Le droit pour une entreprise de fermer un outil de production n’est pas absolu. Un jugement du Tribunal de première instance de Marseille, qualifié par le Figaro de « rare, voire sans précédent », vient de le confirmer. L’usine de chocolat et de café soluble de Saint-Menet, à Marseille, 427 travailleurs, posait pour Nestlé un problème de « différentiel de compétitivité » (ils s’expriment comme cela) et, en mai 2004, la multinationale, qui vient d’enregistrer un bénéfice semestriel en hausse de 36%, a décidé sa fermeture pour le 30 juin 2005. Un conflit judiciaire s’en est suivi, portant notamment sur les mesures d’accompagnement du plan social. Sans attendre l’issue de celui-ci, cependant, Nestlé a entamé, à la date prévue, en juin 2005, le transfert de la production vers d’autres sites, à Dieppe, en Suisse, en Italie et en Espagne. D’où occupation de l’usine marseillaise, d’où une procédure en référé visant à faire confirmer un jugement précédent enjoignant les travailleurs à cesser leur action – mais aussi à Nestlé de remettre l’usine « dans un état normal de fonctionnement ». Comme l’a judicieusement fait remarqué un délégué CGT, « Le fonctionnement normal d’une usine, c’est : on reçoit des matières premières, on les transforme et on les livre aux clients. Comme ce n’est pas le cas, c’est une fermeture sauvage. » Le tribunal l’a, donc, bien entendu ainsi. En obligeant Nestlé à rouvrir l’usine, il a jugé illégal, note le Figaro, le fait de « mettre les salariés devant le fait accompli d’une fermeture avant que la justice n’ai statué sur le fond. » Comme le précise un avocat spécialisé dans le droit social : « Le juge semble avoir voulu préserver les droits sociaux des salariés face à ce qui ressemble à un lock-out. » C’est un jugement instructif.
Source : Le Figaro des 22 et 25 août 2005.
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