Une loi américaine met combien de temps pour être transposée en Europe ? Voilà un beau sujet pour un jeu de société sur l’actualité économico-politique. La commission européenne a lancé voici peu une vaste consultation en ligne en vue d’examiner les moyens d’améliorer les obligations de publicité des entreprises en matière d’informations non financières : les aspects environnementaux et sociaux de leurs activités, pour parler clairement. La consultation a été clôturée le 24 janvier 2011. De nombreuses ONG s’y sont engouffrées pour donner leur avis. Et ce sont au total quelque 250 réponses qui ont afflué informe le site du commissaire Michel Barnier, chargé du Marché intérieur, mais pour le reste, cela ressemble à une gare désaffectée, un écran vide et muet, aucun document ne peut être consulté, aucun suivi n’est annoncé. Sans doute n’est-ce pas là que les choses sérieuses ont lieu. Car le 21 mars 2011, via le Financial Times, Barnier s’est adressé directement à la communauté financière pour annoncer des mesures de transparence visant le secteur extractif (entreprises minières, énergie), voire encore forestier. Le secteur se verrait obligé de rendre publics les versements faits aux gouvernements des pays étrangers où il s’active, ce sont bien sûr les Etats du Tiers-monde auxquels il est fait allusion par là, Etats qu’on sait réputés "corruptibles" et portés sur la "voyouterie" et la "gabegie" . Le secteur concerné n’a pas applaudi. N’a-t-il pas, déjà, souscrit à l’Extractive Industries Transparency Initiative, un code volontaire de bonne conduite porté par le financier Georges Soros et une foule d’ONG complaisantes ? C’est, comme le précisera le Financial Times le lendemain, se tromper sur les données centrales du problème, qui n’ont rien à voir avec l’éthique ou la transparence. Avec sa proposition, Barnier ne fait que s’aligner sur une disposition de la loi Dodd-Frank adoptée aux Etats-Unis en juillet 2010 – dont les visées néocoloniales sur le marché africain ont été analysées ici (voir http://www.gresea.be/ED10RC10doddfrankRDC.pdf ). Barnier, bien sûr, n’exprime pas les choses ainsi. L’idée majeure, à l’entendre, c’est la transparence – c’est-à-dire, pour suivre la glose du Financial Times, "égaliser le jeu entre deux marchés majeurs", l’Europe et les Etats-Unis, ils doivent pouvoir jouer à pied d’égalité, à armes égales, sur un même marché transatlantique dont l’Afrique n’est qu’un pion parmi d’autres.