"C’est notre monnaie mais c’est votre problème"
(John Connally, Secrétaire d’État américain au Trésor)

Cela fait un peu plus d’un an que la crise du subprime a éclaté. Et le monde de la finance va de soubresaut en soubresaut. Les secousses qui frappent de plein fouet les bourses mondiales ont entraîné l’intervention des pouvoirs publics US. Cela a commencé avec Fannie Mae et Freddie Mac. Le 7 septembre 2008, le Trésor américain reprenait le contrôle de Fannie et Freddie. Et pourtant, le Trésor américain avait déjà, en juillet 2008, secouru ces deux " government sponsored entreprises" grâce à un plan de sauvetage incluant une hausse de crédit au profit de ces deux institutions ainsi qu’un plan d’achat de leurs actions. Pourquoi en trois mois est-on passé de la nationalisation partielle de fait à une reprise en main intégrale ? Peut-être parce que les investisseurs chinois avaient besoin d’être rassurés.

En effet, la Chine trônait, avec 376 milliards de dollars [1], en tête des cinq premiers détenteurs d’obligations émises par Fannie Mae et Freddie Mac. Aujourd’hui, avec l’adoption du Plan Paulson par le Congrès américain et la recapitalisation des banques américaines par le gouvernement fédéral, l’intervention des pouvoirs publics dans la crise se fait plus puissante. Comment va s’articuler ce grand plan de sauvetage avec la grande dépendance des États-Unis aux flux financiers en provenance de l’extérieur ? On notera, à cet égard, avec intérêt qu’au cours des quatre dernières années, le secteur privé américain a emprunté 3.000 milliards de dollars au reste du monde [2] (en particulier, la Chine). En s’endettant à ce point vis-à-vis de l’extérieur, l’économie américaine, aujourd’hui en crise, semble avoir mis en place les mécanismes lui permettant de répudier sa dette.

Répudiation de la dette et taux d’intérêts réels négatifs

Pour les États-Unis, répudier une dette, cela peut se faire en la dévaluant de fait via le jeu des taux d’intérêts réels. Quand on scrute de près l’évolution des taux d’intérêt américains depuis quelques années, on ne peut qu’être frappé par la faiblesse de leur niveau réel. Un taux d’intérêt réel, c’est la différence entre le taux d’intérêt officiel (on parle de taux d’intérêt nominal) des banques centrales et le taux de l’inflation. Aujourd’hui, les taux d’intérêt réels aux États-Unis sont négatifs.

Depuis les années 80, on n’avait plus vu un mouvement aussi net de reflux des taux réels aux États-Unis. En juillet 2008, le taux d’intérêt réel US était de -3,6%. Comme le montre le graphique suivant, l’évolution est, pour le moins, saisissante.

Figure 1. Evolution des taux d’intérêt réels aux États-Unis depuis 1960

Source : Pacific Associates, août 2008.

De manière assez schématique, des taux d’intérêt réels négatifs ont tendance à produire un effet pervers majeur en matière de répartition de la consommation et de l’épargne. Ils dissuadent notamment de l’épargne. Car les ménages qui possèdent du patrimoine en banque ne bénéficient pas d’un taux d’intérêt leur permettant de compenser leur perte de pouvoir d’achat.

La récente évolution des taux d’intérêt réels états-uniens tend à renforcer une tendance de l’économie américaine qui se caractérise, depuis les années 80, par un excès de consommation et d’endettement par rapport à la constitution d’une épargne. Il n’est d’ailleurs, en rien, assuré que cette politique fonctionne et que le consommateur américain suive. “Le marché immobilier américain a connu la crise la plus grave depuis les années septante, avec des baisses de prix de 8% en moyenne depuis le pic de 2005, mais de 40% dans les régions les plus touchées. Le marché part de l’idée que la baisse pourrait continuer jusqu’à 30%. Cela augure de la direction que l’économie américaine pourrait prendre. Avec un taux de chômage record depuis deux ans (5% en décembre) et qui pourrait atteindre les 7% selon certaines estimations, le consommateur américain (qui a longtemps été considéré comme le moteur de la croissance mondiale) pourrait jeter le gant. La consommation des ménages a chuté de 0,4% en décembre 2007”. [3]

