L’Ile Maurice, discrètement "établie" dans l’Océan Indien, fonctionne largement grâce à ses zones franches, sa main-d’œuvre importée (Chine, Sri Lanka, Bangladesh, Inde – quelque 30.000 migrants, surtout des jeunes femmes, sur une population totale d’environ un million) et ses entreprises de sous-traitance Sous-traitance Segment amont de la filière de la production qui livre systématiquement à une même compagnie donneuse d’ordre et soumise à cette dernière en matière de détermination des prix, de la quantité et de la qualité fournie, ainsi que des délais de livraison.
(en anglais : subcontracting)
. C’est par exemple la Compagnie mauricienne de textile (CMT), spécialisée dans le vêtement à maille pour les grandes marques qui vient d’inaugurer, décembre 2006, un "atelier" de confection de 41.800 mètres carrés (faut imaginer, c’est six terrains de foot) et un "foyer" d’une capacité de 1.400 travailleurs. Masse corvéable mais pas toujours docile. L’économie des zones franches, c’est 24 heures sur 24, sept jours sur sept. Et la CMT, c’est souvent travailler jusqu’à trois heures du matin pour atteindre l’objectif de 200 pièces par jour. Ajouter, dit la déléguée CNE Arlette Puraye, de retour de la zone franche Zone franche Territoire d’un pays où certaines règles fiscales, sociales ou administratives en sont pas appliquées (ou à des taux très peu élevés) ; ces mesures sont prises en vue d’attirer des entreprises étrangères de venir s’installer dans le pays.  : dormir à quinze dans une chambre faite pour quatre, et régime quasi pénitentiaire (horaire de 70 heures/semaine, 7h30 à 23 heures du lundi au vendredi, 7h30 à 15 heures les samedis et 7h30 à 21 heures les dimanches. Repos ? Un dimanche par mois...), avec sortie encadrée en autobus pour un retour obligatoire à 19 heures. Mais, donc, pas toujours docile. Début février, 438 travailleuses sri lankaises sont parties en grève dix jours en occupant l’aéroport de Port-Louis pour obtenir que leur salaire de base de 150 euros corresponde à 280 heures de travail et non 315 heures (calcul rapide : elles n’étaient pas contentes d’un salaire horaire de 19 anciens francs belges – 53 eurocentimes de l’heure – et en voulaient 21). Elles voulaient cela et... travailler 48 semaines par an au lieu de 52. Dit autrement, pas toute l’année, souffler un peu. Derrière les étiquettes des babioles textiles promues ici sur papier glacé, il y a cette réalité-là. Derrière l’étiquette Zara (entreprise Inditex, Espagne) ou Next (entreprise Campagnolo, Italie) – deux marques repérées par Arlette Puraye – on a, répétons, cette réalité-là... Les travailleuses sri lankaises ? Le 15 février 2007, certaines ont été rapatriées chez elles, d’autres ont repris le travail. Rien à voir, circulez.

Sources : interview, recherches et archives Gresea.