Depuis quelques années, les anciens dirigeants d’Eternit, société financière active dans les matériaux de construction à base d’amiante-ciment, ont, plus souvent qu’à leur tour, maille à partir avec la justice. Ainsi, en juin dernier, huit anciens dirigeants d’Eternit, dont le Belge Karel Vinck (ex-Eternit Belgique et ex-SNCB), ont été condamnés à un total de vingt ans de prison par un tribunal sicilien pour avoir "négligé" d’informer les ouvriers d’une usine sicilienne de la multinationale des dangers de l’amiante (l’Union européenne a interdit l’amiante en 1999). C’est un problème que, déjà en 1979, le GRESEA a analysé dans une brochure sur la stratégie d’entreprise de la Compagnie financière Eternit en matière de transferts de technologie – quoiqu’il faille peut-être plutôt parler ici de transferts de risques vers des pays à bas salaires : les risques liés à un matériau pathogène. Les premiers soupçons sur la dangerosité de l’amiante ont en effet été émis au tout début du 20e siècle. Ils ne seront cependant mis en exergue que dans les années 70 et 80 avec, à la clé, l’apparition de normes sanitaires et environnementales plus strictes quant à la manipulation et à l’exposition à l’amiante. D’où : stratégie d’entreprise. Afin de contourner ces réglementations coûteuses, la Compagnie financière Eternit va utiliser les canaux de la mondialisation. D’abord, en automatisant certaines lignes de production en Europe avec des conséquences désastreuses sur l’emploi, en Belgique notamment. Ensuite, pour garder son emprise sur le secteur, en s’empressant, en 1978, de déposer un brevet sur les matériaux de remplacement de l’amiante dans le domaine de la construction. Et, enfin, en "relocalisant" ses unités de production dans des régions où les salaires sont plus bas, où la sécurité des travailleurs est un problème de second ordre, où les normes environnementales sont quasi inexistantes et où les besoins en matériaux de construction sont immenses, bref dans le tiers-monde. Même si la justice semble rattraper en Europe les anciens dirigeants d’Eternit, les crimes par "omission" commis dans le tiers-monde resteront, eux, sans doute impunis.
Source : "L’amiante-ciment : un matériau pour l’éternité ?", monographie Gresea, 30 pages, mai 1979 (disponible au Centre de documentation) et archives Gresea.
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