L’exemple montre bien que le marché (et l’économie, toutes ses "lois") fonctionne différemment selon qu’il traite avec des citoyens ou avec des grosses entreprises. Selon que vous êtes pauvres ou riches, comme veut l’adage... Essayez, en effet, de commander une bière dans café en disant au tenancier que vous payerez quatre mois plus tard. C’est, pourtant, exactement ce que fait Inbev, le géant mondial belgo-brésilien de la brasserie, il contrôle un quart de ce marché. Les affaires marchent mal ? La digestion de son OPA OPA Offre publique d’achat : proposition publique faite par un investisseur d’acquérir une société ou une partie de celle-ci à un prix annoncé. Elle peut être amicale ou hostile, si le management de la firme ciblée est d’accord de se faire reprendre ou non.
(en anglais : tender offer).
(2008) sur le concurrent américain Anheuser-Busch (Budweiser) plombe ses comptes, endettés de quelque 40 milliards d’euros ? Il lui faut dès lors réduire les coûts de quelque 1,7 milliard d’euros d’ici à 2011, excusez du peu ? Eh bien, no problem. Inbev va résoudre cela, largement, en pressurisant ses fournisseurs, en les contraignant à lui faire crédit sans intérêt. Une banque irait droit au mur en accordant de telles largesses. Les fournisseurs, producteurs de malt, aussi, sauf qu’ils n’ont pas tellement le choix : Inbev, c’est un quart du marché mondial, remember. Comment Inbev réalise-t-il ce coup ? Simple comme bonjour : il ne payera ses achats qu’au bout de quatre mois (120 jours – contre 60, en moyenne, jusqu’ici), c’est la nouvelle politique d’Inbev à l’égard de ses fournisseurs dans le monde entier, annoncée en janvier 2009. Pour se faire une idée du gain ainsi réalisé, savoir que 30 jours de paiements retardés représentent pour Inbev un crédit gratuit de 618 millions d’euros. Les tout gros fournisseurs, qui ont les moyens de gesticuler un peu, tel MaltEurop (un des plus gros producteurs de malt au plan mondial), ont qualifié la mesure d’inacceptable. Gros comme petits, cependant, de même que la cohorte de très petits qui sous-travaillent pour gros et petits, n’ont pas tellement le choix. Il faudra s’adapter.

Source : Wall Street Journal, 17 avril 2009.