Perdu de vue : justice fiscale
« Considérant que tout Etat ou collectivité d’Etats doit assurer l’égalité des droits des hommes et des femmes, favoriser le progrès social, instaurer des conditions de vie dignes et décentes pour tous et assurer un développement durable ; considérant que toute production de richesse doit s’accompagner d’une nécessaire redistribution équitable ; considérant que la fiscalité doit constituer un des outils indispensables de la redistribution des richesses et perm e t t re le financement des serv i c e s publics, nous proclamons au Forum social de Porto Alegre la présente déclaration universelle du droit à la justice fiscale comme élément de la justice sociale ».
Cette déclaration, proclamée lors du deuxième forum social mondial à Porto Alegre en janvier 2002, pose l’ensemble des éléments pour une justice fiscale, aussi bien pour le Sud que pour le Nord de la planète. Or, c’est la tendance inverse qui s’est accentuée, un peu partout, ces vingt dernières années. Avec les mesures de libéralisation des mouvements de capitaux, portées par tous les gouvernements de l’Union européenne, la faible imposition des patrimoines et des revenus financiers, la baisse des impôts sur les bénéfices des sociétés et plus récemment le démantèlement des taux supérieurs de l’impôt sur les revenus des ménages, les États ont procédé à des réformes fiscales aboutissant à réduire fortement la progressivité de l’impôt, à favoriser davantage encore les plus nantis, n’hésitant pas à mettre en péril les missions sociales indispensables des services publics.
Pour les pays du tiers monde, la situation est bien pire encore. Le remboursement de la dette (avec des taux d’intérêts très élevés), le détournement des fonds publics dans les paradis fiscaux, la détérioration des termes de l’échange (avec la baisse du coût des matières premières, la diminution drastique des taxes à l’importation, imposée par l’OMC), la généralisation de la TVA, « l’impôt de consommation », à des taux très élevés (voir l’Afrique subsaharienne), ces différents éléments ne font qu’accentuer l’injustice fiscale, élargir le fossé entre riches et pauvres et réduire, à une peau de chagrin, les capacités financières des États.
Les mesures à prendre pour une justice fiscale sont formulées et avancées, depuis des années, par les mouvements sociaux et syndicaux. Il s’agit, pour l’essentiel, de privilégier l’impôt progressif sur les revenus, l’impôt sur les bénéfices des entreprises, l’impôt sur la spéculation (taxe « Tobin »), l’impôt sur la fortune. Ce type d’impôt est préconisé par la CNUCED elle-même, dans son rapport de 1995.
Les obstacles à de telles mesures ne sont point techniques. Deux livres « Révélations » et « la Boîte noire », publiés par le journaliste français, Denis Robert, avec la collaboration d’un ancien fiscaliste au Luxembourg, Ernest Backes, apportent la preuve qu’il est techniquement possible d’assurer une « traçabilité » de toutes les opérations financières internationales.
C’est une question de volonté politique. Une question de rapports de force, de mobilisations sociales et citoyennes. C’est aussi une question de contrôle sur les finances publiques. En place depuis une dizaine d’années à la municipalité de Porto Alegre au Brésil, avec son extension à l’État du Rio Grande do Sul, le budget participatif – la transparence des finances publiques et leur contrôle par la population – a permis de réduire drastiquement la corruption, d’affecter une plus grande partie des budgets aux besoins fondamentaux de la population, des plus démunis en particulier, et de faire participer davantage les riches au financement des services publics.
Sommaire :
- Edito : Perdu de vue : justice fiscale (E. Rydberg)
- La fiscalité : des enjeux politiques trop souvent négligés par les forces syndicales et sociales (G. Gourguechon)
- Belgique : pour une justice fiscale, tout simplement (D. Horman)
- Paradis fiscaux et pays en développement (F. Gobbe)
- Fiscalité et financement du développement (D. Horman)
- Généalogie du Budget participatif de Porto Alegre (F. Polet)
- Paradis fiscaux et pays en développement (O.Tonollier)
Pour consulter la revue en ligne : https://issuu.com/gresea/docs/ge36reduit
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