Ce mardi 23 avril, le Parlement européen dans son ensemble devra se prononcer sur la proposition de nouvelles règles budgétaires européennes. Celles-ci promettent d’être décisives pour l’Union et ses citoyens, alors que le débat sur leur utilité et leur signification a été vif et long. Après avoir suspendu pendant trois ans les règles budgétaires en raison de la crise du Covid et de la guerre en Ukraine, l’UE voudrait réintroduire de nouvelles règles dites de « stabilité budgétaire ». Pour 2025 et au-delà, un paquet de nouvelles mesures est maintenant prêt. Bien que la Belgique n’ait jamais adopté une position unifiée lors des négociations préparatoires, elle s’apprête à faire voter par le Conseil en mai ce nouveau cadre budgétaire.
Ce mardi 23 avril, le Parlement européen dans son ensemble devra se prononcer sur la proposition de nouvelles règles budgétaires européennes. Celles-ci promettent d’être décisives pour l’Union et ses citoyens, alors que le débat sur leur utilité et leur signification a été vif et long. Après avoir suspendu pendant trois ans les règles budgétaires en raison de la crise du Covid et de la guerre en Ukraine, l’UE voudrait réintroduire de nouvelles règles dites de « stabilité budgétaire ». Pour 2025 et au-delà, un paquet de nouvelles mesures est maintenant prêt. Bien que la Belgique n’ait jamais adopté une position unifiée lors des négociations préparatoires, elle s’apprête à faire voter par le Conseil en mai ce nouveau cadre budgétaire.
La philosophie austéritaire [1] qui sous-tend le Pacte de stabilité et de croissance n’a pas beaucoup évolué depuis 25 ans. Les arbitraires critères de Maastricht sont toujours là et risquent d’être appliqués d’une façon encore plus austère dans certaines situations. Et chaque crise accouche de législations budgétaires encore plus complexes, permettant un contrôle toujours plus pointilleux des budgets des États par les économistes de la Commission européenne. Avec les nouvelles règles, un pays comme la Belgique, dont la dette est supérieure à 90% du PIB, devra désormais la réduire d’un point de PIB par an. En outre, les États membres doivent garantir dans leurs plans budgétaires qu’aucun effort budgétaire supplémentaire ne sera nécessaire au cours des dix années suivant le plan. Cela signifie que tous les coûts supplémentaires liés au vieillissement d’ici 2030 doivent être compensés en une seule législature ! Pour l’économie belge, sur une trajectoire budgétaire de 4 ans, cela nécessitera un effort de plus de 6 milliards par an, pour atteindre près de 28 milliards en 2029. Pour mettre les choses en perspective, il faut savoir que la Belgique n’a reçu "que" 5 milliards d’euros en 5 ans reçus du plan de relance européen post-Covid.
Si elle est votée par les parlementaires et avalisée par les États membres au sein du Conseil, cette réforme du pacte de stabilité et de croissance placera illico et pour de nombreuses années la Belgique en « procédure pour déficit excessif ». La Belgique et beaucoup d’autres états membres seront forcés immédiatement et pour plusieurs années de réduire leurs dépenses, à moins d’augmenter leurs recettes. Elle plongera par ailleurs l’Europe et les États membres dans une série de contradictions inextricables.
La première est purement économique. Ces « nouvelles » règles vont mettre les politiques budgétaires en pilotage automatique, limitant fortement la prise en compte de crises conjoncturelles futures et accentuant même le caractère récessif de ces dernières. Alors que les États-Unis et la Chine investissent massivement dans des politiques industrielles « vertes », l’Europe risque de s’enliser à nouveau dans une politique procyclique autodestructrice qui étouffe l’innovation et le développement économique.
La seconde relève presque de la schizophrénie. Alors que la transition écologique est sur toutes les lèvres politiques et que les effets du réchauffement climatique se font de plus en plus sentir, les États membres vont se priver de l’outil budgétaire pour déployer les investissements massifs nécessaires à la décarbonation et à la transformation écologique de nos économies.
La troisième concerne notre modèle social. Une large partie de la dette publique belge provient du rôle croissant de soutien non conditionné aux entreprises, notamment pour amortir les chocs dus aux confinements, à l’inflation, mais aussi, et surtout des subsides salariaux ou du Tax shift. Or, lorsque des appels sont faits pour assainir les budgets, ce sont les dépenses sociales et environnementales qui sont visées. L’austérité budgétaire causée en grande partie par des mesures de soutien aux entreprises risque donc de se traduire par une mise en concurrence entre les investissements publics dans la transition et le financement des systèmes de sécurité sociale. Notons que, depuis les années 1980, c’est bien la sécurité sociale qui a permis, lors de chaque crise économique souvent causée d’ailleurs par la rigueur budgétaire ou salariale, d’amortir les chocs et de relancer l’économie. Pour des partis progressistes, laisser voter les « nouvelles » règles budgétaires, que ce soit au Parlement européen ou au Conseil, c’est devoir choisir demain entre couper dans les budgets de la sécurité sociale ou dans les investissements pour assurer la transition écologique. C’est prendre le risque de se priver à terme d’outils de socialisation de la richesse et d’un levier favorisant une plus grande égalité économique entre les citoyens. Enfin, symboliquement, c’est opposer les dimensions environnementales et sociales du développement durable et par là, nourrir le discours caricatural d’une écologie nécessairement punitive.
La quatrième et dernière contradiction interroge la légitimité démocratique de cette décision. Les nouvelles règles européennes risquent de figer la politique budgétaire pour plus de dix ans. À quelques semaines d’élections importantes, à l’heure où les partis politiques cherchent à susciter l’engagement et la participation citoyenne, une telle décision ne peut que nous interpeller !
Nous n’acceptons pas que notre avenir écologique et notre modèle social soient sacrifiés sur l’autel de règles budgétaires qui ne permettent même pas d’assurer un niveau d’investissement adéquat dans la transition écologique et les besoins sociaux essentiels. La Belgique, dans le cadre de sa présidence, a le devoir de s’opposer à ces règles.
Signataires :
Marie-Hélène Ska, Secrétaire générale de la CSC
Thierry Bodson, Président de la FGTB
Ariane Estenne, Mouvement Ouvrier Chrétien (MOC)
Jean-Pascal Labille, Secrétaire Général de Solidaris
Sarah de Liamchine, Directrice de Présence et Acton culturelles (PAC)
Sylvie Meekers, Directrice générale Canopea
Arnaud Zacharie, Secrétaire général CNCD-11.11.11
Bruno Bauraind, Secrétaire général Gresea
Cette carte blanche a paru le 22 avril 2024 sur le site du journal Le Soir.
Image par Tumisu de Pixabay