Emmenée par le puissant syndicat Verdi, la grève des travailleurs de Deutsche Telekom a duré près de deux mois, du 10 mai au 28 juin 2007. Elle s’est achevée sur un échec retentissant. Alors que d’autres secteurs allemands enregistraient des hausses de salaires substantielles, les 50.000 agents de la division de téléphonie fixe de Telekom ont dû accepter une baisse de salaire de 6,5% et un allongement de la durée de travail sans compensation de 10%, soit une chute de niveau de vie d’environ 17%. Verdi avait annoncé une grève au finish. Il a dû plier.
Il y a des leçons ? On a avancé que, la téléphonie fixe étant en perte de vitesse, l’issue était inévitable. Sans doute, mais cela n’explique pas tout, car les pertes de marché Marché Lieu parfois fictif où se rencontrent une offre (pour vendre) et une demande (pour acheter) pour un bien, un service, un actif, un titre, une monnaie, etc. ; un marché financier porte sur l’achat et la vente de titres ou d’actifs financiers.
(en anglais : market)
de Telekom, due à une concurrence d’opérateurs cassant les prix, résulte de la volonté politique de libéraliser le secteur. Grâce soit rendue à la Commission européenne. (En passant : victime du même scénario, Belgacom ne se porte pas mal pour autant : elle est classée comme la 6e entreprise européenne la plus performante de 2006 dans le hit-parade annuel de Business Week.)
On a, aussi, pointé l’indifférence de l’opinion allemande devant la grève. Verdi n’a pas su faire une bonne propagande. C’est, d’évidence, un facteur crucial. Mais il en est un dernier, qui pèse plus lourd. C’est le rôle occulte joué par le fonds d’investissement Fonds d'investissement Société financière qui récolte l’épargne de ménages pour l’investir ou le placer dans des produits financiers plus ou moins précis, parfois définis à l’avance. Il existe des fonds de pension, des fonds de placement, des fonds de fonds qui sont proposés à tout un chacun. En revanche, les hedge funds (fonds spéculatifs) et les private equity funds sont réservés à une riche clientèle.
(en anglais : fund)
américain Blackstone, avec la bénédiction du gouvernement Merkel. En février 2006, première rencontre discrète entre Blackstone et la chancelière Angela Merkel, suivie de peu par un potopoto avec le ministre socialiste des Finances Peer Steinbruck. Le premier veut entrer dans le capital Capital Ensemble d’actifs et de richesses pouvant être utilisés pour produire de nouveaux biens ou services.
(en anglais : capital, mais aussi fund ou wealth)
de Telekom et ce sera, pour 2,7 milliards d’euros, 4,5% en avril 2006. Le gouvernement allemand, conscient du risque politique, ne veut pas descendre sa participation en dessous de 25% mais voit en Blackstone un allié objectif : le levier inespéré pour "réformer" en coulisse l’économie allemande.
En coulisse : grâce à son siège au conseil d’administration, Blackstone placera en novembre 2006 un patron de choc à la tête de Telekom, René Obermann. Qui optera, début 2007, pour l’attaque frontale sur les coûts salariaux.. Sans négliger, avec Blackstone, de d’abord assurer ses arrières auprès du gouvernement allemand. Ce dernier fera passer le mot : "Verdi ne sera pas autorisé de gagner le bras de fer. Nous le leur avons dit." Textuel. Le reste est connu. Verdi va débrayer mais en vain. En effet, note le Financial Times en dévoilant ces tractations occultes, "le soutien tacite de Berlin pour les projets de Blackstone de restructurer et réduire les coûts a été sans faille." Faute d’avoir su intégrer cette nouvelle donne, et la contrer, Verdi partait perdant.

Sources : Financial Times du 22 juin et 3 juillet 2007, Business Week du 14 mai 2007.