La concentration – la constitution de monopoles – est un phénomène dont on n’aperçoit en général que trop tard les inconvénients. Voir le cas du bouquin. Aux États-Unis, il y a un quart de siècle de cela, les cinq plus grands éditeurs ne contrôlaient que quelque 30% du marché. Aujourd’hui, le géant de la vente en ligne Amazon (en passe de devenir également éditeur) assure, là-bas, à lui seul 20% des ventes – et ce chiffre monte à 70-80% pour les livres en format électronique. Déjà, cela a donné lieu à quelques dérapages. En 2010, la maison d’édition Macmillan a résisté au diktat d’Amazon qui voulait imposer à tous les éditeurs un prix de vente unique de 9,99 dollars (7,5 euros) pour tous les "e-bouquins" vendus par son entremise. Donc, interdiction, de facto, faite aux éditeurs de fixer leur propre prix. Et, plus sournois : message massue en direction des "consommateurs" qui, forcément, seront amenés à penser que 9,99 dollars est le "juste" prix d’un bouquin, prix au-delà duquel les autres éditeurs n’oseront pas aller de crainte de paraître trop chers. Mais, donc, Macmillan refuse. Mal lui en a pris. Du jour au lendemain, Amazon a retiré tous les produits Macmillan de son catalogue de vente : tu cèdes ou tu meurs. Amazon est, peu après (provisoirement ?), revenu sur sa décision – mais uniquement pour les "e-bouquins" : le prix des autres, traditionnels, en papier, restent fixés par Amazon dans ses catalogues. Une morale : si les gens ne boycottent pas Amazon aujourd’hui, ils n’auront, demain, qu’un choix, qu’un éditeur : Amazon.
Source : Barry C. Lynn, "Killing the competition", Harper’s Magazine, février 2012.