Le grand déséquilibre US entre épargne et consommation a été financé, jusqu’à présent, par l’extérieur. Or, ce financement présuppose cependant que le marché des capitaux américain reste attractif. Aussi le financement des déficits américains, depuis les années 80, est toujours allé de pair avec des taux d’intérêt réels positifs comme cela fut le cas entre 1980 à 2002. Des taux d’intérêt réels négatifs engendrent également une diminution de confiance dans le dollar comme valeur pivot du système monétaire international. De ce fait, le dollar ressort affaibli face aux autres monnaies. Ce qui pose un problème aux nations qui exportent prioritairement vers les États-Unis, parmi lesquelles les pays asiatiques (en particulier, la Chine). Lier son destin à la monnaie américaine n’est, en fin de compte, plus aussi intéressant qu’il y a, par exemple, dix ans lorsque les taux d’intérêt réels états-uniens étaient légèrement supérieurs à 4%, (une baisse de près de 8%) en l’espace d’une décennie. En outre, le plombage du dollar par la crise du subprime et les déficits dévaluent les réserves de change des nations asiatiques. Ce qui est de nature à gêner aux entournures l’accumulation dans cette région du monde. Et donc, la mauvaise santé du dollar est de nature à y alimenter des inquiétudes.

Aujourd’hui, nous sommes donc en présence d’une configuration qui voit la politique monétaire américaine renforcer une tendance à la désépargne alors que les ménages américains fortement endettés mettent leur consommation en berne. C’est une contradiction de taille. Elle n’est pas la seule.

Car une fois de plus, "les États-Unis font la course économique sans se préoccuper des interdépendances internationales". [4] Or, trouver une issue à la crise passera par une stimulation de la demande dans les pays asiatiques ainsi qu’en Europe. Dans le même temps, les États-Unis devraient, quant à eux, réduire leurs déficits.

Asie et Europe : jusqu’à quand le sacrifice ?

Du côté des déficits, la situation américaine n’incite guère à l’optimisme. En juillet 2008, les observateurs signalaient que le déficit budgétaire US (490 milliards de dollars) menaçait d’exploser à l’occasion de l’exercice fiscal 2009 [5]. Quant au déficit commercial, il reste, malgré la faiblesse du dollar encore élevé. Pour les huit premiers mois de l’année 2008, le déficit commercial américain cumulé se chiffrait à 522,8 milliards de dollars au cours contre 457 milliards de dollars pour la même période il y trois ans [6].

Une sortie progressive de la crise impliquerait, pour les pays de la zone euro, de rompre radicalement avec le pacte de stabilité qui contraint le Vieux Continent à une situation de croissance molle. Cette option qui implique de se prononcer en faveur de l’expansion monétaire (en lieu et place de l’obsession anti-inflationniste "made in BCE") devrait impérativement passer par un découplage des taux d’intérêt américains et européens. On ne peut guère dire que la Banque centrale européenne (BCE) ait emprunté ce chemin jusqu’à présent. Comme en témoigne l’évolution du taux de refinancement de la BCE.

Le taux de refinancement est le taux fixé par une banque centrale. C’est à ce taux que sont rémunérés les surplus de liquidités des institutions financières. C’est également à ce taux que ces mêmes institutions peuvent emprunter auprès de la banque centrale. Le taux de refinancement détermine donc le loyer de l’argent. De ce fait, il influence, de façon fondamentale, l’activité économique. En baissant son taux de refinancement, une banque centrale, en rendant l’argent moins coûteux pour les emprunteurs, donne un coup de fouet aux investissements. A contrario, en augmentant les taux, on comprime l’activité économique. Cela est même indiqué en période de surchauffe lorsque la croissance s’accompagne de poussées inflatoires.

La récente baisse de 0,25% du taux de refinancement de la BCE, qui se situe actuellement à 3,75%, ne doit pas faire illusion, car il nous ramène grosso modo au niveau de janvier 2008 (voir figure n°2). A l’époque, les critiques pointaient déjà le niveau excessif des taux de la BCE. On ne peut que répéter ce type de jugement en ces heures où la croissance est résolument au point mort en Europe.

Figure 2. Evolution des taux de refinancement de la BCE depuis 1999

en %

Source : les Echos, 12 octobre 2008.

