Dans son livre sur le secteur bancaire belge, Marco Van Hees accorde une place de choix à feu la CGER, la Caisse générale d’épargne et de retraite, privatisée et cédée pour une bouchée de pain en 1993-1998 au groupe Fortis, avec les résultats qu’on sait. La CGER, en effet, a valeur de symbole. Elle a été créée en 1865 par un ministre des Finances libéral, Walthère Frère-Orban, et pendant 128 ans elle a apporté un démenti cinglant à la profession de foi de Didier Reynders, ministre des Finances, lui aussi, libéral, lui aussi, mais de la nouvelle vague : "L’Etat n’a pas vocation à gérer une banque". La CGER était la banque publique et populaire par excellence. Tout le monde ou presque y avait un compte (ou au Crédit communal, depuis rebaptisé Dexia pour voguer sur des mers spéculatives). Et elle traduisait une volonté politique de disposer d’un pôle public de crédit fort, imperméable "aux vices inhérents à l’organisation des caisses d’épargne par les soins et sous l’égide des banques" – on s’exprimait ainsi en 1865. Mais, donc, la CGER a été sacrifiée sur l’autel d’un libéralisme "nouvelle vague" qui s’est emparé de toute la classe politique. En guise de pierres tombales, deux petits tableaux. Le premier compare la valeur de la CGER et de la Générale de Banque, et leurs prix de vente respectifs, au moment de leur absorption par le groupe Fortis. Il se passe de commentaire. Le second offre un bref récapitulatif du mouvement de "consolidation" qui verra Fortis devenir le champion bancaire international de triste mémoire.
Parcours d’un monstre bancaire
Source : Marco Van Hees, "Banques qui pillent, banques qui pleurent", Editions Aden, 2010.
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