchés et la vente d’une vingtaine de magasins au groupe Mestdagh (dont Carrefour détient 25% du capital). Une grève générale a lieu le 30 avril 2010. Les négociations avec les partenaires syndicaux aboutissent à un accord fin mai 2010 : les pertes d’emploi s’avèreront moins importantes que prévu (650 emplois sauvés) et il n’y aura pas de licenciements secs (départs volontaires, prépensions, reclassements internes…). Si les conséquences sociales d’un tel plan sont évidemment désastreuses pour les employés de l’entreprise, la restructuration – et la cession de dizaines de magasins- n’aura provoqué qu’une diminution de 6,7% du chiffre d’affaires de Carrefour Belgium, tandis que Mestdagh, en acquérant 23 magasins verra son chiffre d’affaires croître de plus de 40%. Les conséquences au niveau mondial pour le groupe Carrefour seront presque imperceptibles. L’arrivée de Carrefour en Belgique aura donc rimé avec restructurations : la stratégie du groupe, pour générer plus de rentabilité, est de franchiser ses magasins. La pression à la rentabilité est ainsi reportée sur le franchisé et ses salariés. Les magasins non rentables sont quant à eux vendus ou fermés.Source : M.Capron, CRISP, « Trois conflits dans les groupes multinationaux : AB Inbev, Carreour, Brink’s », n°2090-2091, 2011
En 2011, sous la pression des deux principaux actionnaires, le groupe Carrefour est scindé en trois entités. Dia, la filiale hard discount espagnole devient indépendante (avec pour premier actionnaire Blue capital) et est placée en bourse. Les actifs immobiliers du groupe sont placés dans une structure nommée « Carrefour Property » dont 25 % sont cédées sur les marchés. Les magasins (de proximité, hypers et supermarchés) restent dans le groupe Carrefour. L’entreprise se retrouve amputée de 10% de son chiffre d’affaires et se prive de l’un de ses marchés les plus importants. La vente de ces deux pans de l’entreprise aura rapporté, au bas mot, plusieurs centaines de millions d’euros et permettra la distribution de superdividendes aux actionnaires principaux (estimés à 400 millions d’euros [13]), quelques mois seulement après les restructurations opérées dans plusieurs pays européens. La cession de Carrefour property sera finalement interrompue in extremis en 2011. Cette opération a été interprétée par beaucoup comme une manière pour Colony Capital et le groupe Arnault de récupérer une partie des sommes investies en 2007. À ce moment, l’action valait près de 48 euros. Quelques années plus tard, elle chute à 23 puis 30 euros, soit une perte estimable à 800 millions d’euros [14]. La scission de l’entreprise en trois entités n’aura donc pas été utile pour l’entreprise, mais bien pour les principaux actionnaires, plus soucieux de récupérer leur mise que d’assurer la pérennité de l’entreprise.
En 2012, Georges Plassat devient président du groupe (son mandat est reconduit pour 3 ans en juin 2015). Plassat a fait toute sa carrière dans la distribution : ancien président du directoire du groupe Casino, déjà passé par la case Carrefour en tant que dirigeant de la branche espagnole entre 1997 et 1999 ; Plassat a également dirigé le groupe Vivarte (habillement) dont il a piloté la restructuration (cession de centaines de magasins des enseignes du groupe, vagues de licenciements) et permis au groupe de retrouver une profitabilité. La nouvelle direction décide de recentrer les activités du groupe vers les marchés où l’entreprise est en position dominante : les activités du groupe en Grèce, à Singapour, en Malaisie, en Colombie et en Indonésie sont soldées pour un total de 2,8 milliards d’euros.
Fin 2013, Carrefour fait l’acquisition du groupe Klepierre pour 2,7 milliards d’euros et met la main sur ses 172 centres commerciaux. En deux ans, l’action aura doublé de valeur, à la plus grande satisfaction des actionnaires. Les acquisitions se poursuivent : en janvier 2014, achat de Coop Alsace (129 magasins de proximité) et en juin 2014, Dia/France (et ses 800 magasins) est racheté trois ans après avoir été cédée. Une cinquantaine de lieux de vente sont également acquis en Italie.
La croissance chez les émergents
De groupe familial, l’entreprise est devenue un des poids lourds du secteur de la grande distribution. L’acquisition de concurrents et l’implantation dans de nombreux pays ont fait de Carrefour le premier employeur privé de France, le leader européen du secteur ou encore le 2e groupe mondial de distribution en termes de chiffres d’affaires – au prix de nombreuses opérations financières et surtout de restructurations. La France demeure le marché historique et la principale source de revenus du groupe (presque la moitié du chiffre d’affaires). C’est désormais du côté des émergents que l’on doit trouver les relais de croissance du groupe et notamment en Amérique latine. Carrefour est le premier employeur privé en Argentine, en Colombie et au Brésil. Le Brésil est devenu le 3e pays contributeur dans les revenus de Carrefour (croissance de 11% des revenus en 2014). Les implantations en Asie semblent par contre marquer le pas et stagner ces dernières années.
*Chercheur Gresea
Gelin, Romain, "Carrefour", Gresea, mai 2015, texte disponible à l’adresse : http://www.mirador-multinationales.be/secteurs/distribution/article/carrefour
[1] Voir Benoît Collombat et David Servenay (dir.), Histoire secrète du patronat de 1945 à nos jours. Le vrai visage du capitalisme français, Paris, La Découverte, 2014, 791 p.
[2] Collombat, Servenay (2014), ibid
[3] Pariente Simon. Carrefour depuis son introduction en bourse. In : Économie rurale. N°245-246, 1998. La grande distribution alimentaire. pp.102-110.
[4] ibid
[5] Cf. Colombat et Servenay (2014), p288-290, « Grandes surfaces, petites enveloppes et « petits juges »
[6] Daumas Jean-Claude,« L’invention des usines à vendre », p.84, Carrefour et la révolution de l’hypermarché,Réseaux, 2006 /1 n° 135-136, p. 59-91. DOI : 10.3917/res.135.0059
[7] Il fut, avant son entrée au groupe Carrefour, un des principaux dirigeants du Crédit agricole
[8] Jean, Mouillet & Orban (2005), « Organisation productive et relation salariale dans la branche « hypermarchés » du groupe Carrefour en France : constats et enjeux. », Université de Provence.
[9] Un fonds d’investissement privé spécialisé dans l’immobilier et les coentreprises
[10] Sur cette entrée en force d’investisseurs spéculatifs, voir http://www.gresea.be/spip.php?article696 (On trouvera une vingtaine de dépêches sur Carrefour à cette adresse : http://www.gresea.be/spip.php?mot240
[13] Le Monde, « Carrefour à la découpe », 8 Avril 2011.
[14] Marianne « Comment le profit à tout prix va morceler Carrefour », 24 avril 2011
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