Voici une affaire qui n’a pas fait grand bruit dans la presse. Typiquement, d’ailleurs : elle concerne la guerre permanente du big business contre le Tiers-monde. Pas sexy. Elle remonte au 4 décembre 2008, lorsque les autorités douanières hollandaises arraisonnent au port de Rotterdam une cargaison de produits pharmaceutiques en transit entre l’Inde et le Brésil. Dans le paquebot, 500 kg de potassium losartan, un agent chimique entrant dans la fabrication de médicaments contre l’hypertension artérielle. Les Brésiliens n’en verront pas la couleur : mis sous séquestre à la demande des multinationales américaines DuPont et Merck, qui ont breveté l’ingrédient ou, la seconde, obtenu l’exclusivité des droits de marketing. En droit, ni l’Inde, ni le Brésil ne sont concernés. Mais, voilà, les multinationales ont actionné le règlement européen n° 1383 du 22 juillet 2003 qui autorise les autorités douanières à saisir des marchandises en transit lorsqu’il y a soupçon de violation des droits liés à la propriété intellectuelle
Propriété intellectuelle
Ensemble des droits exclusifs accordés sur les créations intellectuelles liées à un auteur, dont un acteur économique (souvent une entreprise) se fait le représentant.
(en anglais : intellectual property)
. L’Inde et le Brésil, appuyés par quinze autres pays du Tiers-monde, auront beau protester, et notamment sur la base des règles de l’Organisation mondiale du Commerce
Organisation mondiale du Commerce
Ou OMC : Institution créée le 1er janvier 1995 pour favoriser le libre-échange et y ériger les règles fondamentales, en se substituant au GATT. Par rapport au GATT, elle élargit les accords de liberté à des domaines non traités à ce niveau jusqu’alors comme l’agriculture, les services, la propriété intellectuelle, les investissements liés au commerce… En outre, elle établit un tribunal, l’organe des règlements des différends, permettant à un pays qui se sent lésé par les pratiques commerciales d’un autre de déposer plainte contre celui-ci, puis de prendre des sanctions de représailles si son cas est reconnu valable. Il y a actuellement 157 membres (en comptant l’Union européenne) et 26 États observateurs susceptibles d’entrer dans l’association dans les prochaines années.
(En anglais : World Trade Organization, WTO)
(OMC
OMC
Organisation mondiale du Commerce : Institution créée le 1er janvier 1995 pour favoriser le libre-échange et y ériger les règles fondamentales, en se substituant au GATT. Par rapport au GATT, elle élargit les accords de liberté à des domaines non traités à ce niveau jusqu’alors comme l’agriculture, les services, la propriété intellectuelle, les investissements liés au commerce… En outre, elle établit un tribunal, l’organe des règlements des différends, permettant à un pays qui se sent lésé par les pratiques commerciales d’un autre de déposer plainte contre celui-ci, puis de prendre des sanctions de représailles si son cas est reconnu valable. Il y a actuellement 157 membres (en comptant l’Union européenne) et 26 États observateurs susceptibles d’entrer dans l’association dans les prochaines années.
(En anglais : World Trade Organization, WTO)
) consacrant l’inviolabilité des marchandises en transit, rien n’y fera. Du côté de l’Union européenne
Union Européenne
Ou UE : Organisation politique régionale issue du traité de Maastricht (Pays-Bas) en février 1992 et entré en vigueur en novembre 1993. Elle repose sur trois piliers : les fondements socio-économiques instituant les Communautés européennes et existant depuis 1957 ; les nouveaux dispositifs relatifs à la politique étrangère et de sécurité commune ; la coopération dans les domaines de la justice et des affaires intérieures. L’Union compte actuellement 27 membres : Allemagne, Belgique, France, Italie, Luxembourg, Pays-Bas (1957), Danemark, Irlande, Royaume-Uni (1973), Grèce (1981), Espagne, Portugal (1986), Autriche, Finlande, Suède (1995), Chypre, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Malte, Pologne, Slovaquie, Slovénie, Tchéquie (2004), Bulgarie, Roumanie (2007).
(En anglais : European Union)
et de son ambassadeur à l’OMC, Eckart Guth, on rétorquera avec quelque arrogance qu’il n’y pas matière à "déclencher un débat très émotionnel" : la saisie ne serait qu’une mesure de précaution provisoire. En effet. Trente-six jours (36 !) après ce coup de force, le paquebot sera autorisé à quitter Rotterdam pour – sous pression de DuPont, dit-on – remettre le cap sur l’Inde. Retour à l’expéditeur. Big business contre Tiers-monde, c’est 1-0. Soit dit en passant : les organisations humanitaristes qui réclament à cor et à cri le principe d’extraterritorialité pour imposer le droit occidental dans les pays du Sud pourraient utilement s’inspirer du précédent. Extraterritorialité ? Du côté des multinationales, c’est déjà chose faite.
Source : Third World Economics – Trends & Analysis, publié par Third World Network, bulletin n°443, 16 février 2009.