On imagine difficilement un meilleur exemple de la collusion quasi pornographique entre élites dirigeantes, politiques et économiques. Grands patrons, chef d’État et gouvernement, mangeant à la même table, couchant dans le même lit, au vu de tous. On pense, naturellement, au groupe EADS, le champion européen de l’aéronautique, papa de l’Airbus. Lagardère, son actionnaire Actionnaire Détenteur d’une action ou d’une part de capital au minimum. En fait, c’est un titre de propriété. L’actionnaire qui possède une majorité ou une quantité suffisante de parts de capital est en fait le véritable propriétaire de l’entreprise qui les émet.
(en anglais : shareholder)
de référence en France, est entré au capital Capital Ensemble d’actifs et de richesses pouvant être utilisés pour produire de nouveaux biens ou services.
(en anglais : capital, mais aussi fund ou wealth)
pour une bouchée de pain en 1999 par la grâce du socialiste Strauss-Kahn. Et lorsque, début 2006, le titre Titre Morceau de papier qui représente un avoir, soit de propriété (actions), soit de créance à long terme (obligations) ; le titre est échangeable sur un marché financier, comme une Bourse, à un cours boursier déterminé par l’offre et la demande ; il donne droit à un revenu (dividende ou intérêt).
(en anglais : financial security)
Airbus menaçant de s’effondrer (il perdra un quart de sa valeur en juin 2006), il sera parmi les premiers à revendre la moitié de ses 15%, réalisant au passage un colossal bénéfice – tout comme son collègue Noël Forgeard, le protégé de Chirac. Et vendra à qui ? Entre autres à la Caisse des dépôts, la banque publique, qui perdra au passage quelque 190 millions d’euros, sciemment, étant au parfum du désastre (très discrètement) annoncé. Pour clamer, à l’époque, l’innocence de la puissance publique, il y aura entre autres Augustin de Romanet, le secrétaire général adjoint de l’Elysée. Il a été, entre-temps, bombardé patron de la Caisse des dépôts. On sait, à ce niveau, renvoyer l’ascenseur pour services rendus. Délit d’initiés au sommet ? Il y aura "enquête" et elle conclura, sans surprise, à un sans faute, ensuite entériné par l’assemblée générale d’EADS. On aurait volontiers cité in extenso le commentaire acerbe du journal financier Les Échos. On se contentera d’extraits. L’enquête de l’Inspection générale des Finances ? Une opération "d’autoblanchiment". Le système de défense des dirigeants soupçonnés d’avoir été initiés ? "Il est clair que le pendant de la présomption d’innocence dont ils bénéficient doit être le soupçon d’incompétence." Mieux : leur ignorance des problèmes de l’Airbus en 2006 "n’est pas seulement une excuse, c’est aussi une faute." L’assemblée générale va dès lors les démettre ? Nenni : "réélus avec des scores dignes de Fidel Castro" et, Lagardère, "dont on connaît le peu d’appétence pour l’aéronautique, affirme désormais qu’il entend rester au moins cinq ans l’actionnaire leader du pôle français". Cerise sur le gâteau : l’élection par cette assemblée générale, au titre d’administrateur indépendant (sic), de Lakshmi Mittal, patron d’Arcelor-Mittal, qui ne daignera pas se déplacer. On a la démocratie d’entreprise qu’on mérite.

Sources : Plan B n°10 d’octobre 2007, le Canard enchaîné du 10 octobre 2007 et Les Echos du 23 octobre 2007.