Pour entamer l’an neuf de bon pied, offrons-nous un billet d’humeur. Au rayon de l’information économique, les sujets scabreux ne manquent certes pas mais la petite tempête médiatique qui a eu le don d’agiter en haut lieu les coupes de champagne à l’annonce, par le ministre de tutelle Jean-Pascal Labille, d’une réduction de salaire de Johnny Thijs, PDG de La Poste, mérite de figurer en tête du bêtisier. D’abord, cette levée immédiate des boucliers dans le microcosme patronal (toucher un des nôtres, c’est nous porter atteinte à tous !), où on saisira l’occasion de gagatiser pour la énième fois sur le rôle de l’État, qui serait de ne pas s’immiscer dans l’économie du pays : Lakshmi Mittal et, avant lui, Louis Schweitzer (Renault), Philippe Bodson (Glaverbel), Maurice Lippens (Fortis), Pierre Richard (Dexia), etc. font sans doute mieux… à tout le moins pour tirer leur épingle du jeu.
Un magazine affidé est même allé jusqu’à vouloir bombarder M. Thijs meilleur manager de l’année 2013. Donc, le même Thijs, rappelle fort à propos Solidaire du 16 janvier, qui n’a eu de cesse de casser l’outil, près de 300 bureaux de poste fermés et 30% d’emplois en moins entre 2003 et 2011, avec remplacement des facteurs par des "MacJobs" déshumanisants et crétinisants. Encore le même Thijs qui a présidé au changement de nom de sa boîte, rebaptisée "bpost" – il n’y manque que la suppression de la dernière voyelle pour parfaire l’opération foireuse : imprononçable et coupée de sa longue et belle histoire. C’est à croire que M. Thijs déteste la raison sociale de La Poste/De Post : pas une seule campagne de pub un tant soit peu intelligente pour encourager les gens à écrire des lettres, rien, nada. Imagine-t-on un seul "manager" traitant avec autant de dédain la promotion de son propre produit phare ? Chez Coca-Cola, H&M ou Nestlé, Thijs serait renvoyé séance tenante.
Avec le titre : le plus mauvais manager de tous les temps ?
(Il va de soi que M. Thijs n’est pas seul responsable du hara-kiri de La Poste, son triste "ministère" s’étant effectué sous tutelle publique, où on a laissé faire : dans le Financial Times du 15 janvier, sous le titre "Notre avenir menacé par des élites déliquescentes", le chroniqueur vedette Martin Wolf les rend responsables des (crises &) bulles financières, du régime de ploutocratie se signalant par sa toute-puissance et sa médiocrité et, enfin, par leur aveuglement fatal dans la création de l’euro, toutes choses contribuant à vider la démocratie de son sens par un gouffre grandissant entre ces bureaucraties non élues et les peuples auxquels elles ne rendent aucun compte. Les élections européennes du 25 mai prochain risquent de s’en ressentir…)