Les activités de l’entreprise minière Nyrstar sont source de profondes inquiétudes au Pérou. Des rejets d’une mine souterraine appartenant à Nyrstar risquent de polluer la rivière qui est la principale source d’eau pour la capitale Lima. En 2012, Nyrstar a été contrainte par le Pérou de déplacer les rejets sur un site plus éloigné. Cette opération n’a pas été achevée.
Le site de Nyrstar qui pose problème s’appelle Tamboraque. Il contient des déchets de la mine de Coricancha. C’est une mine polymétallique : Nyrstar y a produit de l’argent, de l’or, du cuivre, du plomb et du zinc. Les déchets ont de hautes concentrations de cadmium et de mercure, des substances toxiques. Nyrstar, dont le siège belge se trouve à Balen (province d’Anvers) vend actuellement la mine de Coricancha. Mais sa porte-parole en Suisse confirme que le site à Tamboraque est toujours de sa responsabilité. Nyrstar utilise trois remblais construits en terrasses l’un au-dessus de l’autre, mais sur les abords de la rivière Rimac. Cette rivière est la principale source d’eau de Lima, la capitale du Pérou où vivent près de 10 millions de personnes.
Lima et les provinces du Pérou sont frappées par de fortes pluies depuis des semaines. Les services d’eau de la capitale ont été perturbés. Gonflée par les eaux qui descendent des montagnes, la rivière Rimac est sortie de son lit à plusieurs endroits, entre autres à mi-chemin entre Lima et Tamboraque. Cette situation a mis l’opinion publique en haute alerte. La problématique de Tamboraque est connue. Des associations de base ont souvent mis en cause la compagnie minière qui gère ce site. Cette fois-ci, elles ont contacté leur réseau international. En Belgique, l’association Catapa [1] a relayé les inquiétudes. Catapa envoie des bénévoles aux communautés minières en Amérique latine.
Sanctions
Une fois de plus, ce dossier n’est pas neuf. En 2008, les autorités péruviennes ont commencé à chercher des solutions après un incident plus haut dans la montagne de Tamboraque. Nyrstar est devenu propriétaire de la mine de Coricancha et du site de Tamboraque en 2009. L’entreprise a arrêté l’exploitation de la mine en 2013, surtout parce que les prix des minerais avaient baissé. En 2015 l’entreprise canadienne Great Panther Silver Ltd a pris une option
Option
Contrat où un acquéreur possède le droit d’acheter (option dite « call ») ou de vendre (option dite « put ») un produit sous-jacent (titre, monnaie, matières premières, indice...) à un prix fixe à une date donnée, moyennant l’octroi une commission au vendeur. C’est un produit dérivé.
(en anglais : option).
pour acheter Coricancha. Nyrstar a bouclé la vente à Great Panther Silver en décembre 2016. Actuellement le méga-marchand de matières premières Trafigura est le premier co-propriétaire de Nyrstar avec près de 25 pour cent des actions.
Pendant toute cette période la mise en sécurité des remblais de Tamboraque était à l’ordre du jour. En 2012, la commission qui a enquêté sur le dossier a rendu sa conclusion. Nyrstar a été obligé de transporter les déchets de Tamboraque à Chinchan, 40 kilomètres plus haut dans la montagne. Nyrstar nous a répondu que cette opération avait lieu dans le cadre du plan de fermeture de Coricancha. [2] Selon Nyrstar, les deux tiers des déchets ont été déménagés, mais l’opération a été suspendue en 2014 puisque une étude "démontrait qu’elle pouvait déstabiliser la montagne de Tamboraque". [3] Au même moment, le directeur des opérations de Nyrstar au Pérou déclarait que le site était "complètement stable". [4] Nyrstar ajoute maintenant à cela que les remblais soutiennent même la colline au-dessus.
Plusieurs indications semblent montrer que Nyrstar gagne du temps, en attendant de se débarrasser de ce site minier. Le prospectus publié par Nyrstar en février 2016 à l’occasion de l’émission de nouvelles actions nous apprend qu’un plan de fermeture amendé par Nyrstar a été rejeté par le Pérou en 2014 et en 2015, que Nyrstar planifie par conséquent de reprendre les déménagements de déchets en avril 2016 et que cette opération pourrait durer encore deux années de plus. [5] En outre, plusieurs procédures ont été entamées par des services publics du Pérou contre Nyrstar. Dans son rapport annuel de 2016, l’entreprise mentionne notamment une procédure pour des dérives constatées par le service
Service
Fourniture d’un bien immatériel, avantage ou satisfaction d’un besoin, fourni par un prestataire (entreprise ou l’État) au public. Il s’oppose au terme de bien, qui désigne un produit matériel échangeable.
(en anglais : service)
environnemental OEFA en avril 2013. Le prospectus de février 2016 reconnaît que le régulateur de sécurité de l’Etat péruvien « Osinergmin » a introduit deux procédures pour des déchets de Tamboraque toujours pas déménagés à Chinchan et parce que Nyrstar n’a pas délivré une étude détaillée de l’arrangement définitif à Tamboraque. [6] Une source auprès d’un service public
Service public
Entreprise dont le propriétaire, en général unique, est les pouvoirs publics. Dans un sens plus étroit, cela peut vouloir dire aussi que cette firme publique poursuit des objectifs autres que la rentabilité, de sorte à rendre le service fourni accessible à un plus grand nombre.
(en anglais : public service)
du Pérou fait savoir que pas moins de sept procédures sont actuellement en cours contre Nyrstar, notamment pour non-respect de la législation environnementale.
Danger évacué ?
La population de Lima n’a que peu de conscience de ces tractations. Ce qui la préoccupe est son ravitaillement en eau. Rudecindo Vega, président de la société d’eau SEDAPAL, a pourtant assuré que Tamboraque n’a aucun impact sur l’approvisionnement de Lima. [7] Nyrstar colporte le même message en affirmant que "les remblais de Triana [à Tamboraque] ont été qualifiés par les autorités locales et par l’entreprise de physiquement et chimiquement stables et qu’elles ne représentent aucun risque. [8] Nyrstar explique également que toutes les procédures et modes d’emploi sont librement disponibles et que les sites sont monitorés par elle-même et des experts externes.
Mais la compagnie minière ne fait pas état des facteurs externes, précisément ceux qui inquiètent la population. La crainte que des tremblements de terre ou des huyacos (des laines de boue, causées par les pluies) déstabilisent Tamboraque et transportent ces déchets vers la rivière Rimac persiste. Tant que Nyrstar n’aura pas sécurisé les sites, le risque d’une énorme catastrophe environnementale demeure.