La série de suicides de travailleurs en France (400 par an selon l’Organisation mondiale de la santé) poussés au désespoir sur leur lieu de travail n’est, comme relève le Canard Enchaîné, que la pointe de l’iceberg, le signe extrême d’une dégradation générale des conditions de travail dans un monde où seuls comptent, par un flicage de tous les instants, la compétitivité, le rendement déshumanisé, la robotisation de l’activité professionnelle. En France, la CGT dénonce le "climat anxiogène" qui s’étend dans les entreprises et le médecin du travail Bernard Salengro (auquel on doit un "Observatoire du stress" au syndicat des cadres CGC) analyse : "La crise du syndicalisme fait que les gens ne peuvent plus résister et ne trouvent souvent personne à qui parler." – et notamment parce que les médecins du travail, eux-mêmes salariés d’entreprises, sont aussi sous pression : s’ils refusent de déclarer inapte un employé dont une entreprise veut se débarrasser, ils sont menacés de licenciement. Ceci, nota bene, ne se passe pas dans le Tiers-monde, mais à nos portes. Quand on évoque le nom de la multinationale Multinationale Entreprise, généralement assez grande, qui opère et qui a des activités productives et commerciales dans plusieurs pays. Elle est composée habituellement d’une maison mère, où se trouve le siège social, et plusieurs filiales étrangères.
(en anglais : multinational)
française du pétrole Total, le réflexe sera, bien souvent, de l’associer à des pratiques condamnables en Birmanie, où elle est a tiré profit d’un travail forcé contraire au droit international. C’est en France, pourtant, que Véronique a vécu chez Total un "enfer birman". Véronique : une responsable syndicale CFDT mutée en septembre 2006 à La Défense (Paris). Elle a 49 ans, elle n’a évidemment plus le profil du "jeune diplômé à fort potentiel" prisé par la direction, c’est la voie de garage, un bureau minuscule sans téléphone et, pour la pousser vers la porte, un feu nourri de brimades : ouverture de son courrier, charge de travail impossible l’obligeant souvent à rester jusqu’à 21 heures. Lorsqu’elle se plaint, on lui répond : "Vous êtes trop fragile." Fin novembre 2006, elle embarque dans un car qui doit l’amener, avec d’autres collègues, à – cela ne s’invente pas – un "séminaire Qualité", car Total peut être kafkaïen lorsqu’il veut enrober de sucre ses programmes de mise sous pression du personnel. A l’hôtel, Véronique se suicide. Poussée à bout. Le droit international serait-il donc, comme on le dit souvent, impuissant ?

Source : Canard enchaîné du 18 juillet 2007.