Utexbel a été fondé en 1929. La société de filature et de tissage familiale (propriété à 59% des Gribomont) compte encore 5 unités de production en Belgique, à Mouscron, Ronse, Ruien, Wakken et Baisieux, et 1.100 travailleurs – dont 50, voici peu, rayés de la masse salariale, concurrence impitoyable oblige. Avec des clients tels qu’Armani, Burberry ou Hugo Boss, Utexbel demeure une des dernières grosse filatures de coton "made in Belgium", voire d’Europe. Pas pour longtemps, sans doute. Le textile européen, comme l’explique son patron Jean-François Gribomont dans une longue interview accordée au Tijd, c’est la chronique d’un bain de sang annoncé. Le scénario est, dit-il, pour ainsi dire voulu par des autorités qui, sous la pression du lobby
Lobby
Groupement créé dans le but de pouvoir influencer des décisions prises habituellement par les pouvoirs publics au profit d’intérêts particuliers et généralement privés. La plupart des lobbies sont mis en place à l’initiative des grandes firmes et des secteurs industriels.
(en anglais : lobby)
de la grande distribution (consommateur de sous-traitance
Sous-traitance
Segment amont de la filière de la production qui livre systématiquement à une même compagnie donneuse d’ordre et soumise à cette dernière en matière de détermination des prix, de la quantité et de la qualité fournie, ainsi que des délais de livraison.
(en anglais : subcontracting)
de pays à bas salaires), ont décidé de supprimer les derniers quotas d’importation d’ici à la fin 2007, alors qu’ils sont maintenus en Amérique, au Brésil, en Afrique du Sud. Comprenne qui pourra. Ajouter à cela la libéralisation du secteur de l’énergie, qui a fait bondir la facture, chez Utexbel, de 52%. Ajouter, enfin, la quadrature du cercle : alors que le prix de production moyen international d’un pantalon est de 8 euros, la Chine le vend à 3 euros. Pur dumping, juge Gribomont. L’homme a des raisons d’être amer. Il produit du belge et cela n’intéresse personne dans les hautes sphères politiques. Il faut être un imbécile ou un idéaliste pour continuer, dit-il. Ses enfants ont d’autres plans carrière et de repreneurs, il n’en voit pas. Mais il ne lâche pas prise. "Je continue, non par plaisir, mais pour mes travailleurs." Un patron social. Cela existe.
Source : De Tijd, 24 février 2007.