Depuis le début du 21e siècle, les entreprises de télécommunications européennes ont systématiquement délocalisé leurs centres d’appels vers les pays d’Afrique du Nord suivant ainsi les anciennes démarcations coloniales. Les plaintes des clients espagnols échouent le plus souvent dans le Nord du Maroc, celles des clients belges ou français sont gérées par des sous-traitants du Sud du Maroc, d’Algérie ou de Tunisie. Pourquoi l’Afrique du Nord ? Tout d’abord, pour sa proximité géographique et linguistique. Ensuite, et surtout, le Maghreb fait face à un chômage important chez les jeunes. Ce qui permet aux donneurs d’ordre européens de recruter à « très bon prix » une main-d’œuvre diplômée. Des entreprises européennes qui apportent l’emploi mais pas le développement. Comme en témoigne un syndicaliste des centres d’appels marocains d’Orange au Forum Social Mondial de Tunis, « ce n’est ni un vrai métier, ni une réelle expérience pour les jeunes travailleurs ». Il y a, en outre, un véritable processus d’acculturation de cette jeunesse maghrébine par le travail. Pour éviter de « déstabiliser » le client français, les salariés des centres d’appels au Maroc doivent changer de prénom. Chez Orange, Hamid s’appelle donc Philippe. Par effet de contagion, ce nouveau prénom est utilisé par les collègues puis dans le voisinage. Les jours de congé répondent également au besoin de l’entreprise française et de ses clients. Ainsi, Hamid devenu Philippe, pourra fêter Noël mais travaillera lors de l’Aïd. Cette domination culturelle par le travail est une autre conséquence, moins visible, de l’activité des sociétés transnationales du Nord dans les pays du Sud.
Source : témoignage d’un syndicaliste marocain des centres d’appels d’Orange au Forum Social Mondial de Tunis, lors d’un atelier intitulé « Les multinationales à l’assaut de l’Afrique », le 27 mars 2013.
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