Dans le reportage que Hassane Zerrouki a fait, dans L’Humanité (10 juillet 2012), des festivités organisées en Algérie à l’occasion du cinquantième anniversaire de son indépendance (juillet 1962), c’est surtout la fragilité économique du pays qui s’offre aux regards de l’observateur, avec un chômage – officiel – de 11%, dépassant 40% chez les jeunes. Et c’est donc avec inquiétude que le gouvernement regarde l’avenir et... les cours du pétrole. Une phrase du reportage condense l’ampleur du problème : "L’industrie pétrolière et gazière (près de 50% du PIB PIB Produit intérieur brut : richesse marchande créée durant une période déterminée (souvent un an) sur un territoire précisé (généralement un pays ; mais, en additionnant le PIB de tous les pays, on obtient le PIB mondial).
(en anglais : Gross Domestic Product ou GDP)
) représente 94,4% des recettes de l’État, alors que le secteur industriel et manufacturier ne représente que 5% du PIB et ce, du fait d’une politique de désindustrialisation, qui s’est accélérée après le plan d’ajustement structurel Plan d’ajustement structurel Ensemble de mesures imposées par les instances internationales - notamment par le FMI - à un pays, afin qu’il sorte de sa situation de crise financière et de déficit des comptes extérieurs. Cela passe généralement par une dévaluation de la monnaie, une réduction des dépenses publiques (administration, enseignement, santé…), des baisses de revenus, la suppression des limitations au commerce international et aux investissements étrangers, le transfert de propriété de ressources nationales à des firmes étrangères, la privatisation de monopoles publics… Les apports de fonds, indispensables à la survie du pays, ne sont livrés qu’au compte-gouttes, par tranches, après vérification des institutions internationales de la réalisation des mesures imposées. L’effet de ces plans est très discutable et très discuté. En Amérique latine, on appelle les années 80, après que Mexique, Brésil et Argentine ont fait appel au FMI pour résoudre le problème de la dette extérieure, la décennie perdue. L’intervention du FMI en 1997 pour faire face à la crise asiatique a été ressentie dans cette région comme un crime de lèse-majesté, organisant à la fois la pauvreté généralisée et l’atteinte à la souveraineté nationale.
(En anglais : Structural adjustment policies)
1994-1997 imposé alors par le FMI FMI Fonds Monétaire International : Institution intergouvernementale, créée en 1944 à la conférence de Bretton Woods et chargée initialement de surveiller l’évolution des comptes extérieurs des pays pour éviter qu’ils ne dévaluent (dans un système de taux de change fixes). Avec le changement de système (taux de change flexibles) et la crise économique, le FMI s’est petit à petit changé en prêteur en dernier ressort des États endettés et en sauveur des réserves des banques centrales. Il a commencé à intervenir essentiellement dans les pays du Tiers-monde pour leur imposer des plans d’ajustement structurel extrêmement sévères, impliquant généralement une dévaluation drastique de la monnaie, une réduction des dépenses publiques notamment dans les domaines de l’enseignement et de la santé, des baisses de salaire et d’allocations en tous genres. Le FMI compte 188 États membres. Mais chaque gouvernement a un droit de vote selon son apport de capital, comme dans une société par actions. Les décisions sont prises à une majorité de 85% et Washington dispose d’une part d’environ 17%, ce qui lui donne de facto un droit de veto. Selon un accord datant de l’après-guerre, le secrétaire général du FMI est automatiquement un Européen.
(En anglais : International Monetary Fund, IMF)
(1.010 entreprises publiques fermées et près de 500.000 salariés licenciés).
" L’automne des indépendances, pourrait-on dire. Les États du Sud qui ont cru pouvoir prendre leur destin dans leurs propres mains ont été amenés à demeurer ou redevenir des pourvoyeurs de matières premières sur des marchés à l’exportation qui dictent la marche à suivre pour, sans cesse, s’ingérer dans les affaires intérieures des pays décolonisés. Cinquante ans après, tout reste à refaire, semble-t-il. L’indépendance reste à conquérir. Par un "printemps" populaire ? En déposant les tyrans & autres autocrates ? Sans doute, mais alors en commençant peut-être par ceux qui, comme le FMI, ont pignon sur rue dans la zone de l’Atlantique nord.