Le secteur du jouet offre une image révélatrice du système mondialisé de production et de commercialisation. Quoi de plus "familial" qu’un jouet ? Et pourtant, quoi de plus étrange et de plus étranger... 80% des jouets les plus vendus sont fabriqués en Chine. Le Gresea a, en septembre 2004, réalisé une radioscopie de cette opaque machinerie (44 pages, téléchargeable sur notre site, http://www.gresea.be/NW_faceCacheeDuJouet_sept04.pdf ). La poupée Barbie de la multinationale
Multinationale
Entreprise, généralement assez grande, qui opère et qui a des activités productives et commerciales dans plusieurs pays. Elle est composée habituellement d’une maison mère, où se trouve le siège social, et plusieurs filiales étrangères.
(en anglais : multinational)
américaine Mattel y figure comme l’exemple emblématique de la nouvelle division internationale du travail
Division Internationale du Travail
ou DIT : Répartition globale de la production mondiale entre les différents pays en fonction de leurs avantages comparatifs. Ainsi, jusque dans les années 70, le Tiers-monde fournissait essentiellement des matières premières qui étaient transformées dans les anciennes métropoles coloniales. Par la suite, une partie des nations en développement se sont industrialisées à leur tour dans des biens manufacturés de consommation courante. Les pays avancés se sont tournés vers les produits et les services de plus haute technologie.
(En anglais : division of labor)
. Made in USA, Assemblé in China. L’auteur américain Eric Clark vient de lui consacrer un ouvrage ("The Real Toy Story : Inside the Ruthless Battle for America’s Youngest Consumers, éditions Free Press, 272 pages). La Barbie, c’est un peu l’explosion démographique du tiroir-caisse : chaque seconde, dans le monde, trois Barbies sont vendues, en faisant entrer quelque 3,6 milliards de dollars (chiffre d’affaires
Chiffre d’affaires
Montant total des ventes d’une firme sur les opérations concernant principalement les activités centrales de celle-ci (donc hors vente immobilière et financière pour des entreprises qui n’opèrent pas traditionnellement sur ces marchés).
(en anglais : revenues ou net sales)
) par an dans le commerce de détail. C’est tout bénéfice mais pas pour tous. Comme le rappelle Clark, sur un prix de vente à l’unité de 9,99 dollars aux Etats-Unis, les usines chinoises n’en obtiennent que 35 cents, salaires compris, soit 3,5% de la Barbie. Pour un jouet électronique de 44,99 dollars, c’est mieux : les travailleurs chinois n’en perçoivent que 81 cents (1,8%). C’est un trait fondamental des superprofits de l’économie mondialisée. Produire là où ce n’est pas cher. Vendre cher là où le pouvoir d’achat reste correct. Au tableau, Clark ajoute une anecdote amusante. La Barbie, avec sa taille de guêpe et sa poitrine hollywoodienne, avait marqué, à la fin des années cinquante, un tournant "sexy" dans le business du jouet pour enfant. Sa créatrice, Ruth Handler, s’était inspirée d’une avenante poupée suisse appelée Lilli, sans se douter que le modèle en était, à l’époque, une prostituée de BD pour adultes. Parfois l’histoire peut se montrer pleine d’ironie.
Source : The Economist, 5 mai 2007.