Danzer est un groupe à capitaux allemands basé en Suisse. Active dans l’exploitation forestière en RDC et en République du Congo, cette "multinationale Multinationale Entreprise, généralement assez grande, qui opère et qui a des activités productives et commerciales dans plusieurs pays. Elle est composée habituellement d’une maison mère, où se trouve le siège social, et plusieurs filiales étrangères.
(en anglais : multinational)
du bois" se voit épinglée par Greenpeace dans son dernier rapport "Arnaque au Congo" de juillet 2008. Ici, pas question de destructions environnementales, mais d’une des boîtes noires du commerce mondiale : le transfert de prix. Cette pratique est aujourd’hui la norme plus que l’exception à l’échelle du commerce mondial. Alors, décodons…

Point de départ : le commerce intrafirme Commerce intrafirme Opération d’échange de biens ou services entre des filiales d’un même groupe, établies dans des pays différents. On estime qu’environ un tiers du commerce international est constitué par de telles transactions.
(en anglais : intrafirm trade)
. Selon la Cnuced CNUCED Conférence des Nations Unies pour le Commerce et le Développement : Institution des Nations unies créée en 1964, en vue de mieux prendre en compte les besoins et aspirations des peuples du Tiers-monde. La CNUCED édite un rapport annuel sur les investissements directs à l’étranger et les multinationales dans le monde, en anglais le World Investment Report.
(En anglais : United Nations Conference on Trade and Development, UNCTAD)
et l’OCDE OCDE Organisation de Coopération et de Développement Économiques : Association créée en 1960 pour continuer l’œuvre de l’Organisation européenne de coopération économique (OECE) chargée de suivre l’évolution du plan Marshall à partir de 1948, en élargissant le nombre de ses membres. A l’origine, l’OECE comprenait les pays européens de l’Ouest, les États-Unis et le Canada. On a voulu étendre ce groupe au Japon, à l’Australie, à la Nouvelle-Zélande. Aujourd’hui, l’OCDE compte 34 membres, considérés comme les pays les plus riches de la planète. Elle fonctionne comme un think tank d’obédience libérale, réalisant des études et analyses bien documentées en vue de promouvoir les idées du libre marché et de la libre concurrence.
(En anglais : Organisation for Economic Co-operation and Development, OECD)
, plus d’un échange commercial sur deux (près des 2/3) dans le monde est le fruit d’une transaction entre une multinationale et… elle-même. Et cela, c’est plutôt avantageux : l’entreprise fixe ses propres prix à l’abri du marché Marché Lieu parfois fictif où se rencontrent une offre (pour vendre) et une demande (pour acheter) pour un bien, un service, un actif, un titre, une monnaie, etc. ; un marché financier porte sur l’achat et la vente de titres ou d’actifs financiers.
(en anglais : market)
et fait par conséquent apparaître ses bénéfices là où elle l’entend, souvent dans des paradis fiscaux. Un système de prix au rabais doublé d’un mécanisme d’évasion fiscale donc.

En pratique, cela peut donner ceci. Siforco, filiale africaine de Danzer exploite les forêts tropicales et vend son bois à Interholco, bras commercial du groupe situé en Suisse, à un prix inférieur à celui du marché. La différence est "placée" par la filiale suisse sur des comptes off-shore en Europe. Résultat, une filiale en RDC déficitaire qui ne paye pas d’impôts et des bénéfices qui s’envolent vers les paradis fiscaux en passant par la Suisse. Toujours selon Greenpeace, cette pratique a déjà coûté près de 8 millions d’euros en recettes fiscales à l’Etat congolais. Pour comparaison, c’est le coût de vaccination de près de 700.000 enfants de moins de cinq ans…

Pour régenter un peu cette "économie du non marché", l’OCDE recommande son système de régulation fiscale qui prône de tarifer les "ventes" à l’intérieur d’une même multinationale en prenant comme point de comparaison les tarifs en vigueur pour les transactions portant sur des produits similaires entre, cette fois, des entités indépendantes. Le principe n’est cependant guère applicable en Afrique : manque de moyens des autorités fiscales, comptes d’entreprises extrêmement agrégés (donc peu transparents), concurrence entre Etats afin d’accueillir l’investissement Investissement Transaction consistant à acquérir des actifs fixes, des avoirs financiers ou des biens immatériels (une marque, un logo, des brevets…).
(en anglais : investment)
des firmes et, enfin, dans certains secteurs très concentrés, impossibilité de trouver l’entité indépendante productrice de produits similaires susceptibles de fournir le fameux point de comparaison. Le marché ? Plus qu’à son ordinaire, une fiction.


Source : Greenpeace, "Arnaque au Congo", juillet 2007, http://www.greenpeace.org/raw/content/belgium/fr/press/reports/arnaques-au-congo.pdf Pour une lecture pédagogique du mécanisme, voyez également "La boîte noire du business entre les multinationales…
et elles-mêmes", Gresea, août 2008, http://www.gresea.be/spip.php?article450]