Jouer franc jeu n’est pas la caractéristique première des grands groupes d’entreprises. Lorsqu’il y a une règle de droit établie par le législateur, une fois sur deux, on contourne. En matière de prise de participation dans une entreprise cotée, ainsi, "l’investisseur" doit déclarer la chose en France à l’Autorité des marchés financiers dès lors que cette participation atteint 5% du capital social de l’entreprise ciblée. Une exigence de transparence, si on veut. Il est logique que la direction et le conseil d’administration d’une entreprise donnée soient avertis à temps de menées qui, à terme, risquent de leur en faire perdre le contrôle. On peut appeler cela une règle de simple courtoisie. C’est un peu comme si quelqu’un achetait en catimini une partie de votre logement, mettons la douche (5%) : quoi de plus naturel d’en être averti avant que l’intrus ne possède aussi le vestibule (encore 5%), puis la chambre à coucher… Le groupe Arnault associé à Albert Frère n’a pas eu cette délicatesse vis-à-vis de la société Hermès. Cette dernière a en effet dû attendre le 23 octobre 2010 pour apprendre, par un coup de téléphone, que le duo s’était emparé, dans le plus secret, de 17% du capital. Le coup est tordu mais légal. C’est en 2000 que le groupe Arnault a commencé ses emplettes. Il s’est arrêté net lorsqu’il détenait 4,9% du capital. Pour que la manœuvre ne soit pas détectée, Arnault a ensuite eu recours à diverses banques et des contrats appelés "equity swaps" afin que les nouveaux achats apparaissent, en ordre dispersé, au nom des dites banques : des prête-noms, pour appeler un chat, un chat. Ce petit jeu va continuer jusqu’au moment où – octobre 2010 – le groupe Arnault décide de se déclarer… Surprise, surprise…
Source:Le Canard enchaîné du 27 octobre 2010.
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