En Europe, nous sommes victimes d’une doctrine économique excessivement anti-inflationniste et, de ce fait, trop peu orientée vers la croissance. La "conception endogène de la croissance, selon laquelle le sous-emploi chronique mine la formation du potentiel de croissance et l’insuffisance de demande intérieure entraîne des taux d’investissement trop faibles dans les grands pays de la zone euro, est rejetée par le point de vue officiel. Elle est incompatible avec la doctrine qui règne à Bruxelles et à Francfort, avec le carcan des règles institutionnelles existantes". [7]

Quant à l’Asie obligée d’intervenir sur les marchés des changes pour soutenir le dollar, elle ne prend pas le chemin qui permettrait de relancer l’économie mondiale. "La dépendance de la croissance en Asie à l’égard de l’exportation doit être réduite et le mode de croissance doit être corrélativement redéployé sur la croissance interne" [8]. C’est d’ailleurs de Chine que les premiers coups de canif à la liaison des économies du monde avec le dollar pourraient bien être portés.

Ainsi, lors de la réunion du G20 consacrée à la crise financière des 11 et 12 octobre 2008, "la Chine fut également très critique (…). Les officiels chinois ont, en effet, signalé que malgré le fait que la croissance chinoise sera un peu inférieure cette année (environ 9% contre7% en 2009), la Chine détient suffisamment de liquidités pour faire face à la crise. Un fonctionnaire de la délégation argentine a signalé qu’il entrait concrètement dans les projets des Chinois de réduire son niveau d’exportations pour se concentrer sur le développement de son marché intérieur". [9]

Architecture financière internationale dollarisée

Comme on vient de le voir, l’alignement des principales économies mondiales sur le dollar pose de plus en plus problème. Cet alignement distrait, à l’intérieur de ces mêmes économies, des ressources nécessaires au maintien de la croissance ou au décollage de la consommation intérieure. Comment interpréter, dans ces conditions, les appels, comme celui lancé il y a peu par Gordon Brown, à la mise en œuvre d’un nouveau Bretton Woods dans le cadre d’un Fonds monétaire international (FMI) appelé à (re)devenir le garant de la stabilité financière au niveau mondial ?

On commencera par constater le décalage évident entre ce type de considérations et l’actuel surendettement de l’économie américaine. En effet, le système issu de la conférence de Bretton Woods a inauguré, dès 1944, une ère de domination du dollar. Avec les accords de Bretton Woods, l’ensemble des monnaies du monde se définissait dans un rapport de change fixe par rapport au dollar, ce dernier étant défini selon une parité stricte par rapport à l’or (35 dollars l’once d’or). Le système allait connaître une période de fonctionnement stable tant qu’il y avait pénurie de dollars dans le monde. Graduellement, à partir de la fin des années cinquante, le système de Bretton Woods allait montrer toutes ses limites. Limites attenantes à "la très grande difficulté à faire fonctionner un système de taux de change fixes dans un contexte de forte mobilité des capitaux". [10]

Au cours des années soixante, l’expansion monétaire de la seconde guerre mondiale, l’accélération de la sortie de dollars à l’extérieur des États-Unis (développement des IDE des firmes transnationales en Europe) et la dégradation de la balance des paiements américains amenaient à ce que la couverture en or de ces dollars ne soit plus viable. En outre, et ce n’est évidemment pas négligeable, en supprimant la convertibilité en or du dollar, les États-Unis se donnaient les moyens de démonétiser leur dette puisqu’ils avaient la possibilité de fixer le cours du dollar selon leur seul intérêt national. L’ère de l’unilatéralisme monétaire US pouvait alors commencer. En 1971, les États-Unis mettaient en crise le système dont ils étaient, à l’origine, garants.

Aujourd’hui, l’or s’est démonétisé. Il n’y a plus de contrepartie métallique à la monnaie émise, seulement de la dette. Les taux de change sont flexibles. Et la régulation du système monétaire international s’effectue via le seul fonctionnement des marchés. Et avec la modification des règles du jeu monétaire, le rôle du FMI a complètement évolué. A l’origine, le FMI devait garantir le bon état de marche du système monétaire international en aidant, par exemple, les pays en crise à rétablir leur stabilité monétaire. Dans les années 80, en assortissant, dans le cadre des plans d’ajustement structurels, ses prêts de conditionnalités, le FMI a mis en œuvre le démantèlement des pans entiers des politiques sociales et industrielles au Sud.

