La décision rendue par la Cour européenne de justice dans l’affaire Laval a été perçue comme une gifle par les syndicats. C’est dans l’ordre des choses. Peuplée de magistrats acquis à l’intégrisme du marché, la Cour est réputée pour ses "coups de forces juridiques" – l’expression est de Dominique Wolton (La deuxième utopie – Naissance de l’Europe démocratique, 1993), qui dresse dans cet ouvrage la liste de ses arrêts de théologie néolibérale les plus flagrants. En cause, cette fois, les actions syndicales suédoises en 2004 pour riposter au refus – dumping social – de la filiale de la société Laval de rémunérer ses travailleurs lettons conformément aux barèmes des conventions collectives en vigueur en Suède, et ce dans le cadre d’un contrat de rénovation d’une école à Stockholm. Dans sa décision, la Cour a estimé que les actions collectives sont, certes, par principe, légitimes mais que, la Suède ayant négligé de conférer valeur légale aux conventions collectives dans le cadre des détachements de travailleurs temporaires régis par une directive européenne de 1996, les syndicats ont, en l’espèce, entravé la sacro-sainte libre circulation des services. Le droit (pur) prime sur la coutume sociale (réelle), si on veut. L’affaire est-elle pour autant conclue ? On sait que le gouvernement suédois appuyait depuis le début les syndicats, et compte désormais remédier les lacunes de la loi pointées par la Cour européenne. Reste donc à voir, l’affaire étant maintenant renvoyée devant les juridictions suédoises, quel en sera le sort. (Plus d’infos et le communiqué de la Confédération européenne des syndicats sur le site de ce dernier : http://www.etuc.org/a/4402 )
Sources : Financial Times et La Libre Belgique du 19 décembre 2007.
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