Le jugement rendu le 11 mai 2012 par le tribunal des affaires de Sécurité sociale de Melun à l’encontre de la transnationale
Transnationale
Entreprise, généralement assez grande, qui opère et qui a des activités productives et commerciales dans plusieurs pays. Elle est composée habituellement d’une maison mère, où se trouve le siège social, et plusieurs filiales étrangères.
(en anglais : transanational)
Areva est une petite victoire pour la justice sociale. Car il déchire, par décision judiciaire, le "voile" que les firmes transnationales dressent habilement entre elles-mêmes et les "petites mains" de leur chaîne d’approvisionnement : ce qui se passe (à l’étranger, au loin, dans des pays pauvres) à l’intérieur de leurs ateliers de labeur ne les concernent pas, ce sont des entités juridiques distinctes, rien à voir avec eux ! Telle était donc la thèse d’Areva au sujet d’un travailleur décédé d’un cancer professionnel dû à l’absence de protection adéquate dans un site de traitement de l’uranium agissant, à Akouta, au Niger, pour le compte de Cominak, société de droit nigérien. Le tribunal ne l’entendra pas de cette oreille. Observant qu’Areva et Cominak ont un actionnaire
Actionnaire
Détenteur d’une action ou d’une part de capital au minimum. En fait, c’est un titre de propriété. L’actionnaire qui possède une majorité ou une quantité suffisante de parts de capital est en fait le véritable propriétaire de l’entreprise qui les émet.
(en anglais : shareholder)
majoritaire identique, une adresse similaire et qu’elles poursuivent en concertation, simultanément et durablement, une activité commune dans un intérêt commun sous une autorité unique, le tribunal n’a pu que constater qu’il existe entre elles "une confusion d’intérêts
Intérêts
Revenus d’une obligation ou d’un crédit. Ils peuvent être fixes ou variables, mais toujours déterminés à l’avance.
(en anglais : interest)
, d’activités et de dirigeants" – et, dès lors, que les critères sont réunis pour désigner Areva comme "co-employeur" du travailleur décédé. Il en résulte, note Christophe Vigneau, avocat au barreau de Paris et auteur d’un billet sur l’affaire, qu’Areva a ici été reconnue coupable d’une faute inexcusable et, plus largement, que la notion de "co-employeur" gagne du terrain dans les tribunaux français dans des dossiers où des entreprises cherchent à éluder leur responsabilité à "travers des montages sociétaires élaborés". La notion de co-employeur, conclut-il, fait actuellement son petit bonhomme de chemin et c’est heureux, car elle "permet de faire tomber les murs savamment bâtis de l’irresponsabilité des sociétés, en particulier des multinationales."
Source : L’Humanité du 25 juin 2012. Voir pour le texte complet : http://www.humanite.fr/social-eco/elle-court-elle-court-la-notion-de-coemployeur-499431