Comme l’a noté, en son temps, Montaigne, "l’accoutumance est une seconde nature, et non moins puissante". Dans le cas du FMI et des conditionnalités, cet adage se vérifie pleinement. Aussi, bien qu’ayant été mis sur la touche par le Sud, le FMI continue aujourd’hui à assortir son aide de conditions en matière de politique économique. Objectif ? "Obliger les pays en développement à appliquer des politiques économiques inappropriées, avec l’accord tacite des gouvernements des pays riches. Ces conditions de politique économique compromettent l’élaboration de politiques nationales, retardent le déboursement de l’aide et n’ont souvent aucun impact positif sur les populations pauvres". [11]

Dans un passé récent, un certain nombre de pays du Tiers-monde se sont mis à rembourser leur dette rubis sur l’ongle. "L’afflux de capitaux vers le Sud rendant un peu moins pressant que par le passé tout recours au FMI, le portefeuille des prêts de ce dernier ne s’élève plus qu’à 35 milliards de dollars, ce qui le ramène à son niveau d’avant 1980 (soit avant les différentes crises de la dette). Et déjà, un projet de réforme du FMI émergerait. Des spécialistes (surtout états-uniens) lui verraient bien jouer un rôle dans le règlement de la question des déséquilibres commerciaux. Cette redéfinition des buts et missions du Fonds est d’ailleurs saluée par son Directeur Général." [12].

Sud : découplez, croissez et multipliez ?

Comme on peut le voir, l’approche de la crise mondiale en termes de déséquilibre de flux corrélative aux volontés de réhabilitation du FMI posera, d’ores et déjà, problème au Sud. Car cette optique laisse de côté le déséquilibre de structures qui mine l’économie mondiale. C’est-à-dire le déséquilibre consommation épargne à l’intérieur de l’économie-monde. A ce sujet, les tenants d’un nouveau Bretton Woods se montrent peu diserts. C’est, comme on dit, une lacune.

Une lacune qui se heurte de plein fouet à certaines réalités macroéconomiques. Le découplage Nord-Sud, par exemple. Le découplage désigne une forme de désynchronisation des rythmes de croissance de l’économie entre différentes parties du monde. Le concept de découplage s’oppose à l’idée d’un monde globalisé dont les sous-éléments seraient interconnectés et radicalement dépendants les uns des autres. En ces temps où, à l’intérieur de la gauche, la geste altermondialiste s’est profilée comme seule voix alternative au système dominant, on pressent le trouble qu’il y a à évoquer la possibilité de divergences fondamentales à l’intérieur de l’économie-monde sur base de la diversité de situations nationales. Voilà pourquoi, sans jugement de valeur ni préjugé, il faut examiner, d’un point de vue strictement factuel, si la thèse du découplement est fondée en raison et dans les faits.

Première pièce à verser au dossier : le FMI, lui-même, en février 2008, entrevoyait la possibilité d’une croissance au Sud qui ne serait pas uniquement tirée par les exportations. "Malgré un recul de la croissance des exportations, les pays émergents et en développement — Chine et Inde en tête — restent pour l’instant sur la voie d’une expansion vigoureuse. Ces pays bénéficient de la grande vitalité de leur demande intérieure, de politiques macroéconomiques plus disciplinées et, dans le cas des exportateurs de matières premières, de la montée des cours des produits énergétiques et alimentaires. Dans les pays émergents et en développement, la croissance devrait également fléchir, en passant de 7,8 % (base annuelle) en 2007 à 6,9 % en 2008. En Chine, elle devrait passer de 11,4 à 10 % et ainsi contribuer à dissiper les craintes de surchauffe. En revanche, la croissance de l’Afrique devrait passer de 6 % en 2007 à 7 % cette année" [13]. Il est vrai qu’à cette époque, le FMI n’évoquait pas explicitement la possibilité d’une récession économique généralisée. Depuis, les perspectives du FMI pour les différentes régions du monde ont, bien entendu, évolué. Différence de degré mais non de nature serait-on tenté de dire.

