La fédération européenne des fabricants de pneus et de caoutchouc (Etrma) s’est inquiétée de l’invasion de pneus chinois en Europe. Au premier semestre 2010, les importations de pneus venus de Chine ont bondi sur un an de 55% en Europe pour atteindre 18,5 millions d’unités. Rapporté sur l’année entière, ce volume se traduirait par une masse de 55 millions de pneus déversés sur le marché européen, tous types confondus. Et la fédération de se lamenter, car les exportations de pneus européens en Chine n’atteignent qu’une fraction de ce résultat, 1,8 million de pneus exportés entre 2007 et 2008. Le solde migratoire est dangereusement déséquilibré. Là, il faudrait relativiser. Car la presse qui relaie avec complaisance ces données omet d’en dresser le paysage entier, c’est-à-dire confronter le volume d’importations à celui des ventes totales en Europe : en 2009, dernières données livrées par la fédération, ce sont 518 millions de pneus qui ont été vendus dans l’Europe des 27 plus la Turquie. Les pneus chinois, ce n’est donc qu’environ 10% du total. Sans doute, ce chiffre est en progression. Le coût de production d’un pneu chinois est trois fois inférieur à celui de l’Europe. Sans doute, lobbying patronal aidant, la tendance sera-t-elle freinée, par le renforcement des normes d’agréation technique dite de sécurité routière. Mais ce qui interpellera la plupart est cet étrange ballet. Faire venir des pneus de Chine ! Avec tous les coûts environnementaux du transport : 55 millions de pneus par voie de mer, externalisés ! Plus absurde encore : expédier des pneus européens en Chine ! D’autres millions de pneus qui parcourent et polluent les mers en chemin inverse, externalisés ! Au nom de la liberté du commerce, du libre-échange, de l’économie de marché ! Monde étrange que le nôtre.

Source : Les Echos du 31 décembre 2010.