(c) Carl de Keyzer / Magnum Photos - Campagne Dirty Diesel, Public Eye

Les carburants exportés vers l’Afrique par les négociants de matières premières contiendraient des quantités de produits toxiques largement supérieures aux normes autorisées. C’est ce qu’affirme l’ONG suisse Public Eye (ex-Déclaration de Berne) dans un rapport publié au mois de septembre 2016.

Des tests ont été réalisés dans huit pays africains, dans des stations-essence dont les propriétaires sont des négociants de matières premières suisses. Ils se nomment Vitol, Trafigura Glencore, Mercuria ou Gunvor.

Le métier de négociant (on peut parler de « traders » pour qualifier ces sociétés) consiste à acheter des matières premières pour les revendre avec une plus-value Plus-value En langage marxiste, il s’agit du travail non payé aux salariés par rapport à la valeur que ceux-ci produisent ; cela forme l’exploitation capitaliste ; dans le langage comptable et boursier, c’est la différence obtenue entre l’achat et la vente d’un titre ou d’un immeuble ; si la différence est négative, on parlera de moins-value.
(en anglais : surplus value).
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La Suisse est la première place mondiale pour le commerce des matières premières. Pour ce qui est du pétrole et des carburants, les firmes helvétiques représentent 35% des échanges mondiaux. Les négociants possèdent des sites de stockage et se sont également impliqués dans les réseaux de stations-services, leur permettant d’avoir la main mise sur toute la chaine : raffinerie, stockage, transport, vente au consommateur final.

Ceci est particulièrement marqué en Afrique de l’Ouest, où les standards environnementaux peu contraignants permettent à ces firmes transnationales de réaliser d’importants profits en vendant des carburants plus toxiques que ce que la législation ne permet.

Le diesel, « de qualité africaine », vendu sur le continent contiendrait entre 100 et 380 fois plus de souffre que la norme européenne, selon Public Eye. Certains additifs y seraient ajoutés en fonction de la zone d’expédition et des normes environnementales en vigueur.

Ajoutons que le marché automobile africain est pour une large part composé de véhicules d’occasion importés d’Europe, ne répondant pas aux dernières normes anti-pollution, si bien que les grandes capitales africaines (Lagos, Le Caire, Dakar, Accra…) voient les concentrations de particules fines dans l’air largement dépasser les seuils recommandés par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS).

Le comble : l’Afrique (de l’Ouest en particulier) est un exportateur net de pétrole brut à destination de l’Europe. Le carburant y est raffiné pour être ensuite réexporté et utilisé dans les véhicules en Afrique. Le Ghana consacre jusqu’à 10% de son PIB PIB Produit intérieur brut : richesse marchande créée durant une période déterminée (souvent un an) sur un territoire précisé (généralement un pays ; mais, en additionnant le PIB de tous les pays, on obtient le PIB mondial).
(en anglais : Gross Domestic Product ou GDP)
à l’achat d’essence et de diesel.

La plupart des cargaisons de carburants exportées vers l’Afrique proviennent de ports situés en mer du Nord. 80% des importations d’essence et de diesel de l’Afrique de l’Ouest provenaient d’Amsterdam, Rotterdam ou Anvers.

Comme suite à la publication de ce rapport, la Ligue sénégalaise des droits humains [1] a déposé une plainte avec constitution de partie civile, réclamant l’inculpation des personnes et entreprises participant à ce commerce.

Sources :
Public Eye – Le magazine, Septembre 2016 : https://www.publiceye.ch/fileadmin/files/documents/PublicEye/PublicEyeMagazin/PublicEye2016-09_LeMagazine_no1.pdf

Le rapport “Dirty Diesel. How Swiss Traders Flood Africa with Toxic Fuels” (en anglais) : https://www.dirtydiesel.ch/pdf/2016-DirtyDiesel-Public-Eye-Investigation.pdf