En Afrique, la croissance sera de 6,0% en 2009 [14]. Aucun changement, en cette matière, à signaler par rapport à 2008. L’inflation s’y chiffrera à 8,3%. La balance des opérations courantes y sera légèrement positive (avec un taux de croissance de 0,2%). En ce qui concerne l’Asie dite émergente, là encore, les perspectives 2009 sont loin d’êtres sombres. La croissance du PIB s’y élèvera à 7,1% avec une inflation de 5,8% et une balance des opérations courantes en accroissement de 5%. Pour l’Amérique latine, le FMI entrevoyait, dans son rapport d’octobre 2008, une croissance positive de 3,2%. Loin des 6% affichés en 2008 et d’évidence, cette croissance sera mangée par l’inflation qui, dans la région, atteindra les 7,1%. Et le solde de la balance des opérations courantes y sera négatif l’année prochaine. En pourcentage du PIB, ce déficit sera, toutes choses égales par ailleurs, de 1,3%. Il sera causé par un phénomène que l’on observe déjà sur les marchés : "la violente liquidation de certaines devises émergentes ces dernières semaines [qui] n’est que le début de ce qui pourrait être un processus de plusieurs mois (…). Les fonds spéculatifs sont également de la partie. Ils procèdent à des rapatriements de fonds à grande échelle pour faire face à leurs échéances, en cédant notamment les actifs des pays émergents" [15].

Comme dans Hamlet, ils ne mouraient pas tous, mais tous, du peso argentin au rand sud-africain, étaient frappés. Tous sauf le yuan redimbi, la monnaie nationale chinoise qui n’a perdu que 0,19% par rapport au dollar au cours des trois derniers mois [16]. Il est vrai que les performances de l’économie chinoise en 2009 resteront tout à fait satisfaisantes en affichant un taux de croissance de 9,3%, une inflation de 4,3% et une croissance de la balance des opérations courantes de 5%. La Chine ne sera donc que marginalement affectée par la crise économique mondiale. Cela mérite explication.

Contrairement aux idées reçues, la croissance de l’économie chinoise ne dépend pas fondamentalement des exportations. Ce sont les investissements (40% du PIB) et la consommation intérieure qui constituent le moteur de l’économie chinoise [17]. C’est le caractère autocentré de cette croissance qui explique la grande stabilité de la monnaie chinoise à l’heure où les devises émergentes pâtissent des soubresauts de l’économie mondiale. Cette stabilité fait d’ailleurs les affaires de certains pays du Tiers-monde. Lorsque les officiels Chinois annonçaient, à l’occasion du G-20 des 11 et 12 octobre, que l’économie chinoise se centrerait davantage sur son marché intérieur, le quotidien de Buenos Aires "Pagina/12" se réjouissait [18] : "cela équivaudra à un niveau supérieur d’importations qui pourraient être ouvertes par des matières premières en provenance de l’Argentine".

Le monde qui se dessine pour ainsi dire là sous nos yeux en direct à la faveur de cette crise sera manifestement polycentrique. Une époque se termine pour les États-Unis. Faute d’avoir su régler à temps la question des déficits, la domination US sur le reste du monde en sera mise à mal, car "une civilisation qui s’avère incapable de résoudre les problèmes que suscite son fonctionnement est une civilisation décadente." (Aimé Césaire). Les plaidoyers pour un nouveau Bretton Woods devront tenir compte de tous ces facteurs.

Notes

[1Wall Street Journal, 11 juillet 2008.

[2BusinessWeek, 13 octobre 2008.

[3The Economist, 12 janvier 2008.

[4Michel Aglietta, "Les déséquilibres financiers des États-Unis et la transformation du système monétaire international", contribution à la conférence internationale d’économie monétaire et financière
Strasbourg, 16-17 juin 2005.

[5Les Echos, 28/07/2008.

[6Le Nouvel Observateur, 23 juin 2008.

[7Michel Aglietta, Laurent Berrebi, "Désordres dans le capitalisme mondial", Editions Odile Jacob, Paris, 2007, p.381.

[8Ibid.

[9Pagina/12, 12 octobre 2008.

[10Barry Eichengreen, "L’expansion du capital. Une histoire du système monétaire international", L’ Harmattan, Paris, 1997, p.172.

[11Document d’information OXFAM, "Perdre les mauvais habitudes : La Banque Mondiale et le FMI attachent encore des conditions de politique économique à leur aide", Document d’information d’Oxfam, novembre 2006.

[12Wall Street Journal, 21/04/2006

[13FMI Bulletin, Volume 37, numéro 2, février 2008.

[14IMF, Global Financial Stability Report, "Financial Stress and Deleveraging Macro-Financial Implications and Policy", October 2008, chapter 2 "Country and regional perspectives", pp. 44-86.

[15L’Echo, 21 octobre 2008.

[16L’Echo, 22 octobre 2008

[17The Economist, 3 janvier 2008.

[18Pagina/12, op.cit.