Il existe plusieurs manières de faire pression sur les médias. La plus simple : compter sur le discours dominant pour asseoir des relations de connivence avec l’élite journalistique. Classique mais plus rare : empêcher la publication d’informations dérangeantes. Et puis, plus subtil, faire en sorte que cette information-là ne parvienne pas aux rédactions. C’est la voie choisie par Airbus pour bloquer la diffusion de l’audit d’évaluation du "plan Power 8" (suppression de 10.000 emplois), commandé le 25 juin 2007 par les élus syndicaux du comité central d’entreprise d’Airbus – et que le bimestriel Le Plan B a dévoilé. On comprend l’irritation des dirigeants d’Airbus. Dans cet audit de 189 pages, le cabinet d’analyses économiques parisien Fiduciaire Cadeco juge que les calculs justifiant les licenciements ne correspondent "à aucune estimation économique et financière réelle", que le redressement d’Airbus "ne pourra être résolu que par l’apport d’effectifs nouveaux ou par le report de certains projets" et que la politique (de dégraissage) du personnel poursuivie par Airbus – inspirée par un conseil américain "formé au Toyota Production System" (sic) – comporte aux moins trois effets pervers : "perte de salariés dont les compétences sont nécessaires (...), longue phase de démotivation (... et), difficulté à faire face aux recrutements appelés par les augmentations de cadences." Voilà, donc, qui ne devait pas être porté à la connaissance du public. Comment ? En pressant les syndicats, par l’entremise de l’inspection du travail, à respecter le caractère confidentiel de l’audit. Et, lorsque Le Plan B interrogera la direction d’Airbus, en faisant comme s’il n’existait pas. Toute ressemblance avec une quelconque dictature est à 100% fortuite.

Source : Le Plan B, n°11, décembre 2